| * Dans l'article "DÉSAGRÉGER,, verbe trans." DÉSAGRÉGER, verbe trans. A.− Décomposer un corps en ses éléments constitutifs. Anton. agréger.L'action prolongée pendant des siècles des agents atmosphériques le désagrège [le granite] (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 117).Toutes ces machines [à meuler] désagrègent la matière en en détachant de petits copeaux sous la pression des grains d'abrasif d'une meule tournant à grande vitesse (Gorgeu, Machines-outils,1928, p. 231): 1. ... si l'on attend, pour désagréger l'ébauche embryonnaire, que l'œuf se soit partagé en quatre cellules, on peut obtenir, d'un même germe, quatre embryons complets, de petite taille.
J. Rostand, La Vie et ses problèmes,1939, p. 38. ♦ P. anal. La subdivision en quarts de ton désagrégeait les gammes modales (Laloy, Aristoxène,1904, p. 122).Cf. aussi ex. 5, s.v. agréger. − Emploi pronom. à sens passif. Les corps peuvent changer de figure, d'aspect et d'état, se désagréger et se disperser, mais non s'anéantir (Cournot, Fondem. connaiss.,1851, p. 183). ♦ Se désagréger de.Se séparer de : 2. ... on dirait qu'ils [ces hommes-là] font habituellement bloc avec les ténèbres, qu'ils n'en sont pas distincts, qu'ils n'ont pas d'autre âme que l'ombre, et que c'est momentanément, et pour vivre pendant quelques minutes d'une vie monstrueuse, qu'ils se sont désagrégés de la nuit.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 864. B.− P. métaph. ou au fig. Détruire les principes d'unité, de cohésion, d'un ensemble organisé. 1. [Le compl. d'obj. désigne un groupe hum.] Désagréger la société. Ni la France ni l'Espagne n'ont pu désagréger le groupe basque (Hugo, Alpes et Pyr.,1885, p. 116): 3. À cette politique d'impérialisme effronté, le seul obstacle était le bloc germanique. Pour que l'hégémonie de la Triple Entente fût assurée, il lui restait encore à désagréger ce bloc.
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 415. − Emploi pronom. à sens passif. Quand le système politique se désagrège dans l'anarchie, la civilisation rapidement se décompose à son tour (Bloch, Dest. du S.,1931, p. 216). 2. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou une fonction hum.; cf. désagrégation* psychique] L'idée de salut, je crois, vient à celui que « désagrège » la souffrance (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 72).Il avait certainement préparé chaque mot de sa diatribe, mais la présence d'Henri désagrégeait ses phrases (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 380): 4. ... mais les mots résonnaient, dans son esprit comme des sons privés de sens : son ennui les désagrégeait, leur ôtait toute signification, toute vertu sédative, toute vigueur effective et douce.
Huysmans, À rebours,1884, p. 293. − Emploi pronom. réfl. : 5. ... dès que je veux prier, mes sens s'épandent au dehors, je ne puis me recueillir et, du reste, si je parviens à me rassembler, cinq minutes ne s'écoulent point que je me désagrège...
Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 244. C.− P. ext. Détruire quelqu'un ou quelque chose en le dégradant, jusqu'à le réduire à néant. De certaines fêtes malsaines désagrègent le peuple et le font populace (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 633).Entre eux [les époux de « L'Autre », de P. Margueritte] l'autre se dresse sans cesse, leur rappelant à elle sa faute, à lui son rival, désagrégeant leur amour (Léautaud, Théâtre M. Boissard, t. 1, 1926, p. 35): 6. ... alors tout le miel de la promesse de délices extrêmes, tout le suc d'espérance d'amour dont les puissances surexcitaient la vitalité profonde, tourne en poison d'une violence incomparable. Il n'est rien que n'attaque, ne ronge, ne désagrège cette essence de haine et de fureur;...
