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DÉVELOPPEMENT, subst. masc.
I.− Domaine de la vie cour.
A.− [En parlant d'obj. concr.] Action de développer, de se développer; état qui en résulte.
1. Vieilli, rare. Action d'ôter ce qui enveloppe. Développement d'un colis (Dub.). Synon. déballage.
2. P. ext. Action de dérouler, d'étendre. Développement d'un rouleau de tissu, d'un parchemin. Synon. déploiement, déroulement.
3. P. anal. (dans une description). Vers le milieu de son développement, à cent quatre-vingts marches d'élévation, cet escalier passait du côté méridional d'une vaste cour (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 311).
Spéc. Action de tendre dans toute sa largeur, son envergure.
a) Développement d'une armée. Synon. déploiement (mouvement stratégique).
b) Développements gymnastiques. Tout d'abord, ce n'était que des développements gymnastiques, des extensions de bras, des ploiements de jambes (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p. 67).
c) État de ce qui est très vaste, très étendu (en largeur, en espace). Un nouveau désert s'ouvrit alors, l'Aguerguer, c'est-à-dire un immense développement de cailloux blancs et de sable blanc, parsemé de dômes de sable étincelants (Psichari, Voy. centur.,1914, p. 132).Entre le sentier et le ruisseau, un grand développement de fraises des bois (Larbaud, Journal,1934, p. 304).
4. Emplois techn.
a) GÉOM., ARCHIT. Développement d'un solide sur un plan. Synon. projection.Hélice, spires, développement de liaisons angulaires dans l'espace (Valéry, Variété V,1944, p. 14).
b) CYCLISME. Développement d'une bicyclette. Distance parcourue en un tour de pédale.
c) PHOT., cour. Développement d'un cliché, d'une pellicule, d'une photo; développement et tirage. Avoir assisté au développement immédiat des photographies reçues par T.S.F. (Morand, Londres,1933, p. 275).
B.− Au fig.
1. Rare, vieilli. [En parlant d'une pers.] Action de montrer, de manifester. Un développement de forces, de ressources. Synon. déploiement :
1. ... il (...) son dessein d'infliger quelques jours d'arrêts de rigueur à l'officier français qui s'était rendu coupable de ces peccadilles. On sait l'enthousiasme des députés devant un tel développement d'énergie. Clemenceau,Vers la réparation,1899,p. 90.
2. [En parlant d'une réalité abstr., principalement d'un produit de la pensée, du contenu du discours] Action de traiter une question en profondeur ou de l'exposer de manière détaillée, oralement ou par écrit; son résultat. Un long développement; des développements inutiles, superflus. Entrer dans les développements (Ac. 1878-1932). Cela demanderait, mériterait de grands développements. Synon. chapitre, exposé, traité, détail.Je pense au développement qu'un écrivain de génie pourrait donner à l'idée banale que voici... (Bloy, Journal,1894, p. 160).
a) [Développement empl. comme compl. déterminatif] Matière à développement. « L'homme pense sa parole avant de parler sa pensée. » Beau sujet de développement (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 439).
Développement de + subst. abstr.Développement d'un thème, d'une théorie, d'un projet. Je retrouve justement dans Mmede Staël le développement de mon idée sur la peinture (Delacroix, Journal,1824, p. 50).Le lyrisme est le développement d'une exclamation (Valéry, Tel quel I,1941, p. 146).
Développements + de + subst.Je crois que les hasards d'une causerie familière sont moins dangereux pour mon sujet que les développements logiques d'une étude écrite (France, Livre ami,1885, p. 293).Donner, faire des développements à + subst.On fait lecture d'une lettre par laquelle les ministres du roi demandent qu'il soit fait quelques développements à l'arrêté du 18 novembre (Le Moniteur,1789, p. 222).Il donnait à sa thèse des développements tour à tour ardus et comiques (France, Jocaste,1879, p. 38).
b) Emploi abs. Quel regret de n'avoir pas eu le temps de rédiger l'œuvre, avec les développements nécessaires! Mais voici mes notes complètes, classées (Zola, Argent,1891, p. 421):
2. ... quand il [Olivier] était profond, elle [Mmede Guilleroy] tâchait de le suivre en ses développements, sans y parvenir toujours, et lorsqu'elle pensait à autre chose, elle semblait l'écouter avec des airs d'avoir si bien compris (...) qu'il s'exaltait à la regarder l'entendre, ému d'avoir découvert une âme fine, ouverte et docile, en qui la pensée tombait comme une graine. Maupassant, Fort comme la mort,1889, p. 30.
