| FANTASME, PHANTASME, subst. masc. A.− Vx, PATHOL. Vision hallucinatoire. Synon. hallucination.Je voyais en marge de mon champ visuel et à quelque distance une grande ombre en mouvement, je tourne le regard de ce côté, le fantasme se rétrécit et se met en place : ce n'était qu'une mouche près de mon œil. J'avais conscience de voir une ombre et j'ai maintenant conscience de n'avoir vu qu'une mouche (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 344). B.− PSYCHANAL. Construction imaginaire, consciente ou inconsciente, permettant au sujet qui s'y met en scène, d'exprimer et de satisfaire un désir plus ou moins refoulé, de surmonter une angoisse. Fantasme conscient, inconscient, sexuel. [Freud] vit dans le refoulement des désirs œdipiens intolérables la source des phantasmes (...) des névrosés (Hist. de la sc.,1957, p. 1697).Les interprétations de Jung ont fait l'objet de nombreuses critiques chez les alchimistes contemporains (Canseliet, Alleau, Claude d'Ygé), − alarmés à juste titre de voir l'art d'Hermès rapproché des visions, des rêves, des phantasmes pathologiques (Caron, Hutin, Alchimistes,1959, p. 84): 1. Ces pulsions refoulées cristallisent sur elles les complexes morbides les plus différents. (...). (Au lieu d'être enfoui dans les profondeurs du moi, l'objet redouté ou désagréable peut être dérivé vers un fantasme imaginaire et agréable, où se dissout l'angoisse, souvent en retournant l'objet en son contraire : c'est le rôle fréquent de la rêverie diurne; ...).
Mounier, Traité caract.,1946, p. 353. ♦ Fantasmes originaires. ,,Fantasmes qui transcendent le vécu individuel et ont un certain caractère d'universalité. En ce sens, ils sont à rapprocher des mythes collectifs. Ils « mettent en scène » ce qui aurait pu dans la préhistoire de l'humanité participer à la réalité de fait et à ce titre ils entrent dans le cadre de la réalité psychique`` (A.-J. Coudert ds Porot 1975, p. 270). − P. ext., usuel. Représentation imaginaire marquant une rupture avec la réalité consciente. Synon. chimère, rêverie.Alors, ils se montaient des bobards, des entourloupes monumentes, ils rêvaient tous de réussites, de carambouilles formidables... Ils se voyaient expropriés, c'était des fantasmes! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 342).La montagne célèbre [le Matterhorn] avait beau ne plus être la cime surnaturelle, environnée de terreurs et de fantasmes de jadis (Peyré, Matterhorn,1939, p. 57): 2. À l'heure où le silence, l'ombre, l'ennui des immeubles bourgeois envahissaient le vestibule, je lâchais mes phantasmes; nous les matérialisions, à grand renfort de gestes et de paroles, et parfois, nous envoûtant l'une l'autre, nous réussissions à décoller de ce monde jusqu'à ce qu'une voix impérieuse nous rappelât à la réalité.
Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 46. Prononc. et Orth. : [fɑ
̃tasm̥]. Rob. et Lar. Lang. fr. parmi les dict. gén. et de nombreux dict. techn. tels que Foulq.-St-Jean 1962, Rycr. 1972, Carr.-Dess. Psych. 1976 admettent 2 graph. : fantasme ou phantasme. D'apr. Dupré 1972 le mot, doublet de fantôme*, a été mis à la mode par la psychol. freudienne et par conséquent devrait plutôt s'écrire avec ph. Il note que ds Lapl.-Pont. 1967 on distingue fantasme « scénario imaginaire où le sujet est présent et qui figure, d'une façon plus ou moins déformée par les processus défensifs, l'accomplissement d'un désir et, en dernier ressort, d'un désir inconscient » et phantasme qui désigne « le fantasme inconscient ». Cette distinction est jugée arbitraire ds Colin 1971 et ds Sournia Méd. 1974 qui préfèrent la graph. avec f : ,,Cette orthographe simplifiée (f) s'impose de plus en plus et avec raison sur phantasme puisque nous avons déjà fantasque, fantastique, fantaisie, etc. Donner un sens différent à fantasme et phantasme c'est rechercher la confusion.`` Étymol. et Hist. xiiies. « illusion, fausse apparence » (Li Epistle Saint Bernard a Mont Deu, ms. Verdun, 72, fo32 vods Gdf. Compl.); 1832 méd. « image hallucinatoire » (Raymond); 1866 « production de l'imaginaire par laquelle le moi échappe à la réalité » (Amiel, Journal, p. 266 : leçon sur les mythes, légendes, fables, fantasmes et rêves comme produits de l'imagination). Empr. au lat. impérial phantasma, -atis « fantôme, spectre », b. lat. « image, représentation par l'imagination », transcr. du gr. φ
α
́
ν
τ
α
σ
μ
α « apparition; image offerte à l'esprit par un objet; spectre, fantôme », v. fantôme. Fréq. abs. littér. : 66. DÉR. Fantasmatique, adj.a) Vx. Qui présente un caractère irréel. Cette lugubre dalle calviniste, sans croix, avec le seul nom terrifiant et fantasmatique de Louis XVII (Bloy, Journal,1902, p. 91).Gracian, Castiglione et La Bruyère observent la Cour, ce milieu irréel, fantasmatique et inconsistant entre tous, comme on observe les images d'une lanterne magique (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 9).b) Néol. [Correspond à fantasme B] Qui relève du fantasme. [La langue poétique] dépôt de toutes les poésies antérieures, image fantastique (ou fantasmatique) d'un patrimoine qui n'est pas celui de l'auteur (R. Barthesds Nouv. Obs.,17.6.69, p. 38, col. 1).− [fɑ
̃tasmatik]. Pour la graphie ph, cf. fantôme. − 1reattest. 1604 « de la nature d'un fantôme » (Le Loyer, Hist. des spectres I, 1 ds Hug.); de fantasme, suff. -atique*. − Fréq. abs. littér. : 11. BBG. − Clément (C.-B.). De la Méconnaissance : fantasme, texte, scène. Langages. Paris. 1973, t. 8, pp. 36-37. − Coquet (J.-C.). Sémiotiques. Langages. Paris. 1973, t. 8, p. 6. − Darm. 1877, p. 188 (s.v. fantasmatique). − Quem. DDL t. 2, 14 (s.v. fantasmatique). |