| ENTITÉ, subst. fém. A.− PHILOS. et LANG. CULTURELLE 1. Vieilli. Ce qui est essence, ce qui constitue l'essence de quelque chose. Synon. essence1: 1. ... il y a (...) une vérité propre à chaque chose, qui lui appartient au même titre que son entité même. Communiquée à tout être par Dieu, elle en est inséparable, puisque les choses ne subsistent que parce que l'intellect divin les produit dans l'être.
Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1932, p. 33. − Rare. [En parlant d'une pers.] Ce don de métamorphoser à sa vue toutes les choses et soi-même se confond à ce point avec l'entité véritable de MmeBovary, que, sitôt qu'elle en est privée, elle meurt (Gaultier, Bovarysme,1902, p. 36). ♦ [P. oppos. à existence concrète] :
2. Il [Mehlen] cessait d'être une entité, il acquérait une épaisseur, une matité; sous sa peau grise elle [Angèle] voyait enfin le sang circuler.
Vialar, Les Faux-fuyants,1953, p. 162. − Spéc., MÉD. Entité morbide. Maladie considérée dans son essence et comme une essence. Il est des médecins qui ne veulent pas admettre la médecine expérimentale, parce qu'elle détruit, pensent-ils, les entités morbides, qu'elle étouffe le vrai sens médical, qui considère les maladies comme des espèces immuables (Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 112). 2. P. ext., souvent avec une épithète péj. Pure abstraction que l'on considère comme réelle. Entités chimériques, fictives, verbales : 3. ... on voit poindre déjà une de ces abstractions généralisées, une de ces entités imaginaires qui ont fait si beau jeu à l'école nominaliste et ont tant nui à la réputation des universaux et aux véritables réalités.
Cousin, Fragments philos.,1840, p. 150. B.− Usuel. Chose réelle, existante mais représentable uniquement. 1. par une image. L'État, la Justice, la Patrie, la Société sont des entités. 2. par un concept. Une onde, le vent sont des entités : 4. L'Égypte est une avenue et cette avenue s'appelle le Nil; elle est une entité géographique et a, par conséquent, une politique naturelle. Il y a une entité géographique et politique qui s'appelle l'Irak. Il y a une petite entité qui s'appelle la Palestine.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 522. − Sans nuance péj. Être de raison auquel on accorde une existence purement logique. Entité mathématique. Des diverses sortes d'abstractions et d'entités. − Des idées mathématiques. − Des idées de genre et d'espèce (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 230). − Spéc., LING. : 5. Les signes dont la langue est composée ne sont pas des abstractions, mais des objets réels; ce sont eux et leurs rapports que la linguistique étudie; on peut les appeler les entités concrètes de cette science. (...) L'entité linguistique n'existe que par l'association du signifiant et du signifié; ...
Saussure, Cours de ling. gén.,1916, p. 144. Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. entitatif, ive. Qui concerne l'entité (cf. supra A 1). L'« espèce » humaine, si unique soit-elle par le palier entitatif où l'a portée la réflexion, n'a rien ébranlé dans la nature au moment de son apparition (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 203). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃tite]. Ds Ac. 1740-1932. Étymol. et Hist. Av. 1502 (O. de St Gel., Sej. d'honn., fo70 vods Gdf. Compl.). Empr. au lat. médiév.entitas, -atis (1233 ds Latham; lui-même de ens, -entis part. prés. de esse). Fréq. abs. littér. : 267. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 49, b) 428; xxes. : a) 296, b) 684. |