| ENCLORE, verbe trans. A.− [L'obj. désigne une chose (lieu, construction, etc.) ouverte avant qu'elle soit enclose] Entourer un lieu de barrières, de murs, de manière à en défendre l'accès; entourer d'une clôture. Enclore qqc. de qqc. 1. [Le suj. désigne une pers.] Enclore une cour, une prairie, un verger (de grillage, de murailles, de palissades). On enclôt les pâturages, les champs ou les jardins de barrières ou de murs (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 103): 1. Quel homme, en effet, voudroit soigneusement élever, planter des arbres, améliorer ses champs, les enclore de haies vives, s'il prévoyoit qu'au bout de quelques années ils dussent passer dans d'autres mains?
Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 3, 1801, p. 311. ♦ Absol. Quoi, celui qui a planté, semé et enclos, n'a pas droit au fruit de ses peines (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 116). − P. méton. du pron., emploi pronom. réfl. Entourer, fermer (sa propriété) d'une clôture : 2. En effet, le revenu ne peut s'accroître que par l'accroissement du fonds productif; il ne servirait à rien de s'enclore de murailles de marbre et de labourer avec des charrues d'or.
Proudhon, Qu'est-ce que la propriété?1840, p. 289. 2. [Le suj. désigne la clôture elle-même] Constituer la clôture de quelque chose. Sur le derrière, du côté du bois, une haie vive enclôt une sorte de cour plantée d'arbres maigres (Zola, M. Férat,1868, p. 14).Le port de Londres est une série de cours intérieures séparant les entrepôts qu'enclosent des murs de pénitencier (Morand, Londres,1933, p. 307). − P. métaph. Entourer, environner de toutes parts. Il y a, dans le mur de peau qui m'enclot de toutes parts, certaines fenêtres particulières qui sont construites de manière à laisser pénétrer en moi (...) certains événements extérieurs (Le Dantec, Savoir!1920, p. 110).Les gratte-ciel n'ont pas de cave. Du pavé jusqu'au toit, les pièces s'amoncellent et la tente d'un ciel sans horizons enclôt la ville entière (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 42): 3. ... le dissolvant hiver sans froidure, la lâcheté délicieuse qu'amène le crépuscule tôt venu, tout le printemps menteur qu'enclôt cet inquiétant décembre...
Colette, Claudine en ménage,1902, p. 137. B.− P. ext. Enclore qqc. dans qqc. 1. [Le suj. désigne une pers.] Enfermer un lieu dans un ensemble clos, enclaver. Enclore les faubourgs dans la ville (Ac.). ♦ Emploi pronom. passif. Les bâtiments dans lesquels s'enclôt aujourd'hui la prison du Tasse, dépendant d'un hôpital ouvert à toutes les infirmités (Chateaubr., Mém. t. 4, 1848, p. 426). − P. métaph. Enfermer. Sainte-Odile d'Alsace et Sion de Lorraine président la double région où je veux enclore ma vie (Barrès, Amori,1902, p. 261). 2. Au fig. [Le suj. désigne la chose qui enferme] a) Contenir dans des limites précises, strictes : 4. Quelque épisodique qu'ait été notre action (...), elle provoque, par la souffrance qu'elle engendre, une remise en question totale de notre valeur. Notre effort échoue pour enclore le sentiment de la faute dans les limites de l'action qui l'a suscité.
Philos., Relig., 1957, p. 3816. b) [Sans compl. circ.] Renfermer, comprendre. (Quasi-)synon. inclure.Lorsque Dieu nous donne la vie, c'est un don qui enclôt tous les autres dons naturels (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 3, 1921, p. 83).Cette notion enclot plus sûrement l'interprétation des problèmes controversés de la clinique humaine (Ce que Fr. a apporté à méd., 1946, p. 145). Rem. On rencontre ds la docum. enclos, ose, part. passé adj. [En parlant d'une surface] Qui est entouré d'une clôture. Champ, jardin, terrain, verger enclos; prairie enclose. Que fait le colon qui, faute de pâturages enclos, a confié, la veille, ses chevaux et ses bœufs de trait à la vaste étendue des bois voisins? (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 258). Prononc. et Orth. : [ɑ
̃klɔ:ʀ], (j')enclos [ɑ
̃klo]. Ds Ac. 1694 et 1762, s.v. enclorre. Cf. aussi ds Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 2 1787. Cf. encore Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 60. Les 2 r s'expliquent par la réduction du groupe -dr- à -rr- puis -r- de claud(e)re lat. Ds Ac. 1798-1932 sous la forme mod. Enclore et renclore, comme la plupart des verbes défectifs, tendent à disparaître et ne survivent plus qu'à travers des loc. toutes faites. Ils se conjuguent comme clore sauf qu'ils ont toutes les pers. de l'ind. prés. j'enclos, tu enclos, il enclot (écrit enclôt ds Littré et Rob., mais non ds Ac. 1932), nous enclosons, vous enclosez, ils enclosent. Littré conjugue en outre le fut. et le cond. prés. j'enclorai(s), et donne le part. passé enclos, enclose. S'il admet que le parfait et l'imp. du subj. sont tout à fait oubliés, il voudrait faire revivre l'imp. de l'ind. j'enclosais, etc., l'impér. enclos, le prés. du subj. que j'enclose et le part. prés. enclosant. Étymol. et Hist. [Ca 1050 enclodet ind. prés. 3 « enfermer » (Alexis, éd. G. Paris, 61e: leçon proposée par l'éd., v. p. 188, d'apr. A [portant encloe], la leçon de L [anglutet] ne convenant pas pour l'assonance)]; 1121-34 enclore (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. Walberg, 75). Du lat. pop. *inclaudere, réfection d'apr. claudere, clore* du lat. class. includere « enfermer ». Fréq. abs. littér. : 76. |