Valéry, Variété V,1944, p. 194. − Emploi pronom. à sens passif. L'« état poétique » s'installe, se développe, et enfin se désagrège en nous (Valéry, Variété V,1944p. 138): 7. Par ce dédale de rues humides, glissantes, peu éclairées [rue Jacques-Callot, etc.] où tant de souvenirs achèvent de se désagréger, le roman (...) s'efface devant l'histoire...
Carco, Nostalgie de Paris,1941, p. 62. ♦ Se désagréger en.Dégénérer en. Lorsque les premières rides annoncent le dessèchement de l'homme, le cœur se désagrège en une espèce de susceptibilité qui est sa parodie (Chardonne.Èva,1930, p. 37). Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. désagrégatif, ive. Qui produit la désagrégation. P. métaph. L'égale dignité d'être de mon être pour autrui et de mon être pour moi-même permet une synthèse perpétuellement désagrégative et un jeu d'évasion perpétuelle du pour-soi au pour-autrui, et du pour-autrui au pour-soi (Sartre, Être, 1943, p. 97). Prononc. et Orth. : [dezagʀeʒe], (je) désagrège [dezagʀ
ε:ʒ], (nous) désagrégeons [dezagʀeʒ
ɔ
̃]. Conjug. : devant syll. muette, change [e] fermé en [ε] ouvert, écrit è accent grave sauf au fut. et au cond. je désagrégerai(s); prend un e devant a et o : désagrégeant, -geons. Le verbe est admis ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1798 « disjoindre (un corps) par la séparation de ses parties agrégées » (G. de Morveau ds Annales de chim., XXV, 78 d'apr. DG); 1860 au fig. « faire perdre son unité à un ensemble organisé » (Goncourt, Ch. Demailly, p. 389 : chaque partie du moi, désagrégée et isolée de l'être); 1861 id. pronom. (Proudhon, Guerre et Paix, p. 146). Dér. de agréger*; préf. dé(s)-*. Fréq. abs. littér. : 118. DÉR. 1. Désagrégateur, trice, adj.Qui provoque la désagrégation. Au delà d'un certain maximum, le tétanos cesse, son effet désagrégateur devient reconstituant par une sorte d'orgasme diluvien qui délivre et féconde (Abellio, Pacifiques,1946, p. 376).Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc.désagrégateur désignant une machine utilisée pour désagréger, triturer les roches. Les roches brutes [kaoliniques] (...) reçoivent un violent jet d'eau qui les entraîne dans les désagrégateurs. Ces appareils (...) triturent les roches en présence d'une grande quantité d'eau (Larchevêque, Fabric. industr. porcel.,1898, p. 132).− 1resattest. 1848 subst. id.; 1946 adj. (Abellio, loc. cit.); de désagréger, suff. -(at)eur2*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Désagrégable, désagrégeable, adj.Qui peut être désagrégé. Roche facilement désagrégeable (Ch. Martins, Compte rendu de l'Ac. des Sciences,t. 77, 1868, p. 934 ds Littré Suppl.).P. métaph. L'apparition du ceci-cela ne peut se produire d'abord que comme totalité. Le rapport premier est ici l'unité d'une tonalité désagrégable; le Pour-soi se détermine en bloc à ne pas être « ceci-cela » sur fond de monde (Sartre, Être,1943, p. 239).− Seule transcr. ds Littré : dé-za-gré-ja-bl'. − 1reattest. 1868 (Ch. Martins, loc. cit.); de désagréger, suff. -able*. 3. Désagrégement, subst. masc. Action de désagréger, fait de se désagréger. Ce défaut [d'emboutissage dit peau de crapaud] provient d'un désagrégement des molécules superficielles de la pâte (Champly, Nouv. Encyclop. prat., t. 15, 1927, p. 146). − [dezagʀ
ε
ʒmɑ
̃]. Désagrégement (Lar. 19e-20e; Champly, loc. cit., et Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 347), désagrègement (Lar. Lang. fr.; A. Daudet, Rois en exil, 1879, p. 90). − 1reattest. 1846 (Proudhon, loc. cit.); de désagréger, suff. -ment1*. BBG. − Pauli 1921, p. 79 (s.v. désagrègement). |