| EXTÉNUER, verbe trans. A.− Vieilli. Rendre ténu, mince (quelqu'un ou quelque chose). On eût pu croire, aux traits que le jeûne exténue, À l'immobilité de ce front de statue, (...) Que l'homme et le rocher n'étaient qu'un même bloc! (Lamart., Chute,1838, p. 816).Ces bruits étouffés, exténués par les ondes de brume, ces bruits perdus, je les cherchais encore, pour en nourrir des peurs nouvelles (Abellio, Pacifiques,1946, p. 13). 1. Emploi pronom. à sens passif. L'ascension devient plus rude à mesure que le filet des cascades s'exténue (Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 97): 1. Quelque chose vacillait en lui, qui touchait aux racines mêmes de la vie. Lorsqu'il dépouillait pour le repas du soir son lourd manteau d'uniforme, sa silhouette semblait de jour en jour s'exténuer, s'amincir.
Gracq, Syrtes,1951, p. 131. Rem. La plupart des dict. gén. notent ce sens vx, cependant il est utilisé encore récemment, surtout dans sa forme pronom., dans la lang. littéraire. 2. Au fig. Diminuer, réduire (quelque chose). Synon. atténuer.Car, sous prétexte de l'affranchir et de la [la métaphysique] purifier, ce serait l'exténuer que de trancher le lien qui la rattache à la vie vécue! (Blondel, Action,1893, p. 294).Ainsi le sentiment de l'amour, que la profession exténue, la perte et la privation le développent (Valéry, Variété I,1924, p. 84). Rem. Certains dict. gén. (Ac. 1835, 1878, Littré, Rob.) notent que cet emploi a vieilli et qu'on utilise actuellement atténuer dans ce sens; pourtant la docum. atteste plusieurs ex. récents, surtout dans la lang. littér. et peut-être avec allus. à la figure de rhét. de l'exténuation*. B.− Rendre faible, amoindrir les forces de (quelqu'un ou quelque chose). 1. [Le suj. désigne un hum., un groupe hum.] Épuiser, éreinter (quelqu'un) à force de travail, de privation, de peine. Carthage exténuait ces peuples. Elle en tirait des impôts exorbitants (Flaubert, Salammbô,t. 1, 1863, p. 95).Papa travaille avec M. Maria; c'est à dire qu'il exténue le malheureux garçon à bouleverser de fond en comble tous ses bouquins (Colette, Cl. Paris,1901, p. 155).L'ennemi voulait nous exténuer en nous privant de sommeil et en nous prenant par la soif (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 241). − Emploi pronom. réfl. Plus il s'exténuait à soigner le pauvre diable, plus son nez reprenait de couleur et de force (About, Nez notaire,1862, p. 167).D'autres se sont exténués pour acquérir; nous nous exténuerons pour maintenir! (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 44).Je connaissais tous les colporteurs, c'est l'heure où ils rentrent avec leurs carrioles... ils tirent, ils poussent, ils s'exténuent... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 138). 2. [Le suj. désigne une cause concr. ou abstr.] a) [Exerçant son action sur qqn] La privation de vin et la peine m'exténuent (Bloy, Journal,1903, p. 200).Les plus simples besognes, dont elle venait jadis à bout machinalement, l'exténuent (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1426).D'ordinaire, les conversations m'embêtent, m'exténuent (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1204). ♦ (Être) exténué de.Une certaine nuit qu'il pleuvait à verse, j'allais m'endormir, exténué de faim et de chagrin (Musset, Hist. merle bl.,1854, p. 49).Mais la fin m'a laissé exténué d'émotion (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 310).Il s'était laissé choir, exténué de fatigue (Barrès, Colline insp.,1913, p. 173). b) [Exerçant son action sur qqc.] Rare. Elle [la camionnette] passe sur des blocs qui (...) la laissent retomber exténuant les ressorts (H. Bazin, Huile sur feu,1954, p. 49). 3. [Le suj. désigne un inanimé] Rare, emploi pronom. On voyait clairement que le printemps s'était exténué, qu'il s'était prodigué dans des milliers de fleurs éclatant partout à la ronde et qu'il allait maintenant s'assoupir, s'écraser lentement (Camus, Peste,1947, p. 1309). − Au fig. Anéantir, diminuer la portée d'une action ou d'une idée. Les lois présentement sont exténuées, ou pleines de trous, et les magistrats sont pourris (L. Daudet, Sylla,1922, p. 179).La critique et le mépris les [les vertus] exténuent et les vident de toute valeur prochaine (Valéry, Variété II,1929, p. 61): 2. ... les contre-courants de l'opinion et contre-attaques des partis risquent d'exténuer l'action politique ou de lui imprimer des secousses qui la privent d'une efficacité continue.
Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 441. Prononc. et Orth. : [εkstenɥe], (j')exténue [εksteny]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [1344 d'apr. Pt Rob.] 1478 le corps devient extenué et descoulouré (Grande Chirurgie de Guy de Chauliac ds Sigurs, p. 436); 1495 « épuiser, réduire les forces de » (J. de Vignay, Mir. hist., XX, 93, éd. 1531 d'apr. Delboulle ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 149); 1534 viandes plus dessicatives et extenuantes (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, XXII, p. 158). Empr. au lat. class. extenuare « rendre mince, ténu, affaiblir ». Fréq. abs. littér. : 122. |