| FIÉVREUX, EUSE, adj. et subst. I.− Adjectif A.− [Correspond à fièvre A] Relatif à la fièvre. État fiévreux; accès, mouvement fiévreux. 1. (Quasi-)synon. de fébrile (v. ce mot A). − [Qualifiant un subst. désignant une pers.] Qui a la fièvre, de la fièvre. (Quasi-)synon. fébricitant (vieilli).Il se retournait sur sa paillasse, fiévreux, le front brûlant, la langue sèche, dévoré d'une soif ardente (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Père Amable, 1886, p. 226).S'il est un peu chaud, un peu fiévreux, depuis trois jours, ne t'inquiète pas. Ce sont les dents qui le travaillent (Pagnol, Fanny,1932, III, 2, p. 173). − [Qualifiant un subst. désignant une partie du corps, un phénomène physiol.] Qui dénote la fièvre, de la fièvre. Pouls fiévreux; frisson, teint, yeux fiévreux; lèvres, mains fiévreuses. La rougeur fiévreuse des lèvres (Zola, Page amour,1878, p. 1037).Il s'aperçut cependant qu'il venait d'avoir une respiration un peu frissonnante, avec deux ou trois coups de sa toux fiévreuse (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 251): 1. Pour calmer le pauvre front battant de fièvre, chargé de fièvre,
Afin de rattraper, afin de revaloir le couronnement de dérision,
Pour adoucir, pour apaiser, pour calmer, afin de rafraîchir les tempes battantes,
Les tempes fiévreuses,
Le front ardent, le front fiévreux,
Lourd de fièvre, les tempes chaudes, la migraine et l'injure, et le mal de tête et pour calmer la dérision même.
Péguy, Porche Myst.,1911, p. 240. − [Qualifiant un subst. désignant une maladie] Accompagnée de fièvre. Une grippe lourdement fiévreuse (Céline, Voyage,1932, p. 528). − ,,Tempérament fiévreux. Qui est sujet à la fièvre`` (Ac. 1932). 2. Vieilli − [Qualifiant un subst. désignant un élément de l'environnement naturel] Qui cause la fièvre. Marais fiévreux. Il y a ici une influence fiévreuse, car mon cocher souffre du même mal que moi (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Horla, 1886, p. 1103).Qui donc le disait malsain et fiévreux, cet air du Sénégal? Jacques le sentait réparateur (Vogüé, Morts,1899, p. 263). − [Qualifiant un subst. désignant un symptôme] Causé par la fièvre. Un bouton fiévreux (Renard, Journal,1904, p. 920). B.− Au fig. [Correspond à fièvre B] 1. Dans le domaine psychol. a) [Qualifiant un subst. désignant (l'état, le comportement, le produit de l'activité d')une pers.]
α) Qui est dans un état de tension anxieuse. Toute la journée, il fut inquiet, fiévreux, avec la hâte d'être au lendemain (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., 2, p. 71). ♦ Attente fiévreuse. Cette nuit fut une des plus fiévreuses que passa Dantès. Pendant cette nuit, toutes les chances bonnes et mauvaises se présentèrent tour à tour à son esprit (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, p. 276).Il y a une grande paix dans ces yeux-là, que j'ai connus si fiévreux et si angoissés (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 338).
β) Qui est dans un état d'exaltation et/ou d'agitation passionnée. (Quasi-)synon. fébrile.Immobiles et fiévreux, les lèvres fermées, la narine frémissante, penchés l'un vers l'autre, ils se regardaient comme on s'égorge (Péladan, Vice supr.,1884, p. 46).Fiévreux, enthousiastes, haletants. Ils allèrent, sans faire une faute, jusqu'à la fin de cette admirable page (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 136): 2. J'ai eu pour rêve d'être à la fois fiévreux et lucide, le sujet et l'objet, comme disent les Allemands, de mon analyse, le sujet qui s'étudie lui-même et trouve dans cette étude un moyen d'exaltation à la fois et de développement scientifique. Hélas! où cette chimère m'a-t-elle mené?
Bourget, Disciple,1889, p. 68. − Air, geste, visage fiévreux; activité fiévreuse; préparatifs, projets, travail fiévreux. C'est un rendez-vous qu'elle me demande, en un billet fiévreux, dans la journée, ou chez moi ou chez elle (Goncourt, Journal,1890, p. 1124).Les faisceaux − qu'on forme, au coup de sifflet, avec une hâte fiévreuse et une lenteur désespérante à cause de l'aveuglement, dans l'atmosphère d'encre (Barbusse, Feu,1916, p. 69): 3. Fiévreuses années! nul répit, nulle relâche. Rien qui fasse diversion à ce labeur affolant. Point de jeux, point d'amis. Comment en aurait-il? L'après-midi, à l'heure où les autres enfants s'amusent, le petit Christophe, le front plissé par l'attention, est assis à son pupitre d'orchestre, dans la salle de théâtre poussiéreuse et mal éclairée. Et le soir, quand les autres enfants sont couchés, il est encore là, affaissé sur sa chaise et crispé de fatigue.
