| DOS, subst. masc. I.− [Le dos est envisagé comme la partie postérieure du tronc, quand la personne est vue de face; il est alors souvent considéré comme une surface] A.− Partie postérieure du tronc de l'homme, qui s'étend des épaules aux reins. Dos voûté. Anton. face, poitrine, ventre.Les mains derrière le dos, la tête basse (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 213): 1. ... elle étala ses épaules : elles avaient déjà des angles tout prêts pour le cercueil... Ses cheveux, un peu dénoués, glissaient avec de l'ombre dans le creux de son dos. Les omoplates saillaient. L'épine dorsale faisait toucher à l'œil chacun de ses nœuds.
Goncourt, Renée Mauperin,1864, p. 300. 2. Nous sommes là, couchés sur le dos, les bras au long des hanches, la nuque sur une pierre, pareils à deux figures tombales.
T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 83. − P. euphém. Bas du dos. Postérieur. La veste qui livre aux coups de pied le bas de votre dos (Glatigny, Fer rouge,1870, p. 45). − P. méton., au fig., arg. Dos d'azur, vert ou p. ell., dos (p. allus. aux couleurs du maquereau). Souteneur (cf. France, 1907). B.− Locutions 1. Loc. adv. a) Dans, derrière le dos. Derrière soi, à une certaine distance. De temps à autre, le cœur battant, je faisais un brusque demi-tour : qu'est-ce qui se passait dans mon dos? Peut-être ça commencerait derrière moi, et, quand je me retournerais, tout d'un coup, ce serait trop tard (Sartre, Nausée,1938, p. 104). b) De dos. Du côté du dos. Anton. de face.La statue m'apparaissait de dos (Breton, Nadja,1928, p. 26).On apercevait, de dos, deux femmes attablées (Martin du G., Thib.,Été 1914, 1936, p. 396). c) Dos à dos. Dos contre dos. On les mettait dos à dos [deux enfants] pour comparer leurs tailles (Pourrat, Gaspard,1925, p. 184). − Au fig. Mettre, renvoyer des personnes dos à dos. Ne donner raison, dans un différend, à aucune des parties. Les parties furent mises dos à dos avec défense de se censurer mutuellement (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 262).Il semblait que cette petite fille les eût renvoyés dos à dos (Bernanos, Le Soleil,1926, p. 66). − Vieilli, emploi subst. masc. Dos(-)à(-)dos ♦ Voiture à deux sièges ayant un dossier commun. Nous nous servîmes du cabriolet des Irlandais. Il faut l'appeler un dos-à-dos, et non un vis-à-vis (Michelet, Journal,1834, p. 137). ♦ Siège double où les personnes assises se tournent le dos. Synon. boudeuse.Les dos-à-dos de cet honnête salon (Bourget, Essai psychol.,1883, p. 34). 2. Loc. prép. À dos d'homme(s). Sur le dos (les épaules ou la tête) d'un ou de plusieurs hommes. Transporter à travers la brousse, à dos d'hommes, les lourdes pièces démontées de n'importe quelle embarcation (Gide, Journal,1927, p. 866). 3. Loc. verbales, souvent fig. a) Verbe + (le) dos − Arrondir, courber, plier, tendre le dos. Prendre une attitude obséquieuse, soumise ou inquiète. [Jean] qui se taisait en arrondissant le dos, depuis qu'on parlait de Jacqueline (Zola, Terre,1887, p. 294).Prolétaire? Mouton, oui, mouton, comme les autres. On vous tond, vous tendez le dos, et vous dites merci (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 324). − Avoir bon dos. Se voir attribuer des charges, supporter souvent abusivement des torts ou des vexations. Synon. avoir le dos large.Tapez sur Nana, tapez sur la bête! Oh! j'ai bon dos (Zola, Nana,1880, p. 1468).C'est encore la garde qui fournira les piquets. Elle a bon dos, la garde! (Anouilh, Antig.,1946, p. 204). − Vieilli. Avoir le dos au feu et le ventre à table. Prendre toutes ses aises, notamment à table. Buvez (...) mes bons amis le ventre à table et le dos au feu (Courier, Lettres Fr. et It.,1825, p. 701). − Tourner le dos à qqn/à qqc. Se placer, être placé de façon à lui présenter le dos. « Je parie qu'il va se retourner pour voir si je l'ai vu », pensa Antoine. Il se trompait. Le gamin lui tournait le dos et ne s'occupait pas de lui (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 