| FAIBLESSE, subst. fém. I.− A. Manque de force, de vigueur physique. Ta grand-mère continue à gémir sur la faiblesse de ses jambes et sur sa surdité (Flaub., Corresp.,1870, p. 145).Il éprouvait cette faiblesse écœurante des gens qui ont perdu beaucoup de sang (Martin du G., Thib.,Été 1914, 1936, p. 456): 1. Nous allons vous mettre à une diète bien serrée. Et ce soir, après none, je viendrai vous saigner moi-même. Dans l'état de faiblesse où vous êtes, quatre saignées, il n'en faut pas moins.
Montherl., Port-Royal,1954, p. 994. ♦ En partic. Fragilité, chétiveté. Comme la loi m'a autorisé, vu(...) la faiblesse de la santé du prince Édouard, à me nommer (...) un successeur... (Dumas père, C. Howard,1834, II, 2, p. 260).Sa faiblesse native a eu une part importante dans la terminaison funeste (Cadet de Gassicourt, Mal. enf.,t. 1, 1880-84, p. 112): 2. Dans les vitres de la porte-fenêtre... elle [Aurore] se voyait comme dans un miroir et se regardait attentivement, grande et hantée de faiblesse.
Vilmorin, Fin Villavide,1937, p. 172. − Défaillance, évanouissement. Avoir une faiblesse, être pris d'une faiblesse. Le lendemain... le vieillard fut pris d'une faiblesse qui le contraignit à garder le lit (Balzac, Ursule Mirouët,1841, p. 177).Elle eut une courte faiblesse qui lui coupa la voix (Fromentin, Dominique,1863, p. 271): 3. ... après le déjeuner, ce jour-là, il avait été pris d'une faiblesse, étourdi, culbuté près de la table. Et, en revenant à lui, si assommé encore qu'il ne rouvrait pas les yeux, il s'était retrouvé par terre, à la même place.
Zola, Terre,1887, p. 398. ♦ Loc. verb. Tomber en faiblesse. S'évanouir. Elle [Madeleine] se sentit comme si elle allait tomber en faiblesse (Sand, F. le Champi,1850, p. 40): 4. Quand je me sentais tomber en faiblesse, ce qui m'arrivait souvent, je disais à Mmede Chateaubriand : « Soyez tranquille; je vais revenir. » Je perdais connaissance, mais avec une grande impatience intérieure, car je tenais, Dieu sait à quoi.
Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 249. B.− P. anal. 1. [En parlant d'une chose concr.] Manque de solidité, de résistance. Faiblesse d'une poutre. Comme s'il y avait eu dans l'écorce terrestre (...) quelque cause de faiblesse (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 7).P. méton. Présence d'un défaut, d'une tare. Sentez-vous sous vos mains un pli du ventre (...) une faiblesse de ce support musculaire parfait (Arnoux, Roi,1956, p. 197): 5. Le nœud à plein poing est une boucle double faite dans un cordage rapidement pour servir de marque ou pour isoler une faiblesse du filin.
Galopin, Lang. mar.,1925, p. 31. 2. Au fig. a) Carence, insuffisance. − [En parlant d'une chose abstr.] La faiblesse d'un raisonnement, d'une argumentation, d'une démonstration. Le correspondant Viennois de l'Allgemeine Zeitung (...) s'empresse de noter (...) la faiblesse générale de l'exécution (Prod'Homme, Symph. Beethoven,1921, p. 206).La faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force (Valéry, Mauv. pens.,1942, p. 208): 6. C'est aussi une surprenante faiblesse de pensée que d'opposer individualisme à socialisme, capitalisme à communisme, comme s'il s'agissait de concepts clairs aux frontières bien dessinées, alors que la réalité est mouvante, complexe...
Maurois, Mes songes,1933, p. 59. − [En parlant d'une pers.] :
7. Gérard n'entend rien aux mathématiques, faiblesse des poètes, tandis qu'Évariste respire, mathématicien, au centre d'une certaine sublimation abstraite de la poésie.
Arnoux, Algorithme,1948, p. 202. b) [En parlant d'une pers.] Imperfection morale, défaut. Elle avait une faiblesse particulière aux femmes vraies. Tout en se sachant appelée à régner en souveraine sur la scène, elle avait besoin du succès (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 507).Il était buté et injuste en ce moment, et elle (...) l'estimait trop pour ne pas le haïr de cette faiblesse (Beauvoir, Invitée,1943, p. 285): 8. Mais, après m'être interrogé, je puis témoigner que, parmi mes nombreuses faiblesses, n'a jamais figuré le défaut le plus répandu parmi nous, je veux dire l'envie, véritable cancer des sociétés et des doctrines.