Rolland, J.-Chr.,Matin, 1905, p. 143. ♦ P. anal., dans le domaine art.Il y a un contraste étrange entre la pureté de son trait [de M. Giacomelli] et la ligne fiévreuse et tourmentée de Gustave Doré (Zola, Mes haines,1866, p. 77).J'avais ouvert un volume de Musset (...) et je m'étais laissé gagner par le triste charme du plus fiévreux de ses poèmes, cette Nuit de décembre que je ne peux lire sans frissonner (Jammes, Robinsons,1925, p. 108). − [Constr. avec un compl. prép. de] ♦ [Le compl. désigne la cause] Sans bruit, les mains fiévreuses de son brusque désir, elle passa un jupon (Zola, Terre,1887, p. 92).Un Volat fiévreux de rancune, gonflé de griefs venimeux, le vrai Volat, le dangereux, le mauvais (Genevoix, Raboliot,1925, p. 91). ♦ [Le compl. désigne l'obj. d'un désir] Qui est ardemment désireux de. Ce qui la rendait si fiévreuse de partir, ce qu'elle était impatiente de retrouver, c'était un appartement inhabité que j'avais vu une fois, appartenant à la grand'mère d'Andrée, un appartement luxueux (Proust, Prisonn.,1922, p. 391).Le jeune homme fiévreux de succès, qui vient saluer la gloire à vingt-trois ans, lorsqu'il débarque par la poste, quel Paris se découvre devant lui? (Brasillach, Corneille,1938, p. 88). b) [Qualifiant un subst. désignant un affect, un état émotif] Qui est intense, qui a quelque chose de passionné, de désordonné. Désir, plaisir fiévreux; ardeur, impatience, joie fiévreuse. Cet homme-là [Héliogabale] a une beauté différente de celle de Néron. C'est plus asiatique, plus fiévreux, plus romantique, plus effréné (Flaub., Corresp.,1844, p. 153).En ces jours de délaissement fiévreux, de dégoût passionné, et d'attente mystique, où elle tendait les mains vers un sauveur inconnu, Jacqueline rencontra Olivier (Rolland, J.-Chr.,Amies, 1910, p. 1116): 4. Il leur fallait [à de beaux esprits] le fiévreux masochisme d'Eleuthère, cette inquiète et trouble misogynie qui cherche à son dégoût charnel un alibi métaphysique, pour qu'ils missent à la mode le culte des idées, et le criticisme a dû se présenter comme une névrose d'asiate torturé de désirs morbides, pour qu'ils le reçussent à la facon d'un téphilin magique.
Massis, Jugements,1924, p. 221. PARAD. a) Synon. agité, excité, nerveux. b) Anton. calme, serein, tranquille. 2. P. anal. Qui est dans un état d'agitation ou d'intense activité. Foule, ville fiévreuse. (Quasi-)synon. fébrile.Me voici enfin seul dans mes montagnes, loin des bancs fiévreux de la Chambre et des tumultes de Paris (Lamart., Corresp.,1836, p. 219).Il y avait des poussées d'épaules, une bousculade fiévreuse autour des casiers et des corbeilles (Zola, Bonh. dames,1833, p. 617): 5. À Paris, il est difficile de se soigner. On n'a le temps de rien. La vie est trop fiévreuse, trop tumultueuse... on y est, sans cesse, en contact avec trop de gens, trop de choses, trop de plaisirs, trop d'imprévu... Il faut aller quand même... Ici, c'est calme... Et quel silence! ... L'air qu'on respire doit être sain et bon... Ah! si, au risque de m'embêter, je pouvais me reposer un peu...
Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 22. − [Qualifiant un subst. désignant un processus soc.] (Quasi-) synon. effréné.D'un bout à l'autre du continent, c'est une fiévreuse concurrence d'armements qui ruine tous les pays (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 133). II.− Substantif A.− Personne qui a la fièvre, de la fièvre. Les fiévreux au teint mat qui tremblent sur la paille (Barbier, Iambes,1840, p. 110).Un médecin traite un fiévreux par le quinquina (Bernard, Principes méd. exp.,1878, p. 73). Rem. On relève ds la docum. une constr. qualificative antéposée. Une mère portant un petit fiévreux d'enfant (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p. 139). B.− Personne qui vit dans l'agitation, l'exaltation. Nous détestons le théâtre, le monde et les journaux, et cette vie de fiévreux (Renard, Lanterne sourde,1893, p. 251). Prononc. et Orth. : [fjevʀø], [fjε-], fém. [-ø:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1155 « qui a de la fièvre » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1393); av. 1593 « qui provoque la fièvre » (Amyot, Prop. de table, IV, 1 ds Gdf. Compl.); 1580 fig. (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, II, 7, p. 422 : cette fievreuse solicitude que nous avons de la chasteté des femmes). Dér. de fièvre*; suff. -eux*. Fréq. abs. littér. : 887. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 418, b) 1 603; xxes. : a) 2 325, b) 1 157. |