870). ♦ [Avec un compl. circ. de lieu] Allez dans une direction opposée à. On tournait le dos à Paris (Zola, Débâcle,1892, p. 75). ♦ Au fig. Cesser de fréquenter quelqu'un par dédain ou réprobation, ne pas s'occuper de lui. Deux amants brouillés qui se boudent, se tournent le dos (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 215). ♦ P. métaph. La mémoire, tu le sais, tourne le dos aux vieillards (Crèvecœur, Voyage,t. 2, 1801, p. 106). − Avoir le dos tourné. Être placé de façon à présenter le dos. Anne, le dos tourné dans un coin, ajuste sa grande coiffe devant un miroir (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 192). ♦ P. ext. Ne pas surveiller attentivement, s'absenter. De langage réservé devant ma mère, mais fort libre dès que ma mère avait le dos tourné (Gide, Si le grain,1924, p. 388).Dès que tu as le dos tourné, Folcoche en profite pour entrer dans ta chambre (H. Bazin, Vipère,1948, p. 257). − Pop. Scier le dos à qqn. L'importuner. Synon. pop. casser les pieds.Pourquoi nous sciez-vous le dos avec vos doléances? (Flaub., 1reÉduc. sentim.,1845, p. 96).En avoir plein* le dos. b) Verbe + à dos.Se mettre à dos, avoir qqn à dos. − [L'obj. désigne un inanimé concr.] Présenter le dos à. Hannibal, avait eu l'attention de se mettre à dos le vent et la poussière (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 24). − [L'obj. désigne une ou plusieurs pers.] Se faire un ennemi de, indisposer. Je ne veux pas me mettre toute ma famille à dos (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 163). c) Verbe + dans/derrière le dos − Agir dans/derrière le dos de qqn. Agir à son insu, manœuvrer secrètement ou hypocritement. Tu vas peut-être me dire ce que tu es venu foutre chez eux, comme ça, derrière mon dos, sans m'avertir (Aymé, Jument,1933, p. 192). − Populaire ♦ L'avoir dans le dos. Éprouver une déception, un échec. Synon. pop. l'avoir dans l'os (cf. Lar. Lang. fr.). ♦ Avoir les pieds dans le dos. ,,Être poursuivi par les gendarmes`` (Carabelli, [Lang. pop.]). ♦ Faire un enfant dans le dos. Tromper. Synon. pop. cocufier.Honoré, (...) se disait (...) que Maloret n'allait pas lui faire un enfant dans le dos (Aymé, Jument,1933, p. 137). ♦ Passer la main* dans le dos de qqn, tirer* dans le dos de qqn. d) Verbe + sur le dos − Avoir qqn/qqc. sur le dos. Supporter le poids d'une affaire, d'un désagrément, subir la présence de quelqu'un. J'ai eu, me disait-il, mille affaires pareilles sur le dos (Constant, Cahier rouge,1830, p. 97).Quel casse-pied! (...) voici deux jours que je l'ai sur le dos (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 51). − Battre qqn sur le dos d'un autre. ,,Faire retomber indirectement sur quelqu'un les reproches que l'on adresse à une autre personne`` (Ac. 1878, 1932). − Casser* du sucre sur le dos de qqn. − Être sur le dos de qqn. Le surveiller de près, l'importuner. Si tu embêtes ton enfant, si tu es toujours sur son dos (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 204).Être, sans cesse, sur le dos des gens, à les asticoter de toutes les manières (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 28). − Pop. Être, aller sur le dos. Se prostituer. Il lui demanda furieusement d'où venaient ces rubans. Hein? c'était sur le dos, qu'elle avait gagné ça! (Zola, Assommoir,1877, p. 723).Elle allait sur le dos comme pas une (M. Stéphane, Ceux du trimard,1928, p. 150). − Mettre qqc. sur le dos de qqn. Lui en attribuer la charge, la responsabilité ou le tort, souvent abusivement. Synon. mettre sur le compte de.Mettre les fautes du livre sur le dos de l'imprimeur (Renard, Journal,1902, p. 738). ♦ Emploi pronom. Se mettre qqc. sur le dos. Se charger de. Se mettre sur le dos des frais aussi lourds qu'inutiles (Courteline, Client sér.,Une Opposition, 1897, p. 65). − Prendre qqc. sur son dos. En assumer la responsabilité. Synon. pop. encaisser.N'ayez point l'air de rien savoir. Je prends tout sur mon dos (Sand, Les Maîtres sonneurs,1853, p. 341).