| EXTASE, subst. fém. A.− État particulier dans lequel une personne, se trouvant comme transportée hors d'elle-même, est soustraite aux modalités du monde sensible en découvrant par une sorte d'illumination certaines révélations du monde intelligible, ou en participant à l'expérience d'une identification, d'une union avec une réalité transcendante, essentielle. Les ravissements de l'extase; être plongé dans la béatitude de l'extase. Rien de ce qui se passe autour d'eux ne les frappe, tant est grande leur absorption, leur extase (Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 91).Au retour de l'extase, le rêveur solitaire est « ramené à soi-même » (Béguin, Âme romant.,1939, p. 335): 1. L'extase indique précisément ce mouvement du destin qui rend intérieur ce qui était extérieur et libre ce qui était nécessaire (...). [Elle] réalise donc l'unité de la conscience de soi et de la conscience de l'objet. (...) elle indique l'humanité dans la nature, l'intériorité dans l'extériorité.
J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 16 et 23. ♦ P. hyperb. Ravir en extase. En une heure nous y vîmes de quoi ravir en extase tous les « Hellénistes » du monde (Courier, Lettres à M. Renouard,1810, p. 262). − En partic., RELIG. État particulier d'une personne en union intime avec la divinité; élan religieux, transport mystique. Extase béatifique; un moine, un saint en extase; avoir des extases. Là, tombant à genoux dans une sainte extase, Elle pria longtemps (A. Dumas père, Caligula,1837, I, 2, p. 41): 2. ... l'âme cesse de tourner sur elle-même (...). Elle s'arrête, comme si elle écoutait une voix qui l'appelle. (...) Vient alors une immensité de joie, extase où elle s'absorbe ou ravissement qu'elle subit : Dieu est là, et elle est en lui. Plus de mystère. Les problèmes s'évanouissent, les obscurités se dissipent; c'est une illumination.
Bergson, Deux sources,1932, p. 243. B.− P. anal. Enchantement, ravissement d'admiration, de joie. Quelles fascinations! Combien d'heures ne suis-je pas resté plongé dans une extase ineffable occupé à la voir! Heureux, de quoi? Je ne sais (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 123).Elle [Eugénie de Guérin] lut Lamartine à seize ans, les Méditations, et ne retrouva jamais depuis, au même degré, ce charme indicible, cette extase première... (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 3, 1863-69, p. 164).La chasteté et la fraîcheur d'entrevision chez le peintre ne sont-elles pas extase à leur manière? (Jankél., Quelque part dans l'inachevé,Paris, N.R.F., 1977, p. 85): 3. La vie de beaucoup d'êtres est toute mêlée d'extase, mais ils n'y prennent pas garde parce que l'occasion de ces ravissements est trop humble : herboriser, peindre, observer les oiseaux...
Chardonne, Attach.,1943, p. 45. SYNT. L'extase des sens, d'un baiser; regarder qqc. avec extase; contempler un visage avec extase; rester, tomber en extase devant qqn, qqc. − [En parlant d'un état provoqué artificiellement] Les extases de la drogue, du haschisch. Elle [une voix] parlait de la cocaïne et m'en vantait sournoisement les effets pleins d'extase et de lumière (Carco, Vérotchka,1923, p. 158): 4. Une seconde vue naît de l'ivresse, et tout l'univers visible soudain n'est plus que le signe d'un monde invisible. L'âme, ravie en extase, déplace les bornes du vrai et en vient à considérer que son rêve intérieur est moins illusoire que le devenir extérieur.
Béguin, Âme romant.,1939, p. 333. C.− PSYCHOL. ,,Sentiment intense et ineffable paraissant correspondre à une joie indicible teintée d'angoisse, qui fige le sujet dans une immobilité presque complète`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Prononc. et Orth. : [εkstɑ:z]. Cf. é-1. Transcrit avec [a] à la finale ds Dub. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1319 relig. extasie (Geoffroy des Nés, Vie de Saint Magloire, éd. A. J. Denomy et J. Brückmann, 4392 : lors fu ravi en extasie); 2. av. 1475 « grande admiration » (J. Robertet ds G. Chastellain,
Œuvres, éd. J. Kervyn de Lettenhove, t. 7, p. 180); 3. 1721 psychol., pathol. (Trév.). Empr. au lat. chrét. ecstasis, extasis « fait d'être hors de soi; peur, stupeur; folie, transe; extase (mystique) »; et celui-ci au gr. ε
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ξ
τ
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ς « id. ». Fréq. abs. littér. : 1 600. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 729, b) 2 746; xxes. : a) 2 403, b) 2 412. |