| DÉSOSSER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. [L'obj. désigne une viande de boucherie] a) Enlever l'os ou les os de. Désosser une volaille, une dinde, un lièvre. Ayez deux bécasses, désossez-les et videz-les (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 346).Le seigneur Garum n'a pas son pareil pour saigner la chair, la désosser, la découper (France, Barbe Bleue, Mir. Gd St Nic., 1909, p. 70): 1. Une boucherie aussi, une espèce d'usine à saucisses où on débitait des bêtes mal reconnaissables qui pouvaient être des moutons ou de grands chiens. On les désossait, les malaxait, les broyait dans une espèce de pressoir.
Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 246. ♦ Emploi abs. Roxane. − Mais il faut qu'on serve et découpe, et désosse! (Rostand, Cyrano,1898, IV, 6, p. 175).Il avait accompli sa fonction ici-bas qui était de trancher, d'ouvrir, de réséquer, de désosser et d'éventrer (L. Daudet, Dev. douleur,1931, p. 66). − P. anal. [L'obj. désigne un poisson] Enlever l'arête ou les arêtes de. Désosser une morue. Désossez le poisson, remplissez-le de farce et cousez-le (Gdes heures cuis. fr., F. Point, 1955, p. 204). − Arg. pop. [P. allus. au sens culin.] Rosser, rouer de coups (quelqu'un). Rappliquez un peu par ici, que je vous désosse! (Zola, Assommoir,1877, p. 790). b) Fam. Désarticuler. Il (...) se désossait les doigts avec des craquements sinistres (Feuillet, Pte ctesse,1856, p. 62-63). 2. Au fig., fam. a) [L'obj. désigne un ouvrage de l'esprit] Décomposer, analyser minutieusement, en détail. Désosser un texte, une phrase, un discours. Synon. disséquer, décortiquer (fam.).Le Nachette du « Scandale », ce farceur qui désossait la langue française (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 236): 2. On a fait davantage que de toucher au vers. On l'a tripoté, trituré, désossé. On a oublié qu'il était (...) un organisme au lieu d'une physionomie.
Cocteau, Poésie critique 2,Monologues, 1960, p. 206. b) Enlever toute charpente, toute rigidité à. Les noms propres sont désossés de leurs consonnes (Péladan, Vice supr.,1884, p. 102): 3. Il me semble (...) qu'une société, qui ne voit pas de milