| ENDIGUER, verbe trans. A.− Domaine concr. 1. [Le compl. désigne un cours d'eau, un torrent, etc.] Contenir, maintenir à l'aide de digues. Endiguer un fleuve, une rivière. Elle écoutait (...) les explications que lui donnait ce dernier [M. Deneulin] sur les efforts qu'on avait dû faire pour endiguer le canal (Zola, Germinal,1885, p. 1556): 1. Ce torrent, il fallait l'endiguer (...) et l'obliger ainsi à se déverser dans le lac. Les colons (...) parvinrent, en quelques heures, à élever une digue haute de trois pieds sur quelques centaines de pas de longueur.
Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 602. − P. ext., rare. Entourer. Nous revenons à la maison, par le petit mur qui endigue la plage (Renard, Écorn.,1892, p. 262). 2. P. anal. [Le suj. désigne des bâtiments, des monticules bordant une route, le compl. un groupe de pers. ou plus rarement d'animaux se déplaçant en masse dans la même direction] Contenir, maintenir. La rue énorme et ses maisons quadrangulaires Bordent la foule et l'endiguent de leur granit (Verhaeren, Villes tentac.,1895, p. 156).Des boutiques (...) endiguaient la procession de mille femmes (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 476).Ses « royes » avaient endigué un banc de harengs (Hamp, Marée,1908, p. 12). − Au part. passé. La colonne, endiguée entre de sombres façades, avançait toujours (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 454). B.− Au fig. et p. métaph. [Le suj. désigne une pers., un groupe hum. ou plus rarement des attributs de la pers.] 1. [Le compl. désigne une action, un mouvement] Empêcher de s'étendre, de prendre de l'ampleur; contenir dans certaines limites. Endiguer le flot croissant des évasions; endiguer le flot des armées allemandes. Les trois divisions en réserve (...) furent données aux corps d'armée et employées contre les deux ailes de l'attaque allemande pour essayer tout au moins de l'endiguer (Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 89): 2. Il [Suter] réclame (...) une indemnité de 50 millions de dollars au Gouvernement de Washington qui n'a pas su maintenir l'ordre public au moment de la découverte des mines d'or, ni endiguer le rush...
Cendrars, L'Or,1925, p. 200. 2. [Le compl. désigne un comportement hum.] a) [Le compl. désigne la manifestation d'un état affectif] Endiguer des larmes, des pleurs. Les retenir. Elle endigua les larmes déjà au bord des paupières (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 170). b) [Le compl. désigne des paroles] Arrêter, interrompre. Endiguer un flot de paroles. Il [Dubourg] avait endigué sans réplique le flux des mots dans les gorges, fermé les bouches qui allaient parler toutes à la fois (Arnoux, Roi,1956, p. 303). − Rare. Arrêter, interrompre un flot de paroles en disant (quelque chose). Épouvantée d'un tel flot de paroles, j'endigue : − Papa, je veux faire voir Fanchette à mon oncle (Colette, Cl. Paris,1901, p. 109). 3. [Le compl. désigne une chose abstr., ayant une certaine force, une certaine puissance] Discipliner en contraignant; modérer la force, les effets. Endiguer les réformes, la révolution. Son tempérament [de V. Hugo] équilibré de latin a endigué dans des moules trop corrects, trop balancés, le rude génie saxon (Zola, Nos aut. dram.,1881, p. 54).Ils sont tous deux faussaires, hypocrites, menteurs, pour le bien de leur passion (...) que les lois endiguent et briment (Artaud, Théâtre et double,1938, p. 35).Angélique ne parvenait pas à endiguer cette vague d'un intense chagrin qui déferlait en elle (Vialar, Brisées hautes,1952, p. 180). Rem. On rencontre ds la docum. un emploi pronom. à sens passif. Une barrière contre laquelle s'était endigué le flot de mes sentiments anciens (Bourget, Disciple, 1889, p. 197). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃dige], (j')endigue [ɑ
̃dig]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1. 1827 « contenir par des digues » (Ac. Suppl.); 2. [av. 1870 fig. (E. de Girardin, s. réf. ds Lar. 19e: liberté endiguée)]; 1869 (Hugo, Homme qui rit, t. 3, p. 125). Dér. de digue*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 49. |