| FAMILIER, IÈRE, adj. A.− [Correspond à famille I] 1. [En parlant d'une pers. ou d'éléments qui lui sont attachés] a) [En parlant d'une pers.]
α) Emploi adj. Qui fait comme partie d'une famille, qui participe à l'intimité d'un foyer ou de quelqu'un. Debray, en homme familier dans la maison, entra le premier dans la cour (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 82).Depuis huit jours, le comte Otto, qu'on ne voyait jamais auparavant, commençait d'être familier et même assidu chez son père (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 160).Son camarade Paul Limousin resté, chose rare, l'ami intime et familier du ménage, après avoir été l'inséparable compagnon de sa vie de garçon (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, M. Parent, 1886, p. 588). − MYTHOLOGIE ♦ Dieux familiers. Divinités qui protègent une famille et auxquelles on sacrifie en famille. Cf. constamment ex. 3.Lare familier (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 177). ♦ Démon, génie familier. Esprit surnaturel (analogue à l'ange* gardien) qui protège, conseille un individu et auquel celui-ci rend un culte. La théorie des anges gardiens n'est pas nouvelle (...). C'était le génie familier qui en tenait lieu chez les Grecs (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 510).Le sacrifice est doux au Démon familier Sur la table de marbre ou sur un bloc de glaise (Heredia, Trophées,1893, p. 49).P. anal. Mon fusil, ce bâton et ce génie familier du chasseur (Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 408).Mon diable familier [Masseau] m'interrompt (Colette, Entrave,1913, p. 284).Lui-même [Passy] sut résister au dégoût et se garder de la vantardise, qui sont les démons familiers de cette sorte d'activité (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 129).
β) Emploi subst. Personne qui, bien que non apparentée avec quelqu'un, vit dans son intimité ou fait partie du cercle de la famille. Un familier de la maison, du Tsar. Clément Marot, devenu le familier des antichambres du Louvre (Murger, Scènes vie Boh.,1851, p. 4).[Disraëli] devint un familier du palais (Maurois, Disraëli,1927, p. 155): 1. Trottant de côté comme un chien qui revient de vêpres, la menette ne laissait plus passer un soir sans aller aux Escures. Peut-être, en se rendant une familière du logis, s'efforçait-elle d'apprendre les affaires et secrets des Grange.
Pourrat, Gaspard,1922, p. 170. − Spécialement ♦ HIST. Individu qui espionnait et dénonçait des suspects pour le compte de l'Inquisition. [Le] grand inquisiteur Torquemada, environné des juges et des familiers de l'Inquisition, devant lesquels un hasard favorable au maintien des bonnes doctrines aurait fait amener tout à coup Luther ou Calvin (Stendhal, Racine et Shakspeare,1825, p. 55). ♦ Arg. Familière. ,,Prisonnière de Saint-Lazare qui, en raison de sa bonne conduite, est employée au service des autres prisonnières et jouit, en conséquence, de certaines immunités`` (France 1907). b) [En parlant de choses]
α) Qui a rapport aux liens étroits avec des familiers (supra A 1 a β). Les débris de la vie privée et familière du Romain (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 112): 2. La quatrième [fête] honore la moins étendue, mais la plus complète des relations civiques, celle où la cohabitation familière nous rapproche le mieux de l'intimité domestique.
Comte, Catéch. posit.,1852, p. 234. ♦ Qui s'adresse à des familiers; p. ext., qui a un caractère intime. La comédie et l'épître familière ne les [les jeux de mots] repoussent pas toujours (Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 227).Traduire les lettres familières de Cicéron (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 466). Rem. Dans l'ex. de Sainte-Beuve, familier est la trad. du lat. ad familiares. ♦ Emploi subst. masc. avec valeur de neutre. La familiarité (v. ce mot A), l'intimité. [Shakespeare] pénétrait dans le familier des existences populaires ou bourgeoises (L. Daudet, Voy. Shakespeare,1896, p. 182).
