| DÉFI, subst. masc. Action de défier (cf. défier1); son résultat. A.− 1. HISTOIRE a) Terme de féod. Proclamation de résiliation d'un engagement envers son suzerain. Ainsi, au jet du « fétu » [symbolisant la rupture de l'accord entre vassal et suzerain], (...) préféra-t-on de plus en plus un simple défi − au sens étymologique du terme, c'est-à-dire refus de foi −, par lettres ou par hérault (M. Bloch, Sté féod.,Paris, A. Michel, 1949, p. 351). b) Provocation au combat.
α) Déclaration de guerre, appel au combat. Un défi en règle. Les Croisés, au contraire, ont pour principe de ne jamais attaquer l'ennemi sans lui avoir porté un défi, c'est-à-dire une déclaration fière et franche (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 9, 1851-62, p. 404). ♦ P. méton. Expression orale ou écrite de cette provocation. Envoyer défi sur défi. Synon. appel (rare), cartel.Ce défi fut porté par un héraut de la maison d'Orléans à Douai, où se trouvait le duc Jean (Barante, Hist. ducs de Bourg.,t. 3, 1821-24, p. 207).
β) Provocation en combat singulier, au duel. Un insolent défi. Il y aura, pour cette seule affaire, un duel à la Grande Jatte et deux au Vésinet, lorsqu'aura été débrouillé l'écheveau compliqué de défis, cartels, jets de gant, arbitrages et appels sur le terrain (Morand, 1900,1931, p. 147). − P. méton. Notification de cette provocation. Faire un défi. Lisez cette lettre. C'est un défi du fils de Gaganov, dont j'ai naguère mordu l'oreille (Camus, Possédés,1959, p. 996): 1. Les chefs des Troyens et ceux des Argiens se reconnaissent comme des égaux et admettent implicitement un certain code d'honneur. Les défis qu'ils se lancent avant de se mesurer peuvent manquer de courtoisie (...) du moins la masse des combattants s'abstient-elle, quand il s'agit d'une sorte de duel, d'intervenir pour en fausser le déroulement normal.
Jeux et sp.,1968, p. 775. ♦ P. métaph. Chose considérée comme un défi, une provocation. Hélas, les échafauds sont d'effrayants défis (Hugo, Torquemada,1882, p. 69).Ce gibet planté à tous les carrefours du monde, comme un défi que les hommes ne relèvent même plus (Mauriac, Journal 3,1940, p. 278).Cette vigne-frontière, qui est un défi à Clodius (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 102). 2. Mod. Action de provoquer quelqu'un comme adversaire (au combat, au jeu, à une compétition). Jeter, porter un défi; accepter, relever le défi; répondre à un défi. Je lui ai fait un défi à la paume, aux échecs (Ac.1798-1878).J'ai jamais refusé le défi de personne (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1458).Les Britanniques furent les promoteurs de ce sport [le yachting à voile], lançant des défis aux autres nations dès le XIXesiècle (Jeux et sp.,1968, p. 1546): 2. Ce fut l'époque où se multiplièrent les joutes oratoires autour de thèses mises en discussion, les défis lancés et les problèmes posés par les savants à leurs confrères, au moyen de lettres, d'affiches et de pamphlets imprimés; ...
Encyclop. pratique de l'éduc. en France,1960, p. 242. ♦ Se lancer des défis. Ils parlaient fort et gesticulaient et se lançaient des défis (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 132).Les joutes littéraires, les défis que se lançaient les artistes (Jeux et sp.,1968, p. 737). ♦ Loc. adj. De défi. Des salves de défi (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 838). ♦ Loc. prép. Par défi pour quelqu'un. Cet homme magnifique qui a nagé deux jours par défi pour vous (Giraudoux, Sodome,1943, II, 7, p. 140). B.− Usuel. Action d'affronter quelqu'un ou quelque chose. 1. Action de contester une autorité, un pouvoir, une tradition, une attitude. Synon. contestation, provocation.Ainsi l'immoralisme n'était pas seulement un défi à la société (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 195).Le pays qui donna au monde la poudre à canon ne peut renoncer à produire du plutonium comme défi à l'isolement où le maintiennent les puissances occidentales (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 255).Des défis lancés à l'orthodoxie régnante (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 367): 3. mère marie. − Non pas [nous ne nous engageons pas] (...) à n'importe quelle démarche violente et indiscrète qui ne serait que provocation et défi à l'égard de ceux qui sont bien capables de se venger de nous sur des innocents.
