| EXTIRPER, verbe trans. A.− [Le compl. désigne une réalité considérée comme nuisible par le référent du sujet] 1. [Le compl. désigne une réalité matérielle] a) AGRIC. Arracher une plante avec ses racines pour l'empêcher de repousser. Extirper les mauvaises herbes. Le chiendent est l'herbe la plus difficile à extirper (Ac.1932).Anton. enraciner. − P. métaph. Mon cœur est transparent comme ma vie, et je n'y vois point pousser de champignons vénéneux que je doive extirper (Sand, Corresp.,t. 3, 1853, p. 376).On n'admettait pas que ces gens-là puissent se tromper; ils allaient d'un geste, d'un mot, extirper la racine du mal (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 125). b) CHIR. Enlever (à quelqu'un) un organe ou un corps étranger sans qu'il laisse de racines. Extirper une tumeur, un cancer, une loupe, un polype (Ac.). Synon. usuel extraire; anton. implanter, greffer.Ces mêmes organes apparaissent par contre chez la poule dont on a extirpé les ovaires (Perrier, Zool.,t. 4, 1932, p. 3239).Les kystes dermoïdes seront extirpés chirurgicalement (Hudelo dsNouv. Traité Méd.,fasc. 1, 1926, p. 519): champbourcy. − Oh! tout de suite! il m'a brûlé un petit nerf de la gencive... ça ne m'a pas soulagé... alors il m'a extirpé ma dent...
Labiche, Cagnotte,1864, II, 3, p. 52. ♦ Au part. passé. Qui a été extirpé. On peut mesurer cette activité dans des fragments de tissus extirpés du corps (Carrel, L'Homme,1935, p. 197).Ces auteurs réalisèrent (...) un diabète expérimental susceptible d'être corrigé par la greffe de l'organe extirpé (Bariéty, Coury, Hist. méd.,1963, p. 763). − P. anal. Car les oiseaux de proie t'extirperont les globes des yeux (Claudel, Tête d'Or,1890, 1repart., p. 129).Il s'extirpa pensivement des filaments de bœuf coincés en plusieurs endroits parmi sa dentition (Queneau, Zazie,1959, p. 99). 2. Au fig. [Le compl. désigne une réalité considérée d'un point de vue moral ou social] Faire disparaître (quelque chose) complètement. Extirper les abus, les vices (Ac.). Extirper l'idôlatrie, des superstitions; extirper des bandes de brigands. Synon. anéantir, exterminer, supprimer; anton. implanter, établir.On s'est hâté d'amputer la France, de mutiler les populations rhénanes, d'en extirper l'esprit français (Hugo, Rhin,1842, p. 459).Cet instinct farouche se laisse discipliner mais non extirper; on le réduit, on ne le détruit pas (Amiel, Journal,1866, p. 438).Elle [MmeVerdurin] éprouvait la colère d'un grand inquisiteur qui ne parvient pas à extirper l'hérésie (Proust, Swann,1913, p. 259). − Au part. passé. Synon. anéanti, supprimé.Or la violence n'est pas extirpée, une fois pour toutes, des rapports humains (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 289). B.− P. ext. 1. [Avec un compl. introd. par de indiquant la source] Extraire (quelque chose) de (quelque chose). Il extirpa un briquet de sa poche. Synon. sortir, tirer (hors de); anton. enfoncer, fourrer (fam.), mettre (dans).D'un chapeau, il extirpa deux tourterelles vivantes cueillies dans la coiffe (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 108).Il semblait alors dans l'impossibilité d'extirper du fond de sa gorge des tampons d'ouate qui l'eussent étouffé (Camus, Peste,1947, p. 1406).Gabriel extirpa de sa manche une pochette de soie couleur mauve (Queneau, Zazie,1959, p. 9). − Emploi pronom. réfl. Sortir (de quelque chose) avec peine. Synon. s'extraire.Comme je m'extirpe avec précaution de la colonne, une tête de vrai monsieur jaillit tout près de moi (Sartre, Nausée,1938, p. 66).Tout à coup, la porte céda, la femme apparut. Elle s'extirpa de la cabine comme d'un mauvais lieu (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 230). 2. Au fig. [Avec un compl. datif indiquant l'origine] Obtenir (quelque chose) de (quelqu'un) alors qu'il ne le veut pas. Extirper des renseignements à qqn. C'est égal, celle-ci déteste sa sœur, et je crois que je pourrai lui extirper une foule de révélations sur Aimée (Colette, Cl. école,1900, p. 134).Il veut te taper de cent mille francs. Il m'a demandé de l'aider à t'extirper le chèque (France, Bergeret,1901, p. 230).V. aussi citat. Courteline s.v. démonter I A 3 rem. − Au part. passé. Il [Gaubertin] possédait depuis si longtemps l'argent extirpé par la terreur aux fermiers de mademoiselle Laguerre (Balzac, Paysans,1844-50, p. 118). − Emploi pronom. Il avait découvert le moyen de perdre l'amusement du bibelot, de s'extirper cette dernière satisfaction (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 314). Prononc. et Orth. : [εkstiʀpe], (j')extirpe [εkstiʀp]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1220 fig. estirper (la racine du mal) (Barlaam et Josaphat, 8034 ds T.-L.); 2. 1336 au propre « arracher, déraciner (une plante) » (Franch. de la Chaux du Dombief, Droz, Bib. Besançon ds Gdf. Compl.). Empr. au lat. class. de même sens exstirpare (dér. de stirps « souche, racine »), cet empr. savant ayant supplanté le verbe d'a. fr. de même orig. esterper ou estreper attesté dep. le xiies. (cf. Gdf. et T.-L.). Fréq. abs. littér. : 210. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 238, b) 292; xxes. : a) 338, b) 326. Bbg. Versini (L.). Néol. et tours à la mode dans Angola. In : [Mél. Pintard (R.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, p. 514. |