β) De famille. Tu nous trouverais dans un village méditerranéen, mais j'aime mieux t'avoir dans notre séjour familier (Mallarmé, Corresp.,1868, p. 277): 3. J'ai passé trois semaines à Mordreux, au sein d'une famille, la plus paisible, la plus unie, la plus bénie du ciel, qui se puisse imaginer. Et cependant, dans ce calme, dans cette douce monotonie de la vie familière, mes jours étaient animés intérieurement...
M. de Guérin, Journal,1834, p. 194. 2. [En parlant d'un animal] Qui accepte sans crainte la présence proche d'un autre animal ou, plus fréquemment, de l'homme; qui vit dans la société d'un être humain qui se l'est attaché. Troubler dans le bois la biche familière (Sainte-Beuve, Poés.,1829, p. 95).Tel d'entre nous a besoin, sous la forme d'un chien ou d'un animal familier, d'un compagnon muet que l'on ne dissocie plus de sa promenade quotidienne (Du Bos, Journal,1925, p. 395): 4. La Mamèche aussi fait sa chasse, pour elle, à sa façon. Elle s'attaque au petit gibier : aux moineaux que le froid rend familiers et qui sont tout ébouriffés comme des pelotes de laine.
Giono, Regain,1930, p. 52. B.− P. ext. 1. [L'accent est mis sur l'idée d'habitude] a) Valeur passive
α) [En parlant d'une pers.] Bien connu (de quelqu'un) en raison de rapports fréquents. Je demandai à un voisin déjà familier quelle était cette remarquable figure (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 5, Quinze jours en Holl., p. 233).
β) [En parlant d'une chose] − Dont on a l'habitude, qui est bien connue, car elle s'impose souvent (à quelqu'un). Bruit, paysage familier; figure, forme, musique, odeur familière. L'individu jette sur l'objet familier le coup d'œil rapide et léger de l'indifférence et passe outre (Maine de Biran, Influence habit.,1803, p. 93).Un décor trop familier rapetisse les plus vives sensations (Barrès, Homme libre,1889, p. 51).La mort est ici une chose familière qui participe au paysage quotidien (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 127). ♦ Familier à qqn.Une image familière aux habitués de la piste (Montherl., Olymp.,1924, p. 239). − À quoi on est habitué, car on en a une pratique courante; bien connu à la suite d'un apprentissage. Des mots peu familiers ou même inconnus (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 287). ♦ Familier à qqn.Par une manœuvre familière aux avoués, habitués à rester calmes (Balzac, Chabert,1832, p. 95).Cette opération très simple doit être familière au gazier (Quéret, Industr. gaz,1923, p. 154).Il parlait plusieurs langues, et les principaux courants de la littérature européenne lui étaient familiers (Martin du G., Confid. afric.,1931, p. 1108). − Qui est habituel, presque automatique. Geste, tic familier. Synon. coutumier, habituel.Repris par une hantise familière (Martin du G., J. Barois,1913, p. 535). ♦ Familier à qqn.Elle achève de s'asseoir, les genoux ramenés sur son ventre et les bras ceignant ses genoux, dans la posture qui lui est familière lorsqu'elle s'efforce d'apprendre ses leçons (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1300). b) Valeur active. [En parlant d'une pers.; avec compl. prép. avec, parfois de] − Qui a l'habitude de (quelque chose), qui connaît bien (une chose), car elle s'impose souvent (à la personne). Il joue, dès l'enfance, entre les genoux de Cybèle, il est déjà familier de ses taillis et de ses sources, de ses nuages et de ses brumes (Mauriac, Journal 3,1940, p. 234). ♦ Qui fréquente souvent (un lieu). À feu mon père, à mon grand-père, familiers des deuxièmes balcons (SartreMots,1964, p. 99). − Qui a l'habitude de (quelque chose) à cause d'une pratique courante, qui connaît bien à la suite d'un apprentissage. ♦ Familier avec qqc.Chacun sera devenu familier avec le chant (Comte, Catéch. posit.,1852, p. 197): 5. ... la princesse qui, n'étant pas familière avec les travaux de Darwin et de ses successeurs, comprenait mal la signification des plaisanteries de la duchesse.