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, 4etabl., 13, p. 1685. ♦ Loc. adj. De défi. Qui a l'aspect, l'importance d'un défi. Accent(s), air(s), attitude(s), geste(s), œil, pose, position, posture, regard(s), rire(s) de défi. À une période de passion et de défi succède une période de rédemption (Maurois, Lord Byron et démon tendr.,1925, p. 321). ♦ Loc. adv. Avec défi. Parler, regarder avec défi. Sans défi. Elle regarde le gouverneur fixement, sans défi, simplement sur ses gardes (Camus, Requiem,1956, p. 863). − P. compar. Yanek a-t-il dit qu'il regrettait de ne pouvoir disposer que d'une seule vie pour la jeter comme un défi à l'autocratie? (Camus, Justes,1950, V, p. 380). − P. méton. Attitude, comportement de défi. Sous l'œil du défi, la condition humaine devient absurde (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 438).Cette face éteinte où flambe le défi (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 17): 4. Le dandy est par fonction un oppositionnel. Il ne se maintient que dans le défi. La créature, jusque-là, recevait sa cohérence du créateur. À partir du moment où elle consacre sa rupture avec lui, la voilà livrée aux instants, aux jours qui passent, à la sensibilité dispersée. Il faut donc qu'elle se reprenne en mains.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 72. ♦ Loc. adv. Par défi. Il [l'Iscariote] agissait par colère, par orgueil, par défi et non par amour (Arnoux, Calendrier de Flore,1946, p. 197).Cette réaliste si fine, égarée dans une famille de spiritualistes grossiers se fit voltairienne par défi sans avoir lu Voltaire (Sartre, Mots,1964, p. 5). − Au fig. Action, comportement, phénomène qui semble contredire une loi naturelle, une valeur reçue, etc. Il n'y a là qu'un défi à la raison, à la vérité, à la justice (Zola, Paris,t. 2, 1898, p. 99).Une telle opinion est un défi au bon sens, un scandale rationnel, logique, philosophique (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 89).Le dessin de ce bras est un défi à l'anatomie (Valéry, Variété V.,1944, p. 308): 5. Ils s'engagent sur une petite passerelle qui joint sans garde-fou les deux rives escarpées d'un torrent et le vertige ne saisit pas Jacques lorsqu'il aperçoit à cent mètres au-dessous de lui le bouillonnement des eaux. Un peu après ce passage un défi (semble-t-il) aux lois de l'équilibre, notre héros se précipite menaçant sur un chariot bâché...
Queneau, Loin Rueil,1944, p. 40. 2. Action d'affronter une chose; son résultat. Un défi au danger. Ces vies (...) dont la vieillesse radieuse semble avoir accumulé comme un défi, aux portes de la mort, tous les trésors de la tendresse humaine (Mounier, Traité caract.,1946, p. 472). 3. Incitation à la réalisation d'une chose difficile; réponse à une telle situation. (Quasi-)synon. gageure.Il nous fallait relever ce défi (Ponge, Parti pris,1942, p. 71).Bettborn sous l'œil de l'occupant, nous apparut comme un défi et comme un signe (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 36). « ... c'est là que je nage », m'indique-t-il, comme par défi à son infirmité (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 240). ♦ P. métaph. Le défi que relève le hasard (Green, Journal,1941, p. 54). ♦ Au fig. [En parlant d'une chose] Le défi atomique. Les plus imposants défis architecturaux de l'Égypte (Gide, Journal,1946, p. 288).La psychanalyse, répondant aux défis de la sociologie et progressant de ces défis mêmes (Traité sociol.,1968, p. 411). − Spéc. Mettre qqn au défi de + inf.Mettre quelqu'un en demeure de faire quelque chose tout en mettant en doute qu'il ose le faire ou qu'il en soit capable (cf. défier1). Je vous mets au défi de le prouver (Ac.1835-1932).Le 29 janvier 1877, il met au défi le dr Bastian de reproduire ses résultats devant des juges compétents (J. Rostand, Genèse vie,1943p. 165). Prononc. et Orth. : [defi]. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. deffi (cf. dé-1); ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. 1523 « crainte » (Ch. de Bourdigné, La Légende joyeuse de Pierre Faifeu, éd. Fr. Valette, p. 22 : Que j'heu bien peur et ung très grand deffy De perdre honneur); 2. 1575 « provocation à un combat singulier » (Brant., Des couronnels françois,
Œuv., VI, 114 ds Gdf. Compl.); 3. 1847 « refus de s'incliner » (Balzac, Cous. Bette, p. 5). Déverbal de défier*. Fréq. abs. littér. : 771. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 558, b) 666; xxes. : a) 1 130; b) 1 765. |