| DIVERTIR, verbe trans. A.− Vieilli 1. Gén. péj. [Le compl. désigne gén. une somme d'argent] Détourner (à son profit), s'approprier illégalement : 1. Elle prouverait d'abord qu'il était tenu solidairement à payer tout le passif de la compagnie, puisqu'il avait déclaré comme dettes collectives des dettes personnelles, enfin, qu'il avait diverti plusieurs effets à la société.
Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 252. − Spéc., DR. Divertir les effets d'une succession. Détourner tout ou partie d'un héritage à son profit. J'ai perdu le trône de mes pères et diverti l'héritage de mes enfants (Dumas père, Jeunesse Mousquet.,1849, III, 8, p. 948): 2. 792. Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession, sont déchus de la faculté d'y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés.
Code civil, 1804, art. 3, pp. 144-145. − Rare. [Le compl. désigne une pers.] Elle qui l'a diverti de sa famille, qui nous l'a enlevé (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 246). − Plus usuel, littér., emploi pronom. réfl. [P. réf. au divertissement pascalien] S'éloigner du réel, se détourner de la vue de l'essentiel (cf. divertissement B).[Ils] font tourner un disque comme ils se piqueraient, pour fuir le réel, pour se divertir au sens pascalien (Mauriac, Journal 3,1940, p. 230).Où veut donc nous conduire cette belle critique? (...) à psychanalyser le travail en montrant que le travailleur s'occupe pour se divertir de la mort? (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 237): 3. Les plaisirs bruyans de la ville nous jettent hors de nous-mêmes, et le mot divertir est d'une grande justesse, à laquelle on ne fait pas attention. Ce genre de plaisir, effectivement, nous éloigne de nous-mêmes, et c'est ce que signifie divertir.
Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1561. 2. Non péj. [Construit avec la prép. de] Détourner l'attention ou l'activité de quelqu'un sur un autre objet, une nouvelle occupation. Ce n'étaient pas les occupations qui lui manquaient (...) pour divertir sa pensée (G. Roy, Bonheur occas.,1945, p. 431): 4. Je me suis fait connaître, au moins du monde savant, par mes recherches sur les mutations expérimentales chez les animaux supérieurs. Le laboratoire m'a, de bonne heure, diverti de la médecine à laquelle je dois une grande partie de ma formation intellectuelle.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 24. − Domaine moral et affectif.Divertir qqn de son mal. Lui adoucir le mal par des activités absorbantes ou agréables : 5. Mon dieu! n'est-ce pas un bienfait de votre main, (...) Que j'aie pu l'amener à s'apaiser dans les irritations violentes de sa maladie, à reconnaître qu'elle était heureuse et vénérée, adorée et divertie de ses ennuis par des soins et des caresses sans fin.
Vigny, Le Journal d'un poète,1837, p. 1091. B.− Cour. (gén. non péj.; parfois avec une idée de malice). 1. Distraire, procurer un passe temps agréable. Synon. amuser, recréer.Il était très-spirituel, divertissant les bureaux de ses saillies (Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 261).Ses manies divertissaient la famille, bien qu'on n'osât pas en rire devant lui (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 418): 6. ... les hommes vraiment à plaindre sont ceux qui sont les plus difficiles à amuser ou à qui il faut les excitants les plus actifs, les plus rares, les plus compliqués. La raison consiste non pas à nous affliger de ce que nous pouvons être facilement divertis par des bagatelles, mais plutôt à nous maintenir dans cette disposition où le divertissement soit toujours aisé et à notre portée, comme faisait Malebranche qui au sortir de ses méditations s'amusait à des jeux d'enfants.
Maine de Biran, Journal,1817, p. 81. − Absol. Certes, nous devons divertir! Ne pas l'oublier! Nous sommes payés pour cela! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 458). 2. Emploi pronom. S'amuser, se délasser; passer son temps dans des distractions agréables. − P. euphém. Se divertir avec une femme. Prendre de libres ébats avec elle. Pourquoi vas-tu te divertir chez les femmes honnêtes? (Flaub., Éduc. sent.,t. 2, 1869, p. 201). − En partic. [Souvent suivi des prép. à ou de] S'amuser aux dépens de, se moquer, se gausser. Un chuintement qui amuse les gens de Madrid comme les parisiens se divertissent de l'accent auvergnat (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 267): 7. Tous les gens du village à qui j'ai parlé ce matin m'ont dit que vous aimiez votre cousine, et que vous ne m'avez fait la cour que pour vous divertir tous deux; on se moque de moi quand je passe, et je ne pourrai plus trouver de mari dans le pays, après avoir servi de risée à tout le monde.
Musset, On ne badine pas avec l'amour,1834, p. 75. Prononc. et Orth. : [divε
ʀti:ʀ], (je) divertis [divε
ʀti]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1370-80 « détourner quelqu'un de quelque chose » (Trad. Ovide Remède d'Amour, 1013 ds T.-L.); 1608 spéc. divertir (qqn) de l'ennuy (Schelandre, Tyr et Sidon, Arg. ds Gdf. Compl.); qualifié de ,,vieilli`` ds DG; 1633 se divertir « s'amuser, se distraire » (Corneille, Mélite, préf., p. 49 ds IGLF). Empr. au b. lat.divertere avec changement de conjugaison « se détourner, se séparer de, être différent ». Fréq. abs. littér. : 538. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 806, b) 960; xxes. : a) 642, b) 696. DÉR. Divertisseur, subst. masc.Personne qui distrait par ses actes ou ses écrits. Synon. amuseur.Il fit [Collé] sa première comédie... et il devint le divertisseur en vogue du comte de Clermont (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 7, 1863-69, p. 365).− Seule transcr. ds Littré : di-vèr-ti-seur. − 1resattest. a) xvies. (Amyot, Collation d'aucunes histoires romaines, 19 ds Hug.); b) 1757 (Lettre de Mmede Rochefort au marquis de Mirabeau ds Littré); du rad. du part. prés. de divertir, suff. -eur2*. BBG. − Mimin (P.). Napoléon et la lang. du droit. Déf. Lang. fr. 1969, no47, p. 23. |