| DIALOGUER, verbe intrans. A.− Communiquer en manière de dialogue avec quelqu'un, le plus souvent verbalement. Deux personnes participant au même monde d'idées, familières l'une à l'autre, dialoguent un peu comme un homme délibère avec lui-même ou consulte sa propre mémoire (Ruyer, Cybern.,1954, p. 133). − Fam. Converser. On dialoguait, là-haut, au-dessus de ma tête... on se faisait des politesses (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 67): 1. Le samedi et le dimanche, ces messieurs (les « barbeaux ») emplissent la moitié de notre Empyrée-Clichy. Ce sont des fidèles, des passionnés, qui dialoguent avec les artistes...
Colette, La Vagabonde,1910, p. 63. − P. anal. et au fig. Dialoguer avec la matière, la nature. Sur les plus hauts sommets les corneilles perchées dialoguaient de loin par leur croassement (Pommier, Océanides,1839, p. 107).La démarche de gens qui viennent de dialoguer avec les bouteilles (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 34): 2. Qu'est-ce que s'interroger ou questionner l'inconnu? C'est dialoguer avec son ombre, et l'ombre peut-elle savoir ce qu'ignore le malheureux qui la projette?
Maeterlinck, L'Ombre des ailes,1936, p. 7. − Dans le vocab. pol. et syndical. Confronter deux ou plusieurs points de vue sur un sujet. Synon. discuter, négocier.Si des préfets délégués étaient institués, leur crédit local eut été diminué de ne pas dialoguer avec une assemblée élue correspondant à leur circonscription d'action (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 413). B.− [P. méton. du subst. implicité] 1. [Dans une œuvre littér., théâtrale] Parler en dialogue. Les personnages de Molière dialoguent avec beaucoup de naturel (Ac.) : 3. Le théâtre, comme la parole, a besoin qu'on le laisse libre. Cette obstination, à faire dialoguer des personnages, sur des sentiments, des passions, des appétits et des impulsions d'ordre strictement psychologique, où un mot supplée à d'innombrables mimiques, puisque nous sommes dans le domaine de la précision, cette obstination est cause que le théâtre a perdu sa véritable raison d'être, et qu'on en est à souhaiter un silence, où nous pourrions mieux écouter la vie.
Artaud, Le Théâtre et son double,1938, p. 142. − Rare, vieilli, trans. Dialoguer une pièce, une scène; dialoguer une nouvelle, un roman pour le cinéma, la télévision (cf. dialoguiste) : 4. M. Scribe continue à produire, sans que cette facilité surprenante, qui est la plus grande partie de son talent, en éprouve la moindre lassitude. Hier il versifiait un opéra, aujourd'hui, il dialogue une comédie le tout sans effort...
Sainte-Beuve, Premiers lundis,1869, p. 6. ♦ Emploi abs. Doué d'une facilité prodigieuse pour rimer et dialoguer, il [Hardy] s'engagea jeune encore, en qualité de poète, dans la troupe de comédiens que nous avons vue s'établir à Paris, et pendant trente ans il défraya, par ses huit cents pièces, la curiosité publique (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 243). 2. [Dans une œuvre musicale] Chanter ou jouer en alternance. Faire dialoguer deux voix, deux instruments. Les violons dialoguent comme deux groupes de pleureurs (Pirro, Bach,1919, p. 113): 5. ... les deux chœurs, dialoguant fréquemment sont en outre coupés à chaque instant par des solos récitants...
H. Berlioz, Souvenirs de voyage,1869, p. 120. Rem. On rencontre ds la docum. le part. prés. et adj. dialoguant, ante. a) [En parlant d'une pers., de sa nature ou de sa manière d'être]. Qui se prête au dialogue. Cette souveraineté du monologue [chez Hugo] est d'autant plus frappante qu'elle est juxtaposée sans s'y mêler à une personnalité commune et dialoguante (Thibaudet, Hist. litt. fr., 1936, p. 154). b) Dans le vocab. syndical ou pol. Qui manifeste un intérêt coopératif à une cause ou à un sujet. Prononc. et Orth. : [djalɔge], (je) dialogue [djalɔg]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1717 « écrire sous forme de dialogue » ici, au part. passé (Mercure de France ds DG); 1763 « converser avec un interlocuteur » (Marmontel, Poétique fr., t. 2, p. 94). Dér. de dialogue*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 64. |