| FARCIR, verbe trans. [Correspond à farce1] A.− Emploi trans. 1. Remplir de farce une viande, un poisson, un légume. C'est (...) de l'ail broyé que ces mêmes paysans ajoutent à la sauce dont on farcit les oies et les cochons de lait (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 170): Notre dîner, placé sur cette table, se composait d'un pilau, d'un plat de lait aigri que l'on mêle avec de l'huile, et de quelques morceaux de mouton haché, que l'on pile avec du riz bouilli, et dont on farcit certaines courges semblables à nos concombres.
Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 246. 2. P. ext., fam. Remplir jusqu'à saturation. Une tabatière d'où ils tirent une poudre noire avec laquelle ils farcissent incessamment leur nez (Balzac,
Œuvres div., t. 3, 1840, p. 209). − Farcir de balles, etc. Cribler de balles, etc. Notre père (...) a dû le tirer de trop près [un lièvre] : il est farci de petit plomb (H. Bazin, Vipère,1948, p. 271). 3. Au fig. a) Surcharger un écrit ou un propos, de citations, de mots ou de tournures identiques. Synon. truffer.Les femmes croient les gens quand ils farcissent leurs phrases du mot amour (Balzac, Chabert,1832, p. 50).Il répétait trop souvent le mot « en effet » et moi je farcissais mes lettres de « en effet » (Stendhal, H. Brulard,t. 2, 1836, p. 449). b) Imposer à quelqu'un, par des sollicitations répétées, une idéologie, une forme de conduite, de culture. Ah! ces penseurs, mon enfance en a-t-elle été assez farcie, comblée, bondée, obstruée, saturée, soûlée! (Bloy, Lieux communs,1902, p. 220). B.− Emploi pronom. 1. À valeur passive. Les dindons se farcissent avec des truffes (Littré). 2. À valeur réfl. [Suivi d'un compl. d'obj.; le pron. a une valeur de compl. d'obj. indir.] a) Fam. Se farcir (la panse, le chou...). Se remplir, se saturer (de), manger avec excès. Ah! quel plaisir de boire frais, De se farcir la panse! (Berlioz, Grotesques mus.,1859, p. 29).Cf. aussi Martin du G., Gonfle, 1928, III, 2, p. 1228. b) Au fig. Se farcir (la tête, la cervelle) de. Surcharger son esprit, son intelligence, de notions, de connaissances pas toujours utiles. Laissez-là tous vos déclamateurs de tribunes et toutes ces billevesées grecques et latines dont vous vous êtes farci la mémoire (Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 97). 3. Argot a) [Le compl. désigne un inanimé concr. ou abstr.] − Se farcir (un travail, une tâche). Exécuter de mauvaise grâce un travail ennuyeux ou pénible. Synon. se taper, se coltiner.Je me le suis farci [le piano à déménager] tout seul (Trignol, Pantruche,1946, p. 87). ♦ Rare. S'offrir, s'acheter quelque chose. Tu te rends compte de ce qu'on peut se farcir avec quinze mille francs! (Vialar, Faux-fuyants,1953, p. 120). − Se farcir une peine (de prison). La purger. Tu sors du ballon? Combien que tu t'es farci? − Dix piges (Trignol, Pantruche,1946p. 91). b) [Le compl. désigne une pers.] − Supporter avec beaucoup de mal. Jojo était avare (...) mais, en plus, fallait se le farcir! (Simonin, Pt Simonin ill.,1957, p. 190). − Trivial. Se farcir une femme. Coucher avec elle. Synon. se taper, s'envoyer.On aurait voulu le poirer nous en train de se farcir la patronne (Céline, Mort à crédit,1936, p. 201). Prononc. et Orth. : [faʀsi:ʀ], (je) farcis [faʀsi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1174-76 au propre « bourrer, remplir » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1983); b) av. 1236 plus particulièrement, terme de cuis. Rostir, farsir, frire, larder (G. de Coinci, Doutance de la mort, 873, éd. V. F. Kœnig, Miracles, t. 4, p. 474); 2. ca 1210 au fig. farsie de träisson (Dolopathos, 322 ds T.-L.). cf. aussi farsi « mêlé de, avec un mélange de » un benedicamus farsi a orgue, a treble et a deschant (Renart, éd. E. Martin, XII, 884); 3. [1932 se farcir quelque chose (argot des voyous d'apr. Esn.)] 1935 (Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! p. 87 : j'vais m'la farcir). Du lat. class. farcire « remplir, bourrer, gorger de » au propre et au figuré. Fréq. abs. littér. : 20. Bbg. Le Bidois Délire 1970, p. 203. − Versini (L.). Néol. et tours à la mode dans Angola. In : [Mél. Pintard (R).]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no2, p. 515. |