| EXCUSER, verbe trans. I.− [Le suj. désigne une pers.] A.− Exprimer des paroles ou faire des gestes visant à abolir les effets d'une faute ou d'un manquement vis-à-vis de quelqu'un. (Quasi-)synon. pardonner. Rem. Ce verbe a un emploi performatif aux 1respers. de l'ind. présent. 1. [Le compl. désigne une pers.] a) [Avec un compl. introduit par de + subst. ou inf. exprimant la faute ou le manquement] Il l'excuse de sa négligence. Il lui semblait si bon, elle l'aimait tant, qu'après l'avoir excusé de barbouiller de pareilles horreurs, elle en venait à leur découvrir des qualités, pour les aimer aussi un peu (Zola,
Œuvre,1886, p. 116).− Oh! Pardon! Monsieur! (le duc s'incline). Excusez-moi d'être en costume de voyage, je descends de chemin de fer et je ne me doutais pas qu'il y eût déjà réception ce soir (Feydeau, Dame Maxim's,1914, II, 6, p. 40): 1. − « C'est là », fit-il. « Oh, c'est très modeste... Vous m'excuserez de vous recevoir si simplement. » La maison était, en effet, de pauvre apparence...
Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p. 937. − Part. passé employé comme adj. « Hé bien, Monsieur, je suis presque excusé d'être dans un salon puisque je vous y trouve » (Proust, Guermantes 1,1920, p. 203). ♦ Emploi subst. Personne qu'on a ou qui s'est excusée. Il fera la proportion pour chacune des catégories que nous avons distinguées : sexe, âge, profession, quartier, dénominateur, on ne portera que les assujettis, on déduira les excusés (Traité sociol.,1968, p. 95). b) [Avec un compl. introduit par pour exprimant la faute ou le manquement] Je te prie de m'excuser pour tout à l'heure, mais j'étais très pressé (Bourdet, Sexe faible,1931, III, p. 431). c) [Sans compl. spécifiant la faute ou le manquement] − Cher agneau, dit Malvina venant à mon secours, comme on le calomnie! − Ne l'excusez pas, ma belle; il est impardonnable (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 191).« Oh! Ça, c'est la belle vie, pour sûr. Et qu'est-ce-qu'il y a comme gonzesses! M'excuserez, Madame Cartuywels. » (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 234): 2. ... − je vous prends à témoin des façons singulières de votre compagnon. Je suis ici chez moi, et je n'admets pas...
− Il faut excuser mon camarade, Monsieur, − fit Morhange en s'avançant. − Ce n'est pas un homme d'étude, comme vous.
Benoit, Atlant.,1919, p. 129. − Emploi pronom. réciproque. Jusqu'à minuit, une douzaine de messieurs avaient causé bas devant la cheminée, tous amis, tous travaillés par la même idée de paternité. Ils semblaient s'excuser entre eux, avec des mines confuses de maladroits (Zola, Nana,1880, p. 1412). d) P. ell. du compl., fam. − Ma parole, c'est notre curé! dit-il. Excusez! Je ne m'attendais pas à votre visite, je ne pensais pas à vous... (R. Bazin, Blé,1907, p. 234). Rem. Les demandes d'excuse : excusez-moi, vous m'excuserez, excusez, etc. sont souvent employées lorsqu'on veut contredire, interrompre poliment quelqu'un ou faire cesser une situation. Mais il n'est plus temps, ils se lèvent. Le Polonais reprend la parole : − C'est l'heure du polo. Excusez-nous. À bientôt, cher Monsieur : nous reparlerons de Racine (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 68). Et puis il voyait qu'il ne pourrait pas, ce soir-là, s'entretenir sérieusement avec Philippe. Il se leva : − Excusez-moi, murmura-t-il, il faut que je parte (Arland, Ordre, 1929, p. 114) : 3. − Reprenons l'histoire dès le début, vieux farceur (...). Il est descendu au haut de la côte. Ça va. Le chemin mène droit au presbytère, pas moyen de se tromper, ça va encore. Jusqu'ici rien ne cloche, tout est clair.
− Excusez, remarqua le gendarme. Il aurait pu bifurquer sur la droite, face à la rivière, par le raidillon.
