| ENCLOUER, verbe trans. Enfoncer un clou dans une chose. A.− [De manière à fixer cette chose] MÉD. Maintenir (une fracture) par un clou. Une petite incision permet l'introduction du clou au point d'élection (...) et la fracture est enclouée à distance (Judet, Fractures membres,1948, p. 4). − P. anal. Percer une chose et la fixer comme ferait un clou. Il [le général] cria un ordre : en deux vastes cliquetis, les baïonnettes surgirent au-dessus des régiments. Je m'aperçus alors d'une chose étrange : chacune enclouait un bouquet (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 33). B.− [De manière à immobiliser et à rendre inutilisable cette chose] :
1. Une trappe dans le plafond de la pièce (...) fermait cet escalier. Rouletabille demanda un marteau et des clous et encloua la trappe. Cet escalier devenait inutilisable.
G. Leroux, Le Parfum de la dame en noir,1908, p. 82. − ARTILL. Mettre un canon hors d'usage, en faisant pénétrer dans la lumière un gros clou d'acier. Sérurier brûla ses affûts et ses plates-formes, jeta ses poudres à l'eau, enterra ses projectiles, encloua ses pièces, et leva le siège de Mantoue (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 530). − P. anal. Empêcher le fonctionnement d'un objet en y faisant pénétrer quelque chose. L'armoire, plaquée contre la porte (dont la serrure est elle-même enclouée par un crayon), je la leste de tout ce qui me tombe sous la main. La table, le lit, les chaises viennent l'épauler. Dans ces conditions, à moins d'employer le bélier, il est à peu près impossible d'entrer dans ma chambre (H. Bazin, Vipère,1948, p. 194). − Au fig. Tenir en échec, empêcher tout développement, tout épanouissement; réduire au silence quelqu'un. Mutilés, un prestige mauvais leur reste de tous les Waterloo où la force a encloué leurs illusions et dispersé leurs rêves (Péladan, Vice supr.,1884, p. 168): 2. Tout est fini pour nous avec La Chênaie et l'avenir qui nous y attendait. Vous devez savoir tout ce qui s'est passé et comment on est parvenu à enclouer, passez-moi l'expression, le plus beau génie de notre âge.
M. de Guérin, Corresp.,1834, p. 130. C.− [De manière à endommager cette chose] MÉD. VÉTÉR. et usuel. Piquer, par maladresse, un cheval jusqu'au vif avec un clou, quand on le ferre. Le maréchal a encloué ce cheval (d'apr. Ac.). − Emploi pronom. Mon cheval s'est encloué. Mon cheval a rencontré, en marchant, un clou qui lui entre dans le pied (d'apr. Ac.). Rem. On rencontre ds la docum. a) Encloué, ée, part. passé.
α) [À valeur adj.] Muet. Il reste ahuri, éteint, encloué, quand Gautier l'appréhende avec ses terribles familiarités : « Monsieur le Ministre, combien tirez-vous de coups par semaine? » (Goncourt, Journal, 1867, p. 379).
β) [Substantivé] Terme d'injure. Elle entendait une discussion furieuse entre Bec-Salé, dit Boit-Sans-Soif, et cet encloué de père Colombe. En voilà un voleur de patron qui marquait à la fourchette (Zola, Assommoir, 1877, p. 708). À rapprocher peut-être de ,,Gauche, maladroit. Pédéraste`` (France 1907). b) Enclouter, verbe trans. Synon. de clouter. P. métaph. Sa gueule, encloutée de dents longues et jaunes comme celles du chameau (L. Daudet, Temps Judas, 1920, p. 91). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃klue], (j')encloue [ɑ
̃klu]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. enclöer « clouer » (Clemence de Barking, Vie Ste Catherine Alexandrie, éd. W. Macbain, 750); 2. ca 1205 encloer « blesser un cheval avec un clou en le ferrant » (Enfances Vivien, éd. C. Wahlund et H. Feilitzen, 1038); 3. 1461-66 artill. « mettre (un canon) hors d'usage » (J. de Bueil, Le Jouvencel, I, 142, Soc. Hist. de Fr. ds Gdf.). Dér. de clou*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 20. DÉR. 1. Enclouage, subst. masc.a) Méd. ,,Implantation d'un clou dans un os fracturé pour maintenir les fragments osseux en bonne position`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Les enclouages du col du fémur (Judet, Fractures membres,1948, p. 21).b) Action d'enclouer un canon. − [ɑ
̃klua:ʒ]. − 1reattest. 1755 artill. encloüage (Encyclop. t. 5, s.v. enclouer); du rad. de enclouer, suff. -age*. 2. Enclouure, subst. fém.a) Blessure du pied du cheval, faite lorsqu'on a enfoncé un clou dans la chair en le ferrant. L'enclouure résulte de la mauvaise direction imprimée à la pointe du clou au moment du ferrage (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 165).b) Au fig. Difficulté qui arrête quelqu'un. Je ris de son erreur [d'un homme], mais (...) il faut la faire voir sans trop la montrer (...) Voilà l'enclouure de la conversation (Stendhal, Corresp., t. 1, 1800-42, pp. 216-217).On est « ungenug gebildet », et il n'est pas prouvé qu'on soit encore « bildsam ». Voilà l'accroc et l'enclouure. Curiosité circonscrite et culture imparfaite! (...) cela m'inquiète (Amiel, Journal,1866, p. 361).− [ɑ
̃kluy:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. − 1resattest. 1174-75 fig. encloëure « difficulté qui arrête » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 4715), 1600 encloueure « blessure d'un cheval encloué » (O. de Serres, 984 ds Littré); du rad. de enclouer, suff. -ure*. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 87. − Sliosberg (A.). Considérations sur la trad. méd. et pharm. Ét. Ling. appl. 1973. no12, pp. 85-94. |