[P. allus. au bouc émissaire de la Bible (cf. Lévitique 16/22)] « Pourquoi prendrais-je sur mon dos les péchés et les malheurs du monde? » (Martin du G., Thib.,Été 1914, 1936, p. 276). − Tomber sur le dos de qqn ♦ [Le suj. désigne une pers.] Se jeter sur quelqu'un pour l'attaquer (par derrière). La garnison, les habitants, les femmes leur tombèrent sur le dos [aux Anglais] et les mirent en déroute (France, Vie de Jeanne d'Arc,t. 2, 1908, p. 221).P. ext. Importuner qqn (en survenant à l'improviste). Pourquoi me tombez-vous sur le dos pendant que je suis occupé? (Claudel, Guerre de trente ans,1945, p. 569). ♦ [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Être attribué à, lui incomber, comme quelque chose de pénible. − Rare. Tomber sur le dos et se casser le nez. Avoir des malheurs en cascade, jouer de malchance. On dit d'un homme tout à fait malheureux : il tombe sur le dos et se casse le nez (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p. 178). − Se réconcilier, s'accorder sur le dos de qqn. Se réconcilier, s'accorder au détriment d'une tierce personne. − Ils se détestent. − Mais ils s'accordent aussi, sur votre dos, ma pauvre amie (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 197).[Rousseau] eut le malheur de déplaire à la fois aux pieuses gens et aux encyclopédistes : d'irréductibles ennemis se réconcilièrent sur son dos (Mauriac, Trois grands hommes devant Dieu,1947, p. 80). C.− Emplois partic. 1. P. méton. a) AMEUBL. Partie d'un siège sur laquelle le dos peut s'appuyer. Dos du fauteuil. Synon. dossier.Ils ont posé leurs vestons sur le dos de leurs chaises (Sartre, Huis clos,1944, 5, p. 129). b) VÊT. Partie d'un vêtement qui couvre le dos. Dos d'un habit, d'une robe. Anton. devant.La doublure du dos, des basques et des manches était composée de différents morceaux d'étoffes (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 44). ♦ Dos nu, subst. masc. Vêtement féminin sans manches couvrant la poitrine et laissant nue la plus grande partie du dos. Ces dos nu en coton sont, pour prendre le soleil des filets idéaux (100 idées, Mai 1976, no31, p. 60). 2. P. anal. Partie postérieure d'une surface plane ou d'un ensemble. Dos d'une maison. Synon. envers.Un petit miroir rond à dos de celluloïd (Malraux, Conquér.,1928, p. 160). − En partic. [À propos d'un support d'écriture] Synon. verso.Dos d'un chèque; voir au dos (tourner la feuille pour lire le verso). Je t'envoie au dos de cette lettre un petit gribouillis (Hugo, Corresp.,1843, p. 609).Écris-moi ton adresse, au dos d'une carte postale (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 177). − RELIURE. Partie d'un livre relié ou broché, opposée à la tranche, sur laquelle se trouve la couture et qui porte généralement le titre. Dos brisé. Livres nombreux à dos de basane marqué de titres d'or (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 771).Le sol était entièrement recouvert de volumes empilés... C'était de toutes parts des dos de veau à nervures et à fleurons, ... (France, Le Chat maigre,1879, p. 217). II.− [Le dos est considéré comme le haut du corps ou vu d'en haut, et souvent envisagé comme une forme] A.− Haut du corps humain. − P. méton. [Pour désigner le corps en tant que porteur de vêtement] Cette femme, par tous les temps, avec une maigre robe sur le dos (Goncourt, Journal,1865, p. 151). ♦ P. exagér. Ne rien avoir à se mettre sur le dos. Ne pas avoir de quoi s'habiller. Elle n'avait plus une robe à se mettre sur le dos (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 102).Je n'ai même plus un complet à me mettre sur le dos (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 197). B.− Partie supérieure du corps d'un animal, qui s'étend de la tête à la queue. Anton. ventre.Frotter le dos d'un cheval dans une écurie (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 137).Le tigre jaune au dos rayé s'étire et pleure (Verlaine, Poèm. saturn.,1866, p. 84). − À dos de + subst. désignant une bête de somme ou que l'on monte.Sur le dos de. À dos de chameau. Parker décrivait la chasse à dos d'éléphant (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 64).Une journée de voyage en montagne, en partie à dos de mule (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1490). − Faire le gros dos. [Le suj. désigne gén. un chat] S'étirer en bombant le dos. Le matou qui lui lance un regard faux et louche, Et se roule à ses pieds en faisant le gros dos (Gautier, Albertus,1833, p. 135). 1. Au fig. [Le suj. désigne une pers.] a) Se donner de l'importance. Synon. usuel bomber le torse.Il [le chef du bateau] était occupé à faire le gros dos et à donner des ordres d'un air d'empereur romain pour le placement des équipages (Stendhal, Mémoires d'un touriste,t. 1, 1838, p. 397). b) Prendre une attitude résignée ou indifférente face à des vexations. Partout on ricane, on se moque de lui, on le nargue... Suter fait le gros dos, ne dit rien, encaisse tout, avanies et méchancetés (Cendrars, L'Or,1925, p. 234). 2. P. métaph. Un ciel profond, d'un bleu de roi superbe, avec un soleil jaune sur les toits et un air piquant et sonore. Les femmes « rosées » au contact de cet air subtil en faisant « gros dos » dans leurs fourrures en vraies chattes frileuses (Barb. d'Aurev., 2eMemor.,1838, p. 357). C.− [P. anal. de forme] 1. Partie d'un relief naturel plus élevée que les parties voisines. Le dos de la colline s'arrondit pour s'incliner en deux pentes contraires (Lamart., Raphaël,1849, p. 291). − P. métaph. Le dos de la mer. Quand le marin est soulevé avec son navire sur le dos de la vague (Alain, Propos,1922, p. 431). − Dos d'âne. Surface bombée en forme de dos d'âne, dont les côtés forment talus ou contre-pente. Le dos d'âne qui s'étend entre le Saron et le Ghôr (Renan, Hist. du peuple d'Israël,t. 1, 1887, p. 224). − En partic. Profil d'une route présentant cet aspect. Au sommet du dos d'âne de la rue du Commerce (Renan, Hist. des orig. du Christianisme,Marc-Aurèle et la fin du monde antique, 1881, p. 303). ♦ En dos d'âne. Qui présente deux pentes séparées par une arête. Pont en dos d'âne. Le sarcophage (...) que fermait un couvercle (...) taillé en dos d'âne (Gautier, Rom. momie,1858, p. 176).Le toit en dos d'âne d'une galerie couverte qui menait du petit au grand lycée (Green, Journal,1943, p. 79). 2. Partie d'un instrument, d'un ustensile opposée au tranchant ou au creux. Dos de la cuiller, de la fourchette, de la lame. Ils ont donné le coup avec le dos de la hache entre les cornes (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 128). ♦ Ne pas y aller avec le dos de la cuiller*. 3. Emplois partic. a) Usuel et ANAT. Partie supérieure d'un membre, d'un organe. Dos de la langue, du pied. Repousser du dos de la main une larme prête à couler (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 80).Tapoter la cigarette sur le dos de sa main, avant de la glisser entre ses lèvres (Martin du G., Thib.,Été 1914, 1936, p. 288). b) BOT. Dos d'une feuille. Face d'une feuille qui porte les nervures. Dos d'une graine. Partie opposée au hile. Dos d'une strie. Partie saillante d'une strie. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes. sauf Ac. Prononc. et Orth. : [do]. Ds Ac. 1694-1932. On lie dos à dos [dozado]. Étymol. et Hist. Ca 1100 l'eschine ... del dos (Roland, éd. J. Bédier, 1201); id. de cels d'Espaigne unt lur dos turnez (ibid., 2445); ca 1393 le dos de la cuillier (Ménagier, II, 176 ds T.-L.); 1469 un dyament taillé en dos d'asne (Inventaire de Marguerite de Bretagne, p. 48 ds IGLF); 1680 avoir une personne à dos; avoir bon dos (Rich.). Du lat. vulg. dossum « dos », class. dorsum. Fréq. abs. littér. : 7 446. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 362, b) 13 820; xxes. : a) 14 736, b) 10 823. Bbg. Gir. 1834, p. 32. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Lew. 1960, p. 69. − Quem. 2es. t. 3, 1972. − Rigaud (A.). Poisses d'avril. Déf. Lang. fr. 1971, no57, p. 19. − Rog. 1965, p. 28. − Sain. Lang. par. 1920, p. 264. |