Bernanos, Crime,1935, p. 777. 2. [Le compl. désigne une réalité dont l'existence est considérée comme anormale ou fautive] Excuser l'absence de porte-manteaux; excusez mon style; il n'excuse aucune faute. Tu mériterais bien que je te tirasse (excusez le subjonctif) les oreilles pour ton « réintroniser », expression de droit canonique que tu me fourres là! (Flaub., Corresp.1852, p. 448).Excusez mon griffonnage, mais j'ai travaillé longuement et j'ai la vue fatiguée (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1886, p. 150): 4. Elle excusa l'enfance du mauvais diable qui jadis avait fait sauter avec de la poudre le bénitier de l'église, à Sainte-Catherine-les-Arras.
Adam, Enf. Aust.,1902, p. 64. − P. ell. du compl. Ici nous n'avons pu pendre qu'un père et son fils, que l'on prit endormis dans un fossé. Monseigneur excusera (Courier, Lettres Fr. et It.,1806, p. 719).Cet esthétisme d'emprunt n'était pour lui qu'un revêtement ingénieux pour cacher en révélant à demi ce qu'il ne pouvait laisser voir au grand jour; pour excuser, prétexter, et même motiver en apparence (Gide, Journal,1927, p. 847). − Loc. Excusez du peu! [S'emploie p. iron. pour exprimer son étonnement face à l'excès de qqn ou face au caractère outrancier d'une attitude ou d'un comportement] Par exemple, ce qui ne s'était jamais vu, il y avait vingt-cinq mille Français par terre. Excusez du peu! (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 183).Et puis comment diable voulez-vous qu'il moucharde? (...) il ne parle à personne et personne ne lui parle (...) S'il faut qu'il fasse des rapports avec ça, excusez du peu! (Sue, Myst. Paris, t. 8, 1843, p. 163). B.− Dire des paroles ou faire des gestes interprétables comme des arguments montrant que l'auteur d'une action jugée incorrecte ne pouvait agir autrement qu'il l'a fait. 1. Emploi trans. Il s'efforçait vainement de l'excuser (Ac.).Ces jours-là, M. de Charlus relayait la princesse en allant chercher les nouveaux à la gare, excusait MmeVerdurin de ne pas être venue à cause d'un état de santé qu'il décrivait si bien que les invités entraient avec une figure de circonstance et poussaient un cri d'étonnement en trouvant la patronne alerte et debout (Proust, Sodome,1922, p. 1044). 2. Emploi pronom. réfl. a) [Avec un compl. introduit par de exprimant une faute ou un manquement] Ils étaient arrivés dès l'aube et regardaient monter les vagues. Je m'excusai de m'être fait attendre (Gide, Voy. Urien,1893, p. 15).M. Thibault présenta les hommes. − « Je m'excuse de vous déranger, Monsieur », dit Mmede Fontanin, gênée par les regards dirigés sur elle, mais sans rien perdre de son aisance (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 598).Il parlait à voix basse, et il s'en excusa en me montrant le mort, puis il m'offrit une chaise (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 220): 5. − Je pars à une condition, c'est que vous viendrez dîner demain soir, Harriet sera contente de vous voir... Je m'excuse d'avoir avec moi une horrible créature : Miss Hitchener, mais elle nous quittera dans deux jours.