α) En partic., péj. Synon. longueurs; détails superflus, inutiles.Le livre [American note-books de Hawthorne] est plein de petites phrases de ce genre, sans développements, sans bavardage, paroles d'un homme taciturne, rêveur, secret (Green, Journal,1944, p. 149).
β) Spécialement
ALG. Développement d'une fonction (en série), d'une série, d'une expression algébrique. Action de développer (cf. développer I B 2b, en partic.).
LITT. Action, fait de développer. Le développement. Le style abondant, prolixe. L'alexandrinisme, avec son cri de guerre contre le développement, sa vénération du court et de l'exquis (Benda, Fr. byz.,1945, p. 164).
Résultat de cette action. Une certaine manière en relief, forte, pesante, abondante convient à ces grandes fresques qu'est un développement de Balzac (Barrès, Cahiers,t. 10, 1913, p. 65).
[Dans une dissertation littér.] Développement. Partie qui suit l'introduction et précède la conclusion, et qui traite en profondeur la question proposée par le sujet. Anton. plan, introduction, conclusion.Il me proposait chaque jour un sujet nouveau, dont j'avais seulement à établir le plan (...) cela fait, j'étais dispensé de tout développement (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. XLVI):
3. ... Si j'avais été Gisèle, je ne me serais pas laissée emballer et j'aurais commencé par écrire sur une feuille à part mon plan. En première ligne, la position de la question et l'exposition du sujet; puis les idées générales à faire entrer dans le développement; enfin, l'appréciation, le style, la conclusion. Proust,À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918,p. 913.
Exposé long et détaillé. Là-dessus il [M. Nisard] fait sur ce caractère de l'homme de talent quatre à cinq longues pages spirituelles (...) un morceau à effet, à illusions, tout en hors-d'œuvre, un développement, comme on dit dans l'école (Sainte-Beuve, Portr. contemp.,t. 3, 1846-69, p. 346).
Déduction logique, conclusion. Le développement logique de ces prémisses (Bremond, Hist. sent. relig.,1921, p. 641).
Le développement d'une action. Synon. déroulement.
THÉÂTRE. [En parlant d'action dramatique] Développement de l'action, d'une intrigue. La stratégie est le développement d'une action et la comédie d'un caractère (Stendhal, Journal,1801-05, p. 97).Une histoire d'amour ne peut avoir son plein développement qu'en quatre actes (Renard, Journal,1902, p. 764).
MUS. Exposition détaillée d'un sujet, d'un motif initial, repris et modifié. Développement d'un thème; développement de sonate, de symphonie; développement beethovenien (v. ce mot, ex. 2).Anton. exposition, thème, sujet, reprise, fin.Elle [une religieuse] lui donna [au Magnificat] de riches, de gracieux développements, dont les différents rythmes accusaient une gaieté humaine (Balzac, Langeais,1834, p. 202).
C.− [En parlant d'êtres vivants, êtres hum., espèces animales ou végétales] Action de se développer organiquement, de croître; son résultat. Youpa-la, appareil pour le développement physique des enfants (Catal. jouets [Bon Marché], 1936) :
4. ... nous sommes donc amenés à la considérer [l'action] comme un germe vivant, qui, doué d'une puissance évolutive, a, dès qu'il est conçu et planté dans l'organisme humain, une croissance naturelle, un développement interne, et pour ainsi dire des fonctions de nutrition, de relation et de reproduction. C'est de cette germination qu'il faut désormais suivre le progrès organique. Blondel, L'Action,1893, p. 142.
SYNT. Développement de l'embryon, du corps, d'une plante; développement complet, lent, rapide, précoce; phases, stades du développement; être arrêté, gêné dans son développement; arrivé à son plein développement.
