| FAVEUR1, subst. fém. A.− [Avec une idée de préférence] 1. [Du point de vue de celui qui est à la source de la faveur accordée] a) [Comme état plus ou moins durable] Au sing. Disposition ou attitude bienveillante envers une personne préférée. Honorer (qqn) de sa faveur; marque de faveur; faveur du roi; se concilier la faveur (de qqn). Il s'était adroitement maintenu auprès de l'empereur de France entre la faveur et la disgrâce (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 180).Toute la faveur de M. de Charlus se porta après le mariage de sa fille adoptive sur le jeune marquis de Cambremer (Proust, Fugit.,1922, p. 673): 1. ... Fédor se disait : « C'est donc là cette petite paysanne, qui, à force d'adresse normande et de complaisances bien calculées, a su gagner la faveur de ma mère, et, qui plus est, la sait conserver. »
Stendhal, Lamiel,1842, p. 118. − Dans le domaine relig.Soutien du ciel. Il eut « assez d'esprit » pour y voir une marque de la faveur divine (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 49).Sa bénédiction attirait sur ses amis généreux la faveur du ciel et la chance, et sur les autres l'infortune (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 198). − Avec faveur. Avec bienveillance. Écouter, accueillir (qqn) avec faveur. Il me parle avec faveur d'un ouvrage analogue de Lévy-Bruhl (Barrès, Cahiers,t. 9, 1912, p. 403).[La lettre] où il nomme avec faveur chacun des membres de notre famille (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1011). − De faveur. Obtenu par faveur. Traitement, tour, abonnement, entrée de faveur. Là sont les spectateurs de marque et les places de faveur (Gide, Journal,1896, p. 71).À la maison, on ne laissait rien perdre : ni un croûton de pain, ni un bout de ficelle, ni un billet de faveur, ni aucune occasion de consommer gratis (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 67). b) P. méton. [Comme action partic., ponctuelle] Au sing. ou au plur. ♦ Marque de bienveillance et de préférence envers quelqu'un. Demander, accorder, obtenir une faveur; combler (qqn) de faveurs; accueillir une faveur. Peu à peu, ayant dû refuser plusieurs faveurs au préfet, il avait senti un grand froid entre eux (Zola, E. Rougon,1876, p. 326).Entré au ministère par faveur exceptionnelle, il avait eu à endurer bien des misères (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hérit., 1884, p. 468): 2. Ses mœurs consistaient à sortir après le déjeuner, à revenir pour dîner, à décamper pour toute la soirée, et à rentrer vers minuit, à l'aide d'un passe-partout que lui avait confié Madame Vauquer. Lui seul jouissait de cette faveur.
Balzac, Goriot,1835, p. 23. ♦ Dans le domaine relig.Grâce particulière. Dieu n'accorde la faveur de ces révélations qu'aux hommes de bonne volonté (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 184). ♦ Par faveur (spéciale). À titre exceptionnel. Il avait son cours des dames, auquel je suis admis par grande faveur (J.-J. Ampère, Corresp.,1827, p. 434). ♦ Tenir à faveur (vieilli). Si vous n'êtes pas ici je tiendrai encore à grande faveur que vous vouliez bien m'attendre en Angleterre (Staël, Lettres L. de Narbonne,1793, p. 178). ♦ Emploi fréq. Faire une faveur (à qqn). Vous me faites l'extrême faveur de prendre ma maison pour une auberge (Delécluze, Journal,1825, p. 160).Si vous voulez me faire une faveur, déliez-moi la main droite une seconde (Camus, Révolte Asturies,1936, IV, p. 435). ♦ La faveur de + inf. En jouant ainsi, j'obtins la faveur de lui baiser la main (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 165).Il réclama la faveur d'être pensionnaire (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 76). − P. ext., rare. Avantage accordé. Une série de domaines nourriciers (...) participant à l'envi aux faveurs d'un climat ensoleillé (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 137). 2. [Du point de vue du bénéficiaire qui reçoit la faveur] a) [Le bénéficiaire est une pers.] Considération dont quelqu'un est l'objet. Faveur populaire, publique; conquérir la faveur de qqn; regain de faveur. La faveur des gens du monde bien élevés devenait le suprême criterium du bien (Renan, Souv. enf.,1883, p. 167).Les ingénieurs jouissaient alors dans la société d'une faveur qu'ils n'ont pas entièrement conservée (France, Vie fleur,1922, p. 438). − Être en faveur (auprès de qqn). Jouir d'une grande considération. On nous dit que vous êtes en faveur près de MmeG. (Courier, Lettres Fr. et It.,1806, p. 718).Lucien, très en faveur auprès des hommes qui exerçaient le pouvoir (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 81).Êtes-vous en faveur à l'archevêché? (France, Orme,1897, p. 118). b) [Le bénéficiaire est une chose] Appréciation positive hors de l'ordre commun. Prendre, perdre faveur. Les idées monarchiques reprennent faveur (Balzac, E. Grandet,1834, p. 241).Les libertés sont passées de mode, et ce n'est pas M. Brisson qui se propose de les remettre en faveur (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 481).L'art direct, sommaire et ramassé, qui trouve aujourd'hui faveur (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 211). − (Être) en faveur. La cuisine et ses douceurs furent en grande faveur chez les Athéniens (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 263).Cette sagesse toute négative, si en faveur parmi nous (Renan, Avenir sc.,1890, p. 371). B.− [Sans idée de préférence] 1. Dans le domaine des rapp. amoureux,en gén. au plur. Attentions tendres qu'une femme accorde à un homme. Accorder ses faveurs (à qqn). Pécuchet le matin du même jour s'était promis de mourir, s'il n'obtenait pas les faveurs de sa bonne (Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 61).Cette Champmeslé dont il partageait les faveurs avec beaucoup d'autres (Mauriac, Vie Racine,1928, introd., p. 78). − Spéc. Dernières faveurs. Abandon total de soi-même consenti par une femme à l'homme qu'elle aime. J'avais vite obtenu les dernières faveurs de la fille de mes propriétaires (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 264): 3. Incapable de surmonter sa déception, de se passer de cette femme, il la relance, elle le fuit, si bien qu'un sourire qu'il n'osait plus espérer est payé mille fois ce qu'eussent dû l'être les dernières faveurs.
Proust, Guermantes 1,1920, p. 160. 2. Loc. prép. a) En faveur de − Vieilli. Eu égard à. En faveur de mon respect pour tes aïeux, permets-moi de m'asseoir sur la natte à tes côtés (Chateaubr., Natchez,1826, p. 243).En faveur de la solennité, les rideaux qui cachaient habituellement le chœur furent ouverts (Balzac, Langeais,1834, p. 198). − Usuel. À l'avantage, au profit de. Témoignage, testament en faveur de (qqn). Il m'a déshérité en faveur de mon frère (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Surprise, 1882, p. 20).Ça serait un crime de ne pas tout tenter en faveur de la paix (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 141). ♦ En faveur de moi, de toi, de lui, etc. Plus fréq. En ma, ta, sa faveur, etc. Veux-tu que j'abdique en ta faveur? (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 269).Votre renommée m'avait prévenu en votre faveur (Montherl., Reine morte,1942, I, tabl. 2, 5, p. 156). b) À la faveur de. Grâce à, à l'occasion de. À la faveur de circonstances, des événements. Je te pardonne à la faveur de la nouvelle année (Mallarmé, Corresp.,1865, p. 189).[Je] sentis brusquement, à la faveur de mon baiser, une sorte de pitié nouvelle (Gide, Immor.,1902, p. 376).Ces relations qui ne végètent qu'à la faveur d'un mensonge (Proust, Sodome,1922, p. 615). Prononc. et Orth. : [favœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xiie-début xiiies. « disposition à accorder un avantage à quelqu'un » (Job, éd. W. Fœrster, p. 317, 34); spéc. 1315 en la faveur de « au bénéfice de » (A. N. S 104 ds Gdf. Compl.); 1580 à la faveur de « grâce à » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, l. 1, chap. 12, p. 67); 1632 dernières faveurs [en parlant d'une femme] (Corneille, Clitandre ds
Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 1, p. 265, argument); 2. 1557 faveur « écharpe de femme en tissu léger » (Cpte roy. de Julian de Boudeville, fo10 vods Gay); 1690 « ruban étroit » (Fur.). Empr. au lat. class. favor « faveur ». Bbg. Vildé Lot (I.). Fr. mod. 1965, t. 33, pp. 309-310. |