Maurois, Ariel,1923, p. 132. − [Avec un compl. introduit par auprès de spécifiant le destinataire de l'excuse] Et, si quelque auteur se permet de les violer [les unités] encore, il a toujours soin de s'en excuser auprès du public (Sainte-Beuve, Tabl. poésie fr.,1828, p. 259).Il les lut avidement, maniant chaque feuille avec respect, (...) puis s'étant levé, s'excusait déjà auprès de ma grand'mère d'être resté aussi longtemps (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 866). b) [Sans compl. exprimant la faute ou le manquement] La concierge sourit aussi d'un air embarrassé. − Alors, je m'excuse... excusez-moi, Monsieur... − Voilà qui est fait. Pas de lettres, naturellement. En ce cas, Madame Gerbois, je vous dis bonsoir (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 59). − Dire en guise d'excuse. Après douze valses, son faux-col était une loque de linge plus molle encore que sa cravate blanche. Il s'excusa : − Cinq minutes, dit-il, et je reparais. Attendez-moi (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 60).− Je suis abominablement en retard, s'excusa-t-il, mais j'ai rencontré, à la division coloniale, des camarades de promotion! Je ne pouvais pas m'en sortir! (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 39): 6. Le président interrompit une seconde fois : « Prenez garde! Vous insultez Mmeveuve Flamèche, ici présente. » Renard s'excusa : « Pardon, pardon, c'est la passion qui m'emporte. »
Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Trou, 1886, p. 579. − Proverbe. Qui s'excuse s'accuse. − [Avec un compl. introduit par auprès de spécifiant le destinataire de l'excuse] On le descendit alors, sans mot dire, par le moyen d'une échelle dressée. On était gêné. On s'excusait auprès de lui (Michaux, Plume,1930, p. 174).Mathilde revint, coiffée, le maquillage refait. − Oui, dit-elle, j'ai été idiote l'autre fois avec ton amie Chloé, je m'excuserai auprès d'elle (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 191). Rem. Cet emploi (B 2) est performatif aux 1respers. du prés. de l'indicatif. C.− Emploi pronom. réfl. [Avec un compl. introduit par sur indiquant la cause pour laquelle on s'excuse] Vieilli. Alléguer quelque chose comme un motif pour lequel on présente des excuses (v. ce mot B). Il s'excusa sur sa myopie. Ils s'en sont excusés sur ce qu'ils n'avaient pas d'ordre; il s'en excuse sur sa maladie (Ac.).Je refusai quelque temps en m'excusant sur mon costume qui me rendait indigne de m'asseoir à leur table (Lamart., Confid.,1849, p. 298).Lemaître arriva rue Oudinot (chez Coppée) en retard. Guilleret, il s'excusait sur ce qu'il s'était attardé au salon (Barrès, Cahiers,t. 3, 1902-04, p. 13).M. Élie s'excusa sur ses rhumatismes pour n'aider pas Léon (Montherl.Célibataires,1934, p. 867): 7. Il commença par s'excuser sur l'inconvenance de l'heure.
− Pardon, Madame, dit-il, après s'être assis entre Charles et Madame Dilois; pardon de me présenter si tard...
Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 111. − [Le compl. est introduit par là-dessus] Mais prendre l'avis de Gaspard lui avait coûté; et, maintenant, le cric et la charpente lui montraient bien son tort. C'était un peu tard. Gaspard s'excusa là-dessus à Anne-Marie (Pourrat, Gaspard,1930, p. 109). Rem. Dans cet emploi, s'excuser semble n'être que constatif, c'est-à-dire employé pour rapporter un discours. II.− [Le suj. désigne un inanimé] Servir d'excuse à quelque chose ou à quelqu'un. Sa maladie excuse sa paresse. Rien ne peut faire excuser une telle conduite (Ac.).Les sentiments exprimés dans votre lettre m'excuseront sans doute auprès de vous d'être à la campagne et de fuir Paris (Balzac, Corresp.,1839, p. 648).C'était au « tempérament artistique » de l'oncle Ben qu'on recourait et par égard pour ce fameux tempérament qui excusait tout, on acceptait sa sauvagerie, ses sautes d'humeur (Green, Journal,19, p. 279): 8. Encore une fois, ces contradictions n'excusent pas l'attitude des radicaux lillois, qui, eux, ont commis la contradiction suprême : celle d'affirmer la république, et de la livrer ensuite, en ressentiment de quelques outrages électoraux, les plus vains de tous.
Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 28. Prononc. et Orth. : [εkskyze], (j')excuse [εksky:z]. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. « justifier (ici, qqc.) en alléguant des excuses » (Psautier Oxford, 140, 4 ds T.-L., s.v. excusacïon); 2. ca 1274 « se mettre à l'abri d'un reproche, d'une sanction » (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 659); 3. 1283 « (d'une chose) servir d'excuse sei aager l'escuseroit (Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 560); 4. 1668 « accepter de quelqu'un les raisons qu'il invoque pour se dispenser de faire quelque chose » (Racine, Plaideurs, II, 2). Empr. au lat. class. excusare « excuser, justifier, disculper ». Fréq. abs. littér. : 3 632. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 105, b) 4 102; xxes. : a) 6 197, b) 6 109. Bbg. Le Bidois Délire 1970, p. 212. |