Proust, Guermantes 2,1921, p. 517. ♦ Familier de qqc.Ainsi, maintenu hors de la hiérarchie paroissiale régulière, familier des besognes les plus serviles, en toute occasion maître Jacques et bon à toutes fins, le pauvre curé... (Bernanos, Imposture,1927, p. 338).Emploi subst. Le héros était je pense un familier de la musique (Chardonne, Ciel,1959, p. 44). 2. [L'accent est mis sur l'idée d'aisance, de non-contrainte] a) [En parlant d'une pers. ou d'un trait de son comportement dans ses relations avec autrui]
α) Qui manifeste de la liberté, du naturel. Accueil familier; allure, manières familière(s). C'est vrai, Vial, que je suis plus familière que liante (Colette, Naiss. jour,1928, p. 48).Cf. amical ex. 4 : 6. Louis est un garçon de vingt-deux ans, qui porte lorgnon, se vêt de drap noir, comme un instituteur. Il plaisante volontiers, n'étale pas son savoir, et sait garder, vis-à-vis du maître, une attitude familière et cependant respectueuse, dont le dosage est plein de tact.
Martin du G., Devenir,1909, p. 185.
β) En mauvaise part. Qui outrepasse, dans sa liberté, les limites de la discrétion, de la politesse. Synon. grossier, vulgaire.Mais il se souvint aussi qu'elle avait dit « Vinca » tout court, d'une manière trop familière et un peu injurieuse (Colette, Blé en herbe,1923, p. 46).Cf. apostrophe1ex. 4. b) Simple, dénué d'apprêt, de prétention. « (...) J'aime la vertu familière, sans tunique, ni cothurnes, sans phrases, qui agit à la dérobée (...) » (L. Daudet, A. Daudet,1898, p. 140).Il est heureux pour sa mémoire que les Rêveries du Promeneur solitaire nous aient donné de lui [Rousseau] une image si familière et si charmante que l'avenir l'a retenue de préférence à toutes les autres (Mauriac, Trois gds hommes dev. Dieu,1947, p. 128). − Dans le domaine de l'expression, de la création.Qui se caractérise par l'enjouement, le naturel, la simplicité. Anton. élevé, guindé, recherché.[Un] style familier, gai, d'une piquante simplicité (Berlioz, À travers chants,1862, p. 75).Nous ne connaissions pas sous cet aspect le talent du jeune sculpteur. Nous l'avions vu sévère et fort dans son David, héroïque et fier dans son Gloria victis : nous le retrouvons ici familier et gracieux (Castagnary, Salons,t. 2, 1875, p. 196). ♦ Dans l'expression langagière. Dont on use dans l'intimité, dans la conversation courante. Expression, locution familière. Une conversation explicative, où de temps en temps le « tu » familier succédait au « vous » de la discussion officielle (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 169).Car il convenait, n'est-ce pas, de choisir des termes familiers et populaires, ceux mêmes qu'eût employés la pauvre mère Rambaud (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 402). Prononc. et Orth. : [familje], fém. [-ε:ʀ]. Enq. : /familje, -ʀ/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1160-74 adj. « qui est regardé comme étant de la famille » fameliers (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 4750); fin xiiies. subst. « attaché à une maison » famillÿers (Trad. Ovide, Remède d'Amour, 1653 ds T.-L.); 2. ca 1240 adj. « qui est intime avec quelqu'un, ami » (St. François, 1705, ibid.); ca 1370 subst. (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, L. I, ch. 7, p. 113); 3. 1530 adj. « qui vit habituellement avec quelqu'un » (Contreditz de Songecreux, fo48 rods Gdf. Compl.); 1580 fig. « qui est bien connu (en parlant de livres) » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, p. 194); 4. 1680 « qu'on emploie naturellement » (Rich. : stile familier. Les épîtres familieres de Ciceron). Empr. au lat. familiaris « qui fait partie de la maison, de la famille », d'où « ami, intime ». Fréq. abs. littér. : 3 059. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 526, b) 3 223; xxes. : a) 4 622, b) 6 347. Bbg. Boulan 1934, p. 72. − Gohin 1903, p. 295. − Reinh. 1963, p. 293. |