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DANGEREUX, EUSE, adj.
A.− [En parlant de choses abstr. ou concr.]
1. Qui constitue ou présente quelque danger pour la tranquillité, la réputation ou l'existence même d'une personne. Une substance dangereuse, des liaisons dangereuses. Il aborde avec prudence les carrefours dangereux (Romains, Hommes b. vol.,1932, p. 182):
1. Elle aimait avec d'autant plus de passion qu'elle aimait avec ignorance. Elle ne savait pas si cela est bon ou mauvais, utile ou dangereux, nécessaire ou mortel, éternel ou passager, permis ou prohibé; elle aimait. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 94.
SYNT. Un endroit, un moment, un état dangereux; une arme, une vie, une pente dangereuse.
− Dangereux à + inf.− Ne touchez pas à cela, mon ami, dit vivement le comte, quelques-unes de ces liqueurs sont dangereuses, non seulement à boire, mais même à respirer (Dumas père, Comte Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 698).
2. Spéc. [En parlant de certaines idées ou d'œuvres, d'actions, produits de ces idées] Qui met en danger les mœurs, l'ordre établi, ou simplement un certain ordre (social) qu'on a en vue. Un livre, un écrit, des esprits dangereux; des lectures dangereuses. Des idées en tête quand on a les fers aux pieds, ce n'est pas dangereux (Aymé, Vogue,1944, p. 14).
B.− [En parlant d'une pers.]
1. Qui présente quelque danger pour la sécurité d'autres personnes. [P. affaiblissement de sens] À qui on ne peut se fier. MmePopesco est une bien dangereuse interprète, capable d'abuser auteur et public sur la valeur du texte qu'on lui confie (Colette, Jumelle,1938, p. 26):
2. Une femme qui est « notre genre » est rarement dangereuse, car elle ne veut pas de nous, nous contente, nous quitte vite, ne s'installe pas dans notre vie... Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 1022.
− En partic., dans le domaine de l'amour. C'est une coquette fort dangereuse; c'est un dangereux séducteur (Ac.). L'oncle Bachelard était un homme réputé dangereux. Son neveu, au contraire, était chaste (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 46).
2. Spéc. Qui peut nuire, causer du tort au plan des mœurs, de l'ordre social établi. Des esprits dangereux. Personne n'aurait songé à les trouver dangereux, ils travaillaient moins à détruire le présent qu'à définir un avenir terriblement contingent (Nizan, Conspir.,1938, p. 46):
3. Il [Prospero] est d'ailleurs l'ennemi mortel de votre altesse. C'est un homme dangereux, un adversaire de l'ordre établi. Permettez-nous de le mettre dans les prisons de l'inquisition. Il n'y pourra plus nuire. Renan, Drames philos.,Caliban, 1878, V, 1, p. 431.
3. Pop., emploi subst. masc. Homme dangereux. Je les avais crus des minables; c'étaient des vrais dangereux (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 140).
Rem. On rencontre ds la docum. la constr. dangereux à (qqc. ou qqn), en parlant d'une pers. ou d'une chose, vx ou littér. Dangereux pour. Les combats, Peu dangereux aux chefs, ne le sont qu'aux soldats (Ponsard, Lucrèce, 1843, IV, 1, p. 68). Veiller à l'étouffement de l'esprit dangereux à l'état (Rolland, Beeth., t. 2, 1928, p. 590). L'homme est un animal dangereux à lui-même (Alain, Propos, 1931, p. 1019). Cf. Bonn.-Leis. 1970 et Dupré 1972.
Prononc. et Orth. : [dɑ ̃ ʒ ʀø], fém. [-ø:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Début xiiies. « faible (?); qui agit inconsidérément (?) » (Reclus de Molliens, Carité, CCXXIII, 4 ds T.-L.). Dér. de danger*; suff. -eux, euse* (cf. 1060 lat. médiév. Dangerosa surnom de femme, Cant. St Victor du Mans, 11 ds M. Bambeck, Mél. Wartburg, t. 2, 1968, p. 218). Fréq. abs. littér. : 4 143. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 443, b) 5 017; xxes. : a) 5 498, b) 6 126. Bbg. Bambeck (M.). Mittellateinische Lexicalia zum FEW. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, p. 218. − Gottsch. Redens. 1930, p. 351.