| FAIM, subst. fém. A.− Sensation que fait éprouver le besoin ou l'envie de manger. Avoir faim; faim dévorante; une impression de faim. L'appétit est accompagné d'une sensation agréable, tant qu'il ne va pas jusqu'à la faim; la soif n'a point de crépuscule (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 128).Comme si le trouble qui me dominait avait laissé persister la sensation de l'inappétence ou de la faim (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 506): 1. La faim s'était réveillée, intolérable, atroce. Ses membres dormaient; il ne sentait en lui que son estomac, tordu, tenaillé comme par un fer rouge.
Zola, Ventre Paris,1873, p. 607. 2. − Pas faim! s'écria M. Henriot. À présent voilà qu'elle n'a pas faim! Est-ce qu'on est à table pour manger, oui ou non? Pas faim! C'est encore l'autre qui lui a coupé l'appétit.
Arland, Ordre,1929, p. 246. SYNT. Grande, grosse faim; faim excessive, insatiable, satisfaite; l'aiguillon, l'instinct de la faim; les affres, les tortures de la faim; dévoré, enragé de faim; poussé, pressé, tenaillé, torturé par la faim; aiguiser la faim, donner faim; apaiser, assouvir, calmer, couper, rassasier la faim; éprouver, sentir la faim; crier de faim, crier la faim, (vx) à la faim; manger sans faim, à sa faim; (pop.) avoir la faim aux dents, au ventre; il fait faim. − Expr. et loc. ♦ Faim canine (vx). Maladie caractérisée par une faim excessive et insatiable. J'ai su plus tard que la pauvre femme était sujette à une maladie assez rare que le vulgaire appelle faim canine, et que nous autres savants nous baptisons du nom de « boulimie » (About, Roi mont.,1857, p. 64).Fam. Faim de loup, faim du diable. Très grande faim. Christiane (...) murmura (...) − J'ai une faim de loup. Je serai très honteuse de manger tant que ça devant ton ami (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 25). Rem. On rencontre chez Nodier l'expr. synon. vieillie male-faim. Elle est en danger de mourir de male-faim, si vous ne lui portez aide, la malheureuse biquette! (Nodier, Trésor Fèves, 1833, p. 39). ♦ Faim douloureuse (méd.). ,,Douleur épigastrique apparaissant lorsque l'estomac est vide chez les malades atteints d'un ulcère duodénal`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Il arrive qu'elles [des crampes] réveillent le malade la nuit et s'accompagnent d'une sensation de faim douloureuse (QuilletMéd.1965, p. 131). ♦ Laisser qqn sur sa faim. Ne pas assouvir sa faim. Au fig. Ne pas répondre à l'attente, aux aspirations de quelqu'un. Tout te fait du mal. Tout te laisse sur ta faim (Péguy, Myst. charité,1910, p. 16). ♦ Rester sur sa faim. Ne pas manger à satiété. Au fig. Être déçu dans son attente, ses espoirs. Si ému que je sois, et en totale union, bien sûr, avec cette immense foule de jeunes êtres priant et souffrant, cette année, je reste pourtant sur ma faim (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 87). ♦ Tromper la/sa faim. Atténuer ou faire disparaître la sensation de faim de façon provisoire ou artificielle. Moi, je suçais des écorces d'orange pour tromper la faim (Vallès, Réfract.,1865, p. 58).Au fig. Les pièces tristes nous font un bien semblable; aussi faut-il les tenir pour bien supérieures aux gaies, qui trompent notre faim au lieu de l'assouvir (Proust, Plais. et jours,1896, p. 200). ♦ Proverbe. La faim chasse le loup hors du bois, fait sortir le loup du bois. La faim, la nécessité amène à faire ce qui est contraire à son tempérament, à ses goûts, à sa volonté. Cherche du pain de porte en porte. Dans ces jours-là on achète à bon marché les misérables. La faim fait sortir le loup du bois (Pourrat, Gaspard,1930, p. 63). Rem. La Grammaire de l'Ac. et certains puristes condamnent la constr. avoir très faim et préconisent l'expr. avoir grand-faim. ,,Avant qu'il ne me l'ait fait remarquer je disais couramment : « j'ai très faim », ou « j'ai très sommeil », ou « j'ai très peur ». − Pourquoi pas tout de suite : « j'ai très courage », ou : « j'ai très migraine »? − m'a-t-il dit. Je crois comprendre la nuance, à laquelle j'avoue que je n'avais jamais songé; mais maintenant, par crainte de me tromper, je n'ose presque plus employer le mot « très ». On n'a pas toujours le temps de réfléchir si le mot qui va suivre est un substantif, un adjectif ou un adverbe... et du reste, je trouve que Robert va un peu loin`` (Gide, École femmes, 1929, p. 1273). Cependant les expr. avoir assez faim, si faim, très faim, etc. sont aujourd'hui admises par l'usage et se rencontrent aussi bien dans la lang. littér. Dix milliers d'hommes, de femmes et d'enfants affamés, à qui l'honneur imposait de répondre qu'ils n'avaient pas encore assez faim (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 114). B.− P. ext. Besoin de manger non satisfait; manque, privation de la nourriture nécessaire. La faim dans le monde; les camps de la faim; réduire, faire périr par la faim. Le paupérisme, le luxe, l'oppression, le vice, le crime, avec la faim, disparaîtront du milieu de nous (Proudhon, Propriété?1840, p. 346).Nos enfants, nos femmes, nos hommes subissent le régime de la faim et de la terreur (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 514): 3. ... il faut que des mères épuisées par les privations n'offrent qu'une mamelle à moitié vide à leur nourrisson débile et pleurant; il faut, en un mot, que tout un peuple souffre de la faim.
Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 47. − Expr. et loc. ♦ Faire la grève de la faim. S'abstenir de manger par mesure de protestation. Gandhi choisit de ne pas manger pour fléchir son adversaire. La grève de la faim est sans doute l'expérience rare qui révèle la nature vraiment humaine de nos besoins (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 90). ♦ Mourir de faim. Mourir par manque de nourriture. Riche, jeune, belle, et mourir maigrie, vieillie par la faim, car elle mourra de faim! (Balzac, Lys,1836, p. 288).P. hyperb. Mourir de faim ou pop. crever de faim. Avoir une très grande faim. Je vous avouerai franchement que moi je meurs de faim. J'ai très mal déjeuné ce matin (Proust, Guermantes 2,1921, p. 597).Au fig. Mourir de faim, crever de faim, crever la faim ou traîner la faim. Manquer des ressources matérielles nécessaires à la vie; être dans la pauvreté ou dans la misère. Une de ces familles qui crèvent de faim dans leurs demeures ancestrales (Green, Moïra,1950, p. 21). Rem. On rencontre les subst. composés masc. inv. un meurt-de-faim et un crève-la-faim désignant dans la lang. fam. « une personne misérable ». Les meurt-de-faim et de froid déshérités même du banc de pierre sous les ponts (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 260). ♦ Loc. fam. Marier la faim et la soif. Marier deux personnes également dépourvues de fortune. Il l'a demandée en mariage; on l'a refusé, parce que c'était marier la soif et la faim (Goncourt, Journal,1856, p. 281). C.− Au fig. Désir ardent, aspiration passionnée (à une chose d'ordre matériel ou moral). Faim intellectuelle, religieuse, sensuelle; la faim du cœur; avoir faim de bonheur, de liberté, de justice. La faim insatiable des richesses, des honneurs (Ac.1798-1878).Une faim dévorante l'entraîne; elle est pressée par la faim de la vérité et par l'indigence de l'esprit (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 256).Une sorte de frénésie me possédait. J'avais faim de honte et de danger (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 292): 4. Il n'est qu'une faim, vous entendez, rien qu'une, qui permette à l'homme de trouver sa sincérité au fond de son appétit... Je l'appelle la faim de connaissance, ou de vérité, ou encore la troisième faim, pour la distinguer des deux autres, vulgaires, qu'on satisfait avec des femmes ou avec le pouvoir...
Abellio, Pacifiques,1946, p. 59. − [Avec un inf. compl.] Si pressante que fût la fringale des estomacs, on avait encore plus faim de parler (Vogüé, Morts,1899, p. 216): 5. Tu me rends la caresse d'être
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaître
Notre histoire jusqu'à la fin
(...).
Aragon, Rom. inach.,1956, p. 171. Rem. gén. La plupart des dict. ne relèvent pas l'emploi du mot au plur. Il est cependant bien attesté ds la docum. Il n'y avait là que des faims nerveuses, des caprices d'estomacs détraqués (Zola, Nana, 1880, p. 1177). Les faims d'argent et de bien-être et tous les durs intérêts des hommes (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 175). Prononc. et Orth. : [fε
̃]. Mart. Comment prononce 1913, p. 130 : ,,À la fin des mots, s'il n'y a pas de consonne à la suite, la finale nasale est toujours écrite avec un n (...) Il faut excepter dam (...), daim, faim, essaim, étaim (...) thym, nom (...), parfum. `` Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Mil. xies. « besoin de manger » (St Alexis, éd. Chr. Storey, 398); 2. ca 1200 « envie de, désir » (1eContinuation de Perceval, éd. W. Roach, Ms E, 143 : Tuït dïent qu'il n'ont si grant fain De riens con de veoir Gauvain). Du lat. fames de mêmes sens. Fréq. abs. littér. : 4 100. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 126, b) 6 525; xxes. : a) 7 732, b) 5 768. Bbg. Martin (E.). Si l'expr. il fait faim est fr. Le Courrier de Vaugelas. 1874/75, t. 5, pp. 124-125. − Thomasson (De). Semantica francese : faim et soif. Lingue (Le) del Mondo. 1961, t. 26, p. 179, 192. |