| DIGNE, adj. A.− [Suivi d'un compl. prép. ou conjonctionnel] 1. Qui mérite (quelque chose). a) [Dans un sens favorable] Digne d'éloge(s); témoin digne de foi; chose digne de remarque. Tous ceux qui ont combattu courageusement dans une bataille sont dignes de louanges (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 1, 1821, p. 172).Des noms dignes de mémoire (Barrès, Colline insp.,1913, p. 82).Elle était un peu grisée, par la conversation, par le plaisir que lui donnait cet échange de paroles avec un homme qu'elle jugeait digne d'attention (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 153): 1. Rien, selon lui [Gide], ne peut, dans les troubles années de l'adolescence, remplacer l'influence bienfaisante d'une liaison à la fois charnelle, intellectuelle et morale, avec un aîné digne de confiance et d'amour.
Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1400. − [Suivi d'un inf.] C'était cette grandeur et cette beauté unies qu'il fallait comprendre pour être digne de gouverner ce pays (Maurois, Disraëli,1927, p. 109). − [Suivi de que + subj.] Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison, mais dites une seule parole, et tout ce qui existe va être transformé, pour moi, en souverain pontife (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 118). b) [Dans un sens défavorable] Un vol, le plus odieux et le plus digne de châtiment, le vol de l'honneur d'une femme (Musset, Quenouille Barb.,1840, II, 5, p. 315): 2. Tantôt nous sommes le seul grand homme, le seul intelligent, le seul génie et le seul artiste de la presse contemporaine, et tantôt nous ne sommes plus qu'un vil monsieur, un drôle innommable, digne du bagne tout au plus.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2. Une Lettre, 1885, p. 579. 2. Qui est en conformité (avec quelqu'un, quelque chose). Être digne de son père. Jamais je n'ai été plus digne de la foi que je professe qu'au moment où je semblais la démentir (Michelet, Journal,1850, p. 119).Je dis que parmi les artistes dignes de ce nom il n'est pas un seul qui fasse cas de M. Georges Ohnet (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 338). − P. invers. (souvent péj.). Être le digne fils de son père : 3. Le peintre ici [G. Braque], digne héritier de Debussy et de Mallarmé, professe une horreur profonde pour tout accent banal et lourd.
Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 159. B.− Employé absol. 1. En antéposition, vieilli ou littér. Qui mérite l'estime. Loin de moi cette franchise barbare, qui soulageoit mon cœur aux dépens de mon digne époux! (Cottin, C. d'Albe,1799, p. 163).Le jeune et digne prêtre qui l'avait recueilli lui parlait de je ne sais quelle imposante cérémonie où le nouveau néophyte devait jouer le principal rôle (Sue, Atar Gull,1831, p. 37): 4. Kerbelay-Houssein, vous êtes un digne homme, répliqua Valerio; je vous écoute avec toute attention et une confiance entière.
Gobineau, Nouv. asiatiques,La Vie de voyage, 1876, p. 307. 2. Qui a de la dignité, du respect de soi-même dans son comportement ou qui affecte d'en avoir. Personne digne, manières dignes : 5. Elle semblait digne et grave, comme un pape; mais sous cape, elle se moquait de Christophe.
Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 611. − Emploi subst. masc., rare. Personne qui fait preuve de dignité dans son comportement. Cf. compétition, ex. 1. − P. iron. L'outrage appelle la majesté. Dans la rue les plus dignes sont ceux qui viennent de glisser sur du crottin (Giraudoux, Électre,1937, II, 6, p. 166): 6. Seul Sulphart, par dignité, était resté à l'écart, juché sur un tonneau, où il épluchait des patates, avec l'air digne et absorbé qu'il prenait pour accomplir les actes les plus simples de l'existence.
Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 8. Prononc. et Orth. : [diɳ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 « qui mérite » digne de (Alexis, éd. Ch. Storey, 173 : Ed il est dignes d'entrer en paradis); 2. ca 1240 emploi abs. (Mort Aymeri, éd. J. Couraye du Parc, 3123 : son chief digne); 3. 1560-61 « qui est en accord avec quelque chose ou quelqu'un » (Grévin, Gelodacrye, éd. L. Pinvert, p. 327); 4. 1807 « grave, réservé (aspect, attitude, ton) » (Mmede Staël, Corinne, XIV, 1 ds Littré). Empr. au lat. class.dignus « digne de, qui mérite (quelque chose); méritant, digne ». Fréq. abs. littér. : 6 353. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 14 227, b) 9 954; xxes. : a) 6 552, b) 5 602. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, pp. 209-210. |