| ENRICHIR, verbe trans. A.− [L'obj. désigne une pers., une collectivité, un bien matériel] Rendre plus riche, accroître la fortune ou les biens. Enrichir une famille, la nation, un patrimoine, le trésor public; être enrichi dans le commerce, par d'heureuses spéculations. Ce trafic l'a bien enrichi (Ac.1835, 1878).Sa vie de labeur l'a enrichi (Ac.1932).Anton. appauvrir.Père Ubu. − J'ai l'honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les nobles et prendre leurs biens (Jarry, Ubu,1895, III, 2, p. 56): 1. Pendant les six semaines qui venaient de s'écouler, (...), le Marquis avait voulu enrichir Julien; la pauvreté lui semblait ignoble, déshonorante pour lui M. de La Mole, impossible chez l'époux de sa fille; il jetait l'argent.
Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 441. − Emploi pronom. S'enrichir par son propre travail, aux dépens de qqn. Il est démontré que [dans la nation] nul homme ne peut s'enrichir sans qu'un autre s'appauvrisse (Proudhon, Propriété?1840, p. 293): 2. Il [mon père] conclut en me citant le mot de Guizot : « Enrichissez-vous. » Sa démonstration me laissa perplexe. Papa avait échoué à s'enrichir...
Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 130. ♦ Proverbe. Qui paie ses dettes s'enrichit (Ac. 1878-1932); (vieilli) qui s'acquitte, s'enrichit (Ac. 1798-1878). Il faut commencer par payer ses dettes avant de faire fortune. B.− [L'obj. désigne un inanimé concr.] Rendre plus riche. 1. En ajoutant un élément nouveau qui augmente la valeur de l'ensemble. Enrichir un musée. Les conservateurs s'efforceront d'enrichir les collections qui leur sont confiées (Réau, Archives, bibl., musées,1909, p. 19).L'Afrique a enrichi la palette de Delacroix, lui a donné les « bleus forts » de son ciel et ses « ombres blêmes » (Kunstler, Art XIXes.,1954, p. 57). − Emploi pronom. à sens passif. S'enrichir (de) : 3. Si la Bibliothèque Nationale continue à s'enrichir de toutes les productions nouvelles, dans cent ans, elle sera absolument impraticable, et sa richesse même l'annulera.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 250. 2. En garnissant d'un ornement précieux. Enrichir un livre de dessins; enrichir un monument, une église de marbres et de sculptures, de bas-reliefs, etc. : 4. MlleEugénie était vêtue avec la simplicité la plus élégante; une robe de soie blanche brochée de blanc, une rose blanche (...), composaient toute sa parure, que ne venait pas enrichir le plus petit bijou.
Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 510. − Emploi part. passé employé adj. Poignards enrichis de diamants (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 223).Couronne enrichie de pierreries (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 181). − Emploi pronom. Les murs de sa chambre s'enrichissaient de quelques dessins inédits (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 335). 3. Domaine sc. et techn.En augmentant la qualité de l'ensemble par l'apport de quelque chose ou la concentration d'un élément constituant. Enrichir un sol. En augmenter la fertilité. − Enrichir en.Il [le sérum de l'animal adulte] s'appauvrit en substances stimulantes; d'autre part, il s'enrichit en substances toxiques (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 119).On est parvenu à augmenter considérablement le rendement des récoltes dans les serres en enrichissant artificiellement l'air en gaz carbonique (fumure aérienne) (Camefort, Gama, Sc. nat.,1960, p. 329).S'enrichir en(cf. Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 241). − MINÉR. Enrichir un minerai. Le traiter pour augmenter sa teneur. Minerais de fer que l'on a dû broyer pour enrichir (Bresson, Manuel prospect.,1923, p. 433). ♦ Emploi pronom. à sens passif. [En parlant d'un filon] Devenir plus épais, plus riche en parties métalliques (d'apr. Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e). C.− Au fig. 1. [L'obj. désigne une pers.] Accroître ses richesses intellectuelles, morales, sentimentales. (Absol.) L'expérience enrichit. Synon. épanouir.Mes conversations avec R. m'enrichissent toujours (Green, Journal,1941, p. 129).Le sentiment maternel sain, celui qui enrichit l'enfant et enrichit la mère (Mounier, Traité caract.,1946, p. 99). − Emploi pronom. réfl. Cf. aussi avare ex. 4 : 5. ... il me semblait exaltant de travailler à se développer, à s'enrichir; c'est en ce sens que je comprenais le précepte de Gide : « Faire de soi un être irremplaçable »; ...
Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 216. 2. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Augmenter, développer. Enrichir une idée, une pensée; élargir et enrichir ses connaissances; découverte qui enrichit la science. Qui enrichit sa sensibilité enrichit son intelligence (Maeterlinck, Intellig. fleurs,1907, p. 164): 6. Mais, quand on est jeune et qu'on aime, tout va d'abord à l'amour. Toute souffrance l'enrichit, toute passion même étrangère s'y verse et l'augmente.
Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 120. − Spéc. Enrichir la langue. La rendre plus riche par l'acquisition d'emprunts, de néologismes, de tournures nouvelles. Enrichissant, assouplissant et libérant la langue poétique (Béguin, Âme romant.,1939, p. 388).Cf. appauvrir ex. 8 : 7. Ils [des poètes du xviiiesiècle] ont eu ce mérite d'assouplir la versification et d'enrichir sensiblement le dictionnaire poétique. Tout n'est pas charade ni futile périphrase dans les poèmes du bon abbé Delille.
Lemaitre, Les Contemporains,1885, p. 85. ♦ Enrichir un conte, un récit. ,,Y ajouter plusieurs circonstances inventées, pour l'embellir, pour le rendre plus agréable`` (Ac. 1798-1932). − Emploi pronom. à sens passif. Le symbole de la nuit, celui de l'amie perdue et retrouvée, les dons du rêve, (...), s'enrichissent de significations nouvelles (Béguin, Âme romant.,1939, p. 211). Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. enrichisseur au sens de « matière qui augmente les forces ». Du jus de viande, ou tout autre réfecteur, réparateur, enrichisseur (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 280). Minér. Machine servant à enrichir le minerai (cf. Ratel, Prépar. mécan. minerais, 1908, p. 289). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃
ʀiʃi:ʀ], (j')enrichis [ɑ
̃
ʀiʃi]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1remoitié xiies. (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 64, 9). Dér. de riche*; préf. en-*; dés. -ir. Fréq. abs. littér. : 972. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 644, b) 928; xxes. : a) 1 074, b) 1 586. |