1. [En parlant de l'homme] Développement complet, intégral de l'homme; développement harmonieux de l'homme complet. Exercice de toutes ses capacités; maturité humaine dans tous les domaines. Croyance passionnée à la bonté des choses (...) réconciliation de la matière et de l'esprit; développement harmonieux de l'homme complet, l'exercice de ses facultés supérieures suffisant à tempérer et à purifier les instincts de la chair (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 133):
5. L'idéal pour moi (...) c'est mêler du grand aux plus humbles choses terrestres; c'est faire grand tout ce qu'on fait; c'est le développement complet de tout ce que le souffle créateur a mis en nous comme facultés divines. Martin du Gard, Les Thibault,Le Cahier gris, 1922, p. 622.
Développement physique, du corps. Croissance organique naturelle, évolution physique, de la naissance à la maturité, en passant par les stades de l'enfance et de l'adolescence avec toutes les modifications physiques, psychiques, etc. qui l'accompagnent. Ces cris de l'enfance, unis aux sons de voix graves (...) qui comprennent (...) la vie humaine avec tous ses développements (Balzac, Ferragus,1883, p. 133).Par la connaissance des hormones, ne sommes-nous pas à la veille de mettre la main sur le développement de notre corps,− et du cerveau lui-même? (Teilhard de Ch., Phénom. humain,1955, p. 277):
6. L'enfance et l'adolescence durent environ dix-huit ans. La maturité et la vieillesse, cinquante ou soixante ans. L'homme passe par une brève période de développement, et une longue période d'achèvement et de déclin. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 220.
[En parlant de l'être humain dans sa vie prénatale] Formation, évolution de l'embryon, croissance intra-utérine, de la fécondation du germe à la naissance de l'enfant. Connaître la formation de l'embryon, puis le développement du fœtus, à chaque jour de sa vie intra-utérine (Zola, Dr Pascal,1893, p. 37):
7. Nous estimons qu'il y a continuité ininterrompue entre l'évolution de l'embryon et celle de l'organisme complet. La poussée en vertu de laquelle l'être vivant grandit, se développe et vieillit, est celle même qui lui a fait traverser les phases de la vie embryonnaire. Le développement de l'embryon est un perpétuel changement de forme. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 18.
[En parlant d'une partie du corps, d'un organe] Le développement du crâne [de César, dans le buste de Naples] est prodigieux (Mérimée, Conjur. Catilina,1844, p. 262).La beauté du corps est faite du développement harmonieux de tous les muscles et de toutes les parties du squelette (Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935p. 73).
2. [En parlant d'un être vivant autre que l'homme] Un sanglier arrivé à son développement est un dominateur, un guerrier (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 2).
3. [En parlant du monde vivant en gén.] Développement des espèces. Synon. évolution, transformation.Car enfin la terre n'est plus simplement une sorte de grand corps qui respire (...) elle a dû commencer, à quelque moment; elle passe par une suite liée d'équilibres mouvants; elle tend vraisemblablement vers quelque état final. Elle a une naissance, un développement, et sans doute une mort en avant (Teilhard de Ch., Phénom. humain,1955, p. 105).
[En parlant de germes] Les vieux cliniciens pensaient même que les longs chagrins, l'inquiétude persistante, préparent le développement du cancer (Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935p. 171).
4. P. anal. [En parlant des facultés innées de l'homme, notamment de ses facultés supérieures, puissances de l'intelligence, du cœur, de la volonté] Action de changer, d'évoluer, de progresser; son résultat; évolution de l'homme vers l'épanouissement de ses aptitudes et de sa personnalité. Développement humain, intégral, intellectuel, moral, psychologique, de l'esprit, de l'intelligence, des facultés humaines, de la personnalité. Synon. évolution, maturation, progrès, épanouissement.Tous les exercices doivent aider au développement des facultés de l'enfant, sans fatigue, sans contrainte (Frapié, Maternelle,1904, p. 106):
8. Les grandes familles ramifiées, par les réunions fréquentes, les vacances en commun, les échanges de séjours entre les enfants, favorisent un développement précoce de la sociabilité. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 105.