Camus, Env. et end.,1937, p. 15. − Par antiphrase. J'ai la faiblesse de regarder comme de mauvais ton et très facile à imiter cette prétendue délicatesse, qui ne peut se résoudre à prendre la vie comme chose sérieuse et sainte (Renan, Avenir sc.,1890, p. 8). c) Manque de volonté ou de fermeté; incapacité de soutenir l'adversité ou de résister à ses passions. La faiblesse de la chair; un moment de faiblesse. Rien n'est meurtrier comme la faiblesse et la lâcheté (Péguy, Argent,1913, p. 1240).Vous avez pu remarquer sans doute que ce n'est pas toujours par faiblesse de caractère qu'un homme se laisse mener par sa femme (Gide, Faux monn.,1925, p. 1114): 9. ... il faut avant tout faire son métier, suivre la vocation, remplir son devoir en un mot. Je n'ai jusqu'à ce moment aucune faiblesse à me reprocher et je ne me passe rien.
Flaub., Corresp.,1858, p. 251. − Penchant, goût particulier, préférence (pour quelqu'un ou pour quelque chose). Avoir une faiblesse pour. J'avais une faiblesse pour la soupe au lait (Fabre, Xavière,1890, p. 15): 10. Quand je vivais en France, je ne pouvais rencontrer un homme d'esprit sans qu'aussitôt j'en fisse ma société. Ah! je vois que vous bronchez sur cet imparfait du subjonctif. J'avoue ma faiblesse pour ce mode, et pour le beau langage en général.
Camus, Chute,1956, p. 1476. − Absol. Plus âgé, mieux fait au public dont il connaissait bien les faiblesses, les préférences, il [le chanteur] jouait du parterre et des loges avec sa voix (A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 84). − Spécialement
α) Aventure galante, intrigue amoureuse. Catherine eut comme lui [Louis XIV] des faiblesses, elle les eut en public avec montre et ostentation, et de plus sans interruption ni cesse jusqu'au dernier jour (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 2, 1863-69, p. 220): 11. Courtin [à son gendre]. −
Voyons, Vatinelle!... pourquoi ne chercheriez-vous pas une place? Et alors, foi de Courtin! je passerai l'éponge sur le passé... je pardonnerai tout... tout! même vos faiblesses... parce que quand on travaille, on peut s'amuser...
Labiche, Ptes mains,1859, I, 4, p. 51.
β) [En parlant d'une femme] Fait de s'abandonner à un homme, de lui accorder les dernières faveurs : 12. ... une nuit d'été merveilleusement douce, qui me fit concevoir tout de suite la vérité des fables antiques qui se rapportent aux faiblesses de Diane...
France, Contes Tournebroche,1908, p. 154. d) Manque d'autorité, de pouvoir ou de puissance. Ces détails (...) expliquent (...) l'état de faiblesse où se trouva le Directoire (Balzac, Chouans,1829, p. 8).La faiblesse organique d'un gouvernement d'opinion (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 228): 13. À M. le Chevalier de Rossi.
Saint-Pétersbourg (...). − L'Empereur n'a qu'une chose à craindre, c'est la faiblesse qui naît de la puissance même. Il amènera à l'armée une Cour, c'est-à-dire l'intrigue, les passions et la multiplicité des pouvoirs.
J. de Maistre, Corresp.,1812, p. 129. − Spéc. Indulgence excessive. Ce père est d'une faiblesse inexcusable (Ac.).Très bien! Punissez-le! vous êtes commandant! pas de faiblesse! (Aymé, Vogue,1944, p. 65): 14. Ta patience de parole
Et d'action à mon égard
Mériterait une auréole. (...)
Et ton cœur dans nos zizanies
Éteintes enfin sur le tard,
Plein des faiblesses infinies
D'une maman pour son moutard.
Verlaine,
Œuvres compl.,t. 1, Livre posthume, 1896, p. 137. e) Manque de pénétration, de profondeur; manque de talent. Cet orateur a été d'une grande faiblesse dans la dernière discussion (Ac.).Quand nous soutenons que Dieu est incompréhensible, nous n'exprimons pas autre chose qu'un aveu de notre faiblesse (Simon, Relig. natur.,1856, p. 209).Vous avez soif de certitude. Puisque la faiblesse de notre intelligence vous a refusé la vérité stable, pourquoi ne la demandez-vous pas à Dieu? (Martin du G., J. Barois,1913, p. 543): 15. Il [Pierret] me parle de sa soirée chez Champmartin, où Dumas a démontré la faiblesse de Racine, la nullité de Boileau, le manque absolu de mélancolie chez les écrivains du prétendu grand siècle.
Delacroix, Journal,1847, p. 217. − Spécialement
α) [En parlant d'une production de l'esprit] Manque ou insuffisance de qualité, de valeur. Faiblesse de style. [Dans les toiles académiques] la faiblesse de l'invention [pour l'allégorie] le dispute à celle de la couleur (Mauclair, De Watteau à Whistler,1905, p. 80).J'admire aussi cette faculté d'écrire huit pages, douze pages, impeccablement, sans une faiblesse d'expression ni de rédaction (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1906, p. 19): 16. Une des causes de la faiblesse des œuvres du xviiiesiècle, c'est que leurs auteurs allaient trop dans le monde : ils y prenaient leur niveau au lieu de le prendre en eux-mêmes. C'est la faiblesse du journalisme moderne.
Goncourt, Journal,1861, p. 985.
β) [En parlant des facultés mentales d'une pers.] Déficience psychique. L'état malheureux dans lequel se trouve mon père fait qu'on lui parle rarement d'affaires sérieuses que la faiblesse de son esprit ne lui permettrait pas de suivre (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 218).Quand le jeune homme sentit sa mère en sa possession, (...) il commença à exploiter dans son intérêt les faiblesses de son cerveau (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 50): 17. L'idiotie et la folie ont sûrement une origine ancestrale. Quant à la faiblesse mentale observée dans les écoles et les universités, et dans la population en général, elle vient de désordres du développement, et non pas de défauts héréditaires.
Carrel, L'Homme,1935, p. 324. II.− P. ext. et au fig. A.− Caractère de ce qui est peu considérable, peu important; manque de force, d'intensité. − [En parlant d'une chose par rapport à son degré d'intensité.] Faiblesse de la vue, du pouls. Ce souffle se prolongeait (...) sous l'aisselle (...) montrant par sa faiblesse (...) son origine congestive (Cadet de Gassicourt, Mal. enf.,t. 1, 1880-84, p. 61).L'étendue médiocre, la faible épaisseur (...) de l'hyperémie ou de l'hépatisation expliquent la faiblesse de cette submatité (Cadet de Gassicourt, Mal. enf.,t. 1, 1880-84p. 207): 18. Il [Laplace] supposait l'attraction, l'invariabilité des lois de la mécanique, et s'assignait pour seule tâche d'expliquer le sens de rotation des planètes et de leurs satellites, le peu d'excentricité des orbes, et la faiblesse des inclinaisons.
Valéry, Variété[I], 1924, p. 123. ♦ En partic. Cette distinction jure avec la faiblesse de leur grade (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 174). B.− Caractère de ce qui est peu abondant; petitesse, modicité. La faiblesse des entrées était sensible [aux Halles] surtout en taureaux (10) et en moutons (L'Œuvre,28 févr. 1941) : 19. [Le Comte de Fontaine :] − (...) à peine pourrai-je te donner cent mille francs de dot (...). Tu vois, mon enfant, que la faiblesse de ta dot ne saurait être en harmonie avec tes idées de grandeur.
Balzac, Bal Sceaux,1830, p. 98. 20. En raison, disait-il, de l'étendue de son secteur et de la faiblesse de ses moyens, la 1rearmée française n'est pas en mesure de défendre directement Strasbourg.
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 146. Rem. Faiblesser, verbe trans., région. Rendre faible, affaiblir. Je ne me suis point fait de mal, et si on ne m'avait pas faiblessée en me tirant du sang, je serais comme à l'ordinaire (Sand, Jeanne, 1844, p. 449). Prononc. et Orth. : [fεblεs]. Demi-longueur de la voyelle de la 1resyll. ds Passy 1914. Ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. En parlant de personnes 1265 « manque de force morale » la foiblece des homes (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, II, 54, p. 229); 1666 « complaisance, défaut de fermeté » (Molière, Misanthrope, IV, 3) en partic. 1674 « inclination » (Racine, Iphigénie, II, 1); fin xiiies. « manque de force physique » (Vie de St Alexi, 727 ds Romania t. 8, p. 177 : Force et aide en ma flebece, Et sostenance en ma viellece); en partic. ca 1485 « perte momentanée des forces physiques » (Myst. Vieux Testament, éd. J. de Rothschild, 26578 : Luy est il prins quelque foiblesse?); en parlant de choses 1314 « manque de robustesse » (H. de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, no253 : s'il [ces liemens] estoient poi, il ne pourroient le chief sonstenir pour leur feblesce); 1748 « manque d'importance, quantité insuffisante » la faiblesse des préparatifs (Volt., Louis XV, 27 ds Littré). Dér. de faible*; suff. -esse* (l'a. fr. use normalement de foibleté). Fréq. abs. littér. : 5 061. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 041, b) 5 493; xxes. : a) 5 930, b) 6 445. Bbg. Vrbková (V.). La Méthode ds l'ét. du ch. conceptuel de l'amour. Sborník Prací Filos. Fak. brn. Univ. 1971, t. 20, p. 27. |