| DISPARAÎTRE, verbe intrans. A.− [La disparition est envisagée comme temporaire, réversible] 1. [Le suj. désigne un inanimé concr. ou un animé] Cesser de paraître aux regards, d'être visible. Anton. apparaître.Le soleil disparaissait derrière les saules (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 195).Le chemin disparaît entre deux champs de maïs (Martin du G., Devenir,1909, p. 191): 1. ... une belle fille (...) dont l'allure balancée mettait au cœur des jeunes gars un désir. Ils se retournaient sur son passage, et la suivaient des yeux, jusqu'au moment où elle avait disparu au tournant des ruelles, sous les sureaux en fleurs.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 167. 2. Neige... neige... la Castille s'enfonce sous la neige comme un navire sous les eaux. Elle va disparaître. Elle disparaît. De l'Aragon n'apparaît plus que la plus haute cime de la sierra de Utiel. La neige engloutit toute l'Espagne. Il n'y a plus d'Espagne.
Montherlant, Le Maître de Santiago,1947, p. 656. − En partic. [Avec un compl. circ. indiquant] a) [le lieu où plonge ce que désigne le suj.] ♦ Disparaître dans. Cesser d'être visible en s'enfonçant quelque part. Synon. s'enfoncer, s'engloutir.Le petit soldat (...) tomba d'un bloc, entra et disparut dans l'eau (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Pt soldat, 1885, p. 192).La bête coula au trou, disparut aussitôt dans l'ombre (Genevoix, Raboliot,1925, p. 285): 3. − J'ai vu des fleuves, des grands fleuves, disparaître entiers dans le sable; ils ne s'y jetaient pas, je suppose; ils s'y enfonçaient lentement; ils y disparaissaient, comme des espérances. − Parfois ils reparaissaient plus loin; ils ne surgissaient pas, je suppose; ils ressortaient simplement du sable en une eau fine et filtrée, reparaissaient comme des espérances.
Gide, El Hadj,1899, p. 349. P. anal. Je vais, je viens, je glisse, plonge, Je disparais dans un cœur pur (Valéry, Charmes,1922, p. 141).b) [la cause de la disparition] ♦ Disparaître dans, derrière, sous quelque chose. Être dissimulé, caché par quelque chose. Son pied droit disparaissait dans un sabot (Hugo, Rhin,1842, p. 41).Le sable des allées disparaissait sous les feuilles mortes (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 51).La tour Eiffel disparaissait derrière un rideau de pluie (Green, Journal,1932, p. 87).[P. anal. de sensation] Cesser d'être audible. La fin de la phrase disparut dans une véritable détonation (Duhamel, Suzanne,1941, p. 42).[P. anal. d'impression générale] L'obscénité [des estampes japonaises] (...) disparaît sous la fantaisie (Goncourt, Journal,1863, p. 1334). 2. [Avec une idée de rapidité et/ou d'imprévu] a) [Le suj. désigne un animé] S'absenter brusquement ou sans prévenir, se soustraire aux regards avec précipitation ou en cachette. Synon. s'éclipser; synon. pop. se défiler.Les lièvres qui disparaissent en un clin d'œil (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 133): 4. Une seconde, il [Cerbelot] arrête sur ma personne un regard d'aliéné. Puis il s'éloigne à reculons, sans me lâcher de l'œil. Il disparaît, brusquement; il se résorbe dans la muraille.
Duhamel, Journal de Salavin,1927, p. 80. b) [Le suj. désigne un inanimé concr.] Ne plus être à sa place, venir à manquer subitement, sans qu'on puisse expliquer cette absence. Tout cela disparaissait comme par enchantement (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 378).Les menus objets de sa toilette et de sa table disparaissaient l'un après l'autre (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 38): 5. Il me manque trois caleçons, sept paires de chaussettes, quatre ou cinq chemises; j'ai fait le compte hier. Plus rien n'est à moi; tout disparaît, tout s'en va...
Zola,La Conquête de Plassans,1874,p. 1072. − Avoir disparu. Avoir été égaré ou volé. Monuments de tous genres qui ont disparu des églises pendant la Révolution (Delacroix, Journal,1849, p. 325).Il est singulier que ces raisins aient ainsi disparu (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 72). ♦ Faire disparaître qqc. Ôter rapidement de la vue, escamoter : 6. [Dieulafoy] sortit de la plus belle façon du monde, en prenant simplement le cachet qu'on lui remit. Il n'avait pas eu l'air de le voir, et nous-mêmes nous demandâmes un moment si nous le lui avions remis tant il avait mis de la souplesse d'un prestidigitateur à le faire disparaître...
Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 343. B.− P. euphém. [La disparition est envisagée comme définitive, irréversible] 1. [Le suj. désigne une pers. ou un groupe d'individus] Cesser d'exister, mourir. Dubois, puis le régent, disparurent en 1723, à quelques mois de distance (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 274): 7. Quand l'être que nous aimons disparaît, ce n'est pas lui qui meurt seulement, c'est ce monde habituel qui fane et qui perd pour nous saveur et sens...
Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 490. ♦ Faire disparaître qqn. Le tuer : 8. « Gaspard est mort, qu'ils me tuent s'ils veulent. Seulement c'est Pauline qu'ils feront disparaître d'abord à cause de mon testament... »
Pourrat, Gaspard des Montagnes,1925, p. 257. − En partic. Être considéré comme mort, bien que le décès ne soit pas attesté. Le père avait disparu pendant l'invasion prussienne (Goncourt, Journal,1872, p. 895). − P. anal. Disparaître de la scène. Se retirer du monde après y avoir joué un rôle actif : 9. − Nous avons trop vécu; les hommes de mon âge doivent vous faire place messieurs, c'est juste; nous devons disparaître de la scène, nous l'avons occupée trop longtemps.
Vigny, Journal d'un poète,1842, p. 1167. 2. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Être détruit, supprimé. Cette enveloppe scellée renferme des pièces qu'il a intérêt à voir disparaître (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 173). − Faire disparaître qqc. Effacer, supprimer, éliminer. [Mérodack] fit disparaître toutes les traces du crime (Péladan, Vice supr.,1884, p. 277).Je vous demande (...) de faire disparaître mon nom d'un pareil ouvrage (Claudel, Corresp.[avec Gide], 1914, p. 225). ♦ En partic. [Le suj. désigne un aliment] Avaler avec avidité, engloutir rapidement. Ils [les hommes d'équipage] ne laisseront pas un morceau et sauront faire disparaître aussi les dix-huit canards que nous avons tués aujourd'hui (Gide, Retour Tchad,1928, p. 877). 3. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Cesser d'être, se perdre. L'objection disparoît, et le bon sens a vaincu (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,1821, p. 28).Avec lui [Hucheloup] disparut le secret des carpes au gras (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 314).Selon une habitude qui tendait à disparaître, il posa [son chapeau] par terre à côté de lui (Proust, Guermantes 2,1921, p. 579). − En partic. [Le suj. désigne une maladie] Se dissiper, se résorber. Il se remit au lit, et bientôt ce malaise disparut (Chardonne, L'Épithal.,1921, p. 131). − P. hyperb. La gloire de Gautier, en train de disparaître sous la gloire de Flaubert (Goncourt, Journal,1886, p. 590). SYNT. Disparaître complètement, déjà, entièrement, de nouveau, progressivement, rapidement, totalement, tout à fait, sans retour, sans laisser de trace(s); disparaître dans la brume, dans un couloir, dans un nuage (de poussière), dans la nuit, dans l'obscurité, dans l'ombre, dans la poussière, dans les ténèbres, dans une trappe; disparaître de la terre; le sourire, le visage, la vision disparut; ces inconvénients disparaissent; s'atténuer, diminuer, s'effacer et/ou disparaître; finir par, tendre à disparaître. Rem. 1. L'auxil. utilisé dans la conjug. de disparaître est gén. avoir; on rencontre parfois l'auxil. être employé pour insister sur l'état. Je jure que le soleil est déjà disparu depuis une grande heure (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 86) ou même pour marquer l'action. Plusieurs agents d'affaires qui sont disparus furtivement de leur domicile (Vidocq, Voleurs, t. 1, 1836, p. 118). Il [Jean] était disparu avec la dernière tempête rude de l'hiver (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 203). 2. On rencontre ds la docum. disparaissant, ante, en emploi adj. Qui est en train ou sur le point de disparaître. Ces terminaisons roses, survivances disparaissantes de cette immense conque orange et feu (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 246). Cette apparition disparaissante (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 130). Prononc. et Orth. : [dispaʀ
ε:tʀ
̥], (je) disparais [dispaʀ
ε]. disparu [dispaʀy]. Enq. : /dispaʀes/ (ils) disparaissent. Ac. n'admet qu'en 1835 l'orth. -aître qui correspond à l'évolution à partir du lat. de [e] fermé libre en [œ] > [oε] > [uε] > [wε], diphtongue orthographiée -oi-, réduite dans un certain nombre de mots, dont disparaître, à [ε] dès 1300 dans le peuple de Paris (alors que dans beaucoup d'autres mots [wε] continue à évoluer en [wɑ] (cf. aboyer)). L'orth. en -ai- pour [ε] à la place de -oi- est proposée dès 1675 par Bérain et défendue par Voltaire (cf. Bourc.-Bourc. 1967, § 54, hist.). Ds les éd. de 1694 et 1718 Ac. écrit encore disparoistre; ds les éd. de 1740-1798, encore disparoître. Conjug. comme paraître. Prend l'accent circonflexe sur î devant t, ex. : disparaîtrai(s), disparaît. Étymol. et Hist. 1. 1509 pronom. « disparaître, ne plus être visible » (Lemaire de Belges, Les Illustrations de Gaule, I, 24 ds Hug.); 2. 1710 « être égaré ou dérobé (en parlant d'un objet) » (Rich.); 3. 1676 « se dissiper » (Sévigné, Lettres, éd. Régnier, 567, p. 18); 4. 1689 disparaître de « cesser d'être présent » (Racine, Esther, II, 1, 480 : aussitôt de la terre, ils disparurent tous); 1688 « cesser d'exister » (La Bruyère, Les Caractères d'apr. Littré). Dér. de paraître*; préf. dis- d'apr. le b. lat. disparere « disparaître » (d'où l'a. fr. disparoir 1170 St Edouard le confesseur, éd. H. R. Luard, 1814). Fréq. abs. littér. : 7 114 (disparaissant : 137). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 8 471, b) 12 026; xxes. : a) 11 810, b) 9 478. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 13. |