| DISLOCATION, subst. fém. Action de disloquer ou de se disloquer; résultat de cette action. A.− [En parlant du corps] 1. Vieilli. Luxation, déboîtement. Dislocation congénitale du genou. La dislocation de la clavicule cassée (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 571). − Spéc., MÉD. Dislocation articulaire. Destruction des éléments constituant l'articulation (d'apr. Lar. Méd. t. 1 1971). 2. Assouplissement extrême des articulations. Exercice de dislocation de la main pour le piano : allier la dislocation à l'équilibre. Des mouvements de bras d'une dislocation toute gracieuse (Goncourt, Journal,1880, p. 66). − Spéc. Mouvement des acrobates qui se disloquent. Des dislocations de clowns. L'homme commence un labeur de contorsionniste, une dislocation lente, serpentine (Colette, Music-hall.1913, p. 101). B.− [En parlant de choses] Fait de se défaire, de perdre son unité. La dislocation des maçonneries, des fondations; la dislocation d'une grue. − Au fig. : 1. La maladie et la mort ne sont qu'une dislocation ou une perturbation de ce mécanisme qui règle l'arrivée des excitants vitaux au contact des éléments organiques.
C. Bernard, Introd. à l'ét. de la méd. expérimentale,1865, p. 120. − Spéc., CRISTALLOGR. Défaut dans le réseau cristallin des solides. Ligne de dislocation (Nucl.1964). C.− P. ext. Éclatement, éparpillement, dissolution. 1. [En parlant de choses] La dislocation des glaces par les premières tempêtes. La dislocation de la coque d'un navire (cf. Croneau, Constr. nav. guerre,t. 2, 1892, p. 7). − LING. Opération qui rompt la linéarité d'une phrase en déplaçant un des éléments : 2. La dislocation ordinaire consiste à extraire un GN de sa place normale et à le déplacer, en laissant derrière lui un pronom anaphorique pour le représenter. C'est ce qui ressort (...) de la paire : (...) Jean a acheté ce livre hier. Jean l'a acheté hier, ce livre.
J. C. Milner,Arguments ling.,Tours, Mame,1973,p. 97. 2. Processus au cours duquel un ensemble se défait, se désagrège; son résultat. Dislocation du dispositif adverse; dislocation d'une communauté, d'un empire, d'une alliance. Les monarchies qui ont deux capitales tendent forcément à la dislocation (Renan, Hist. peuple Isr.,t. 3, 1891, p. 144).Une sorte d'agonie, déroulée le long des routes, dans la dislocation des services, des disciplines et des consciences (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 66). − Domaine abstr.Désunion, désagrégation. Dislocation de la pensée; dislocation de la vie privée. J'ai accompli mon œuvre de dislocation de la société en faisant voter ma loi sur le divorce (Barrès, Cahiers,t. 6, 1907-08, p. 305). D.− Séparation volontaire et/ou ordonnée d'un tout en ses éléments. 1. Vieilli. Fait de décomposer, de démonter. La vivisection est la dislocation de l'organisme vivant (C. Bernard, Introd. ét. méd. exp.,1865, p. 165). − Fait de se décomposer en éléments. Dislocation de la molécule protéinique en matières albuminoïdes (cf. Roussy dsNouv. Traité Méd.,fasc. 5, 2, 1929, p. 374). 2. Domaine milit. a) Répartition d'une armée entre différentes garnisons après la fin des combats. Je ne saurais dire si ce jour-là même l'ordonnance de la dislocation de l'armée n'était pas arrivée de Bourges (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 464). b) Dispersion des soldats à la fin d'une manœuvre ou d'une action. Je commande : en place, repos, dislocation (Barrès, Cahiers,t. 9, 1911-12, p. 289). 3. Usuel. Dispersion, séparation des membres d'un groupe. La dislocation d'un cortège, d'une manifestation; ordre de dislocation. Ils partent ce soir, avant la dislocation de la noce (Renard, Nos frères far.,1910, p. 88). Prononc. et Orth. : [dislɔkasjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1314 chir. « luxation » (H. de Mondeville, Chirurgie, 7 ds T.-L.); 2. 1576 fig. « séparation des diverses parties d'un tout » (Montaigne, Apologie de Raimond Sebond, éd. Thibaudet, II, XII, p. 639); 3. 1851 géol. (Cournot, Fond. connaiss., p. 89). Empr. au lat. méd. médiév.dislocatio, -onis « luxation » ca 1250; « cassure » ca 1361 d'apr. Latham (b. lat. méd. delocatio). Fréq. abs. littér. : 87. |