| FACILITÉ, subst. fém. A.− 1. Caractère de ce qui se fait sans effort, sans peine. Facilité d'un travail. Cela est de la plus grande facilité (Ac.).L'esprit dégagé, (...) elle sentit (...) ses forces et sa personnalité se reconstituer (...). Elle fut surprise par la facilité de ce revirement du cœur (Chardonne, Épithal.,1921, p. 333): 1. Les lieux que nous avons connus n'appartiennent pas qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n'étaient qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors...
Proust, Swann,1913, p. 427. − Spéc., B.-A. Caractère de ce qui donne l'impression d'avoir été fait sans effort, sans peine. Stances d'une facilité vive et brillante (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 88).L'Annonciation, Jésus et la Samaritaine [du Guide] (...) toiles remarquables par (...) la facilité du dessin et la liberté de la touche, d'une expéditive certitude (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 104). 2. P. méton. a) Au plur. Ce qui permet de faire quelque chose sans effort, sans peine. Donner toutes facilités à qqn pour faire qqc. La santé et l'aisance sont des facilités qu'on ne réunit pas toujours (Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 234).Depuis qu'Odette avait toutes facilités pour le voir, elle semblait n'avoir pas grand'chose à lui dire (Proust, Swann,1913, p. 225): 2. Son plan fut vite au point. S'assurer d'abord les facilités d'ordre matériel, par une organisation perfectionnée : des laboratoires; une bibliothèque; un groupe choisi d'assistants.
Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 120. − Au sing. ou au plur. [Avec un inf. introduit par de indiquant ce qui peut être fait sans effort, sans peine] Je quittai (...) le banc que j'occupais pour lui donner la facilité d'y revenir; c'était sa place favorite (Duras, Édouard,1825, p. 101).M. Lheureux, le marchand, (...) jamais ne réclamait d'argent. Emma s'abandonnait à cette facilité de satisfaire tous ses caprices (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 28): 3. ... les chargeurs octroyent aux équipages une provision suffisante de vin pour que les hommes ne soient pas tentés de se désaltérer (...) en en soutirant un peu partout dans les fûts (...). Néanmoins, la tentation est trop forte et les facilités de s'enivrer trop grandes pour qu'il n'y ait pas au début de chaque croisière du désordre...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 171. − En partic. Facilités (de paiement). Conditions, délais accordé(e)s pour rendre le paiement d'une dette plus facile. Le propriétaire pourrait nous mettre à la porte et faire saisir le matériel. Il nous donne au contraire de grandes facilités (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 243): 4. Si au moins j'avais fini de vendre mes villas et mes terrains! Mais il m'en reste plusieurs sur les bras (...); et comme de plus j'ai consenti pour les dernières que j'ai vendues des facilités de paiement, avec le moratorium je ne verrai plus un sou.
Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 163. b) Péj. Absence d'effort, de peine entraînant un manque de qualité. Céder à la facilité, vivre dans la facilité. Notre élite s'est précipitée dans la facilité. Ce chemin descend beaucoup (Alain, Propos,1936, p. 1300).Il ne m'échappe certes pas que la littérature bucolique tend à la facilité. Tout l'aspect « Rosa Bonheur » de cet art-là, je le redoute (Mauriac, Mém. intér.,1959, p. 20): 5. ... le faible Lucien [de Rubempré] préfère l'exemple et la compagnie du gazetier Lousteau, la facilité, les compromissions. Entre le travail et le plaisir, il a choisi le plaisir...
Morand, Eau sous ponts,1954, p. 67. − [Sans article, en fonction de déterminant de subst.] Il faut à tout prix s'abstenir de tout acte de facilité, qui, sous le prétexte fallacieux de soulager le présent, compromettrait gravement l'avenir (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 577). ♦ Solution de facilité. Dans un pays en proie aux pires difficultés économiques, ils [les camps d'internement] représentaient sans doute une solution de facilité (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 377). c) Péj., littér. Ce qui est fait sans effort, sans peine et qui manque de qualité. Il [Victor Hugo] était retombé à des fatras, à des monceaux de littérature (...) à des habitudes, à des abondances, à des facilités (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 757).Il faut savoir que chaque médiocrité consentie, chaque abandon et chaque facilité nous font autant de mal que les fusils de l'ennemi (Camus, Actuelles I,1944-48, p. 59).Cf. aussi assis ex. 8 : 6. Je n'avais jamais si bien compris qu'au fond la guerre est une facilité. Oui, pour les deux partis, il est plus simple de s'installer dans le massacre, de laisser le destin prendre forme, que de tenter de l'incliner selon ce qu'on a résolu.
Mauriac, Nouv. Bloc-notes,1961, p. 305. B.− Aptitude à faire quelque chose sans effort, sans peine. J'admirais avec quelle facilité je parviens au bonheur, et combien la félicité m'est naturelle (Gide, Journal,1912, p. 381): 7. ... le patron doit ruminer quelque chose (...). Quand je vais dans son bureau, je le trouve au milieu de mille petits papiers. Lui qui, d'ordinaire, écrit avec une facilité parfaite, il revient sur toutes les phrases...
Duhamel, Maîtres,1937, p. 131. 1. [Avec un compl. prép. indiquant dans quel domaine, pour quelle chose une pers. a une aptitude] a) [Le compl. prép. est un subst. introduit par à (littér.)/dans/pour] Le mieux serait de faire de moi un ingénieur, à cause de certaine précision de mon esprit, de certaine facilité pour les mathématiques (Loti, Rom. enf.,1890,p. 224).Il avait des facilités en tout, sport, éloquence, peinture, excepté dans le madrigal et le triolet (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 26): 8. On reconnaît le tableau conjugué de la primarité et de l'étroitesse de conscience. Il faut y ajouter une grande facilité au mensonge, qui part lui aussi comme un ressort, et le caractère violemment affectif des idées.
Mounier, Traité caract.,1946, p. 419. − [Le compl. prép., qui n'est pas précédé de l'art., est introduit par de] Facilité d'élocution. La disposition morale de la société, (...) cette facilité d'illusion et de revirement qui nous caractérise (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 279).Leur force principale [des grands hommes], ils la doivent à leur facilité de récupération (Arnoux, Roi,1956, p. 283): 9. ... la mère (...) pleurait toutes les larmes de son corps (...). Et plus triste (...) était ce tumulte recommençant, cette facilité d'indifférence et d'oubli, ce flot de vie qui montait inconscient, insouciant, joyeux, effaçant la douleur récente comme un léger sillon imprimé sur le sable.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 292. ♦ Spéc., B.-A. Facilité de pinceau, de plume. Aptitude à peindre, à écrire. J'enviais (...) la facilité de pinceau, la touche coquette des Bonington et autres (Delacroix, Journal,1853, p. 119).Cf. aussi Sartre, Mots, s.v. facile B en partic. b) [Le compl. prép. est un inf. introduit par à/de (vieilli ou littér.)/pour] C'est l'extinction absolue du sens moral, qui donnoit aux Romains cette facilité de mourir, qu'on a si follement admirée (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 583).La France, par sa facilité désordonnée à changer de gouvernement, rompt la continuité et la chaîne de toute communauté (Morand, Londres,1933, p. 39): 10. Jadis, à Plassans, il tapait dur sur le bois, sans facilité pour apprendre, sachant tout juste lire, écrire et compter, très réfléchi pourtant, très laborieux, ayant la volonté de se créer une situation indépendante.
Zola, Terre,1887, p. 96. 2. En partic., dans le domaine intellectuel a) Aptitude à apprendre, à comprendre sans effort, sans peine. Melchior (...) avait, dès l'enfance, de grands dons pour la musique. Il apprenait avec une facilité remarquable (Rolland, J.-Chr.,Aube, 1904, p. 30): 11. Très intelligent, doué d'une facilité merveilleuse, d'une rare souplesse d'esprit, d'une sorte d'intuition instinctive pour toutes les études littéraires, Trémoulin était le grand décrocheur de prix de notre classe.
Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Soir, 1889, p. 1128. b) B.-A. Aptitude à créer une œuvre d'art sans effort, sans peine. Ces vers de Bernis, faits à vingt et un ans, ont tous les défauts de Gresset; ils ont aussi de sa facilité et de son coulant (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 7, 1851-62, p. 4).La déconcertante facilité de Picasso à qui rien ne paraît impossible (Green, Journal,1932, p. 92). 3. Spéc. Facilité (de caractère, de mœurs). Aptitude à être sociable, disposé aux arrangements, sans effort, sans peine. Il est d'une grande facilité en affaires (Ac.).À l'égard des personnes, M. Guizot était d'une facilité et d'une bienveillance qu'on n'a pas assez dites (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 1, 1861, p. 103).Leur liberté de parole, leur facilité de mœurs (...) ne les empêchaient pas de garder ce que (...) il faut d'hypocrisie pour que les gens puissent se regarder (...) sans dégoût (France, Hist. comique,1903, p. 59): 12. Manquant au dernier point de l'esprit du monde, Andrée est incapable de discerner, dans mon attitude à son égard, ce qu'il y a de civilité pure et simple, de facilité de caractère, mettons de bonhomie.
Montherl., J. filles,1936, p. 1012. − P. ext., péj. ♦ Tendance à accorder tout ce qui est demandé. C'est un homme qui se laisse aller à tout ce que l'on veut, on abuse de sa facilité (Ac.1835, 1878).C'est votre facilité qui est cause de ce désordre (Ac.). ♦ Tendance d'une femme à accorder ses faveurs sans résistance. Ses allures font accuser cette femme de trop de facilité (Ac.1932).Je voulais dire que j'ai toujours eu besoin de la facilité chez une femme pour trouver du plaisir dans l'amour (Léautaud, Journal littér.,t. 2, 1907, p. 51). Prononc. et Orth. : [fasilite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1455 « qualité de ce qui se fait sans peine » (J. Mielot, Advis directif pour faire le passage d'Oultre-mer ds Le Chevalier au cygne, éd. Reiffenberg, t. 1, p. 302); 1559 « faculté de faire quelque chose sans peine » (Amyot, Alc., 47 ds Littré). Empr. au lat. class. facilitas « facilité à faire quelque chose; facilité de parole, de caractère ». Fréq. abs. littér. : 1 834. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 797, b) 1 770; xxes. : a) 1 576, b) 2 658. Bbg. Bürger (P.). Funktion und Bedeutung des orgueil bei Paul Valéry. Rom. Jarhb. 1965, t. 16, pp. 157-158. |