5. P. ext. [En parlant des aspects collectifs de la vie hum.; le compl. déterminatif est un subst. abstr.] Action de prendre de l'ampleur, de l'importance, de la qualité; d'accroître, de multiplier et d'améliorer (quelque chose); action de se développer ou de développer. Synon. essor, expansion, extension, progrès; anton. stagnation, régression, ralentissement.Le désir de connaître la nature a eu sur le développement des mathématiques l'influence la plus constante et la plus heureuse (Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 147).
II.− Domaine de l'écon.
A.− [Avec l'idée de modernisation]
1. ,,Amélioration quantitative et qualitative de la situation d'une unité économique. Le développement d'une entreprise`` (Tézenas 1972). Développement technologique; être en plein développement :
9. Sache toutefois que cette entreprise de mon père, pour atteindre un développement convenable, exige une mise de fonds non médiocre, dix ou douze milliers de francs pour le moins. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 71.
2. [En parlant d'un pays en cours d'industrialisation] Nation, pays, région en voie de développement. Nation, etc. dont le niveau économique est inférieur à celui des pays industrialisés du monde occidental. Synon. vx sous-développé; synon. mod. du Tiers Monde, démuni, pauvre; anton. développé, industrialisé, nanti, riche, à économie avancée.Les ressources conventionnelles ne pourront longtemps suffire à satisfaire à la fois aux besoins sans cesse croissants des pays industrialisés et à la transformation des pays en voie de développement (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 10).
Emploi abs. Aide au développement. Par opposition à la croissance quasi mécanique d'un produit traité comme une chose, le développement est une relation d'hommes à hommes (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 255):
10. L'économiste, à qui l'on demande : « Qu'est-ce que le développement? » doit, à mon sens, répondre : le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global. Perroux, Écon. XXes.,1964p. 155.
B.− [Avec influence du concept américain de « development », en parlant d'un produit industriel] Mise au point industrielle d'un produit, phase précédant celle de la commercialisation et faisant suite à celle de la découverte de celui-ci (d'apr. Tézenas 1972). ,,Étude et développement d'un matériel d'armement`` (Rob. Suppl.1970).Recherche de développement, synon. recherche industrielle (cf. appliqué II A).
Rem. Plutôt que développer, le verbe trans. corresp. est, pour cet emploi spéc., « mettre au point en vue de la vente » (cf. Sournia Méd. 1974); mais quoique adapté de l'américain, le sens B se présente dans la conscience ling. fr. (cf. Actual. terminol. 1972, t. 5, no8, p. 4) comme une ext. et une spécialisation du sens gén. du subst. usuel, appliqué à une phase plus évoluée de l'élaboration d'un produit industriel.
Prononc. et Orth. : [devlɔpmɑ ̃]. Ds Ac. 1762-1932. Pour [ε] ouvert à l'initiale ds DG, cf. développer. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xives. [ms.] desvelopemens « action de déplier ce qui était enroulé sur soi-même » (Rec. gén. des lex. fr. du moy. âge, éd. M. Roques, t. 2, 10488); b) 1694 archit. (Corneille); c) 1754 alg., géom. (Encyclop. t. 4); d) 1797 « distance parcourue » (Voy. La Pérouse, t. 3, p. 110); 1900 d'une bicyclette (Nouv. Lar. ill.); 2. a) 1754 « action de se développer, de croître » (Bonnet, Essai de psychol., p. 61); b) 1754 au fig. « action d'évoluer » (Id., ibid., p. 143); 3. a) 1789 « exposition détaillée d'un sujet » (Le Moniteur, t. 2, p. 485); b) 1862 mus. (Berlioz, À travers chants, p. 20); c) 1890 phot. (DG). Dér. du rad. de développer*; suff. -ment1*. Fréq. abs. littér. : 4 413. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 348, b) 4 270; xxes. : a) 5 258, b) 7 900. Bbg. André (P.). Le Vocab. du violoniste. I. Vie Lang. 1972, p. 685. − Chevry (G.R.). Nouv. développements sur le développement. Déf. Lang. fr. 1966, no33, pp. 37-39. − Giraud (J.), Pamart (P.), Riverain (J.). Mots ds le vent. Vie Lang. 1970, pp. 96-97. − Quem. 2es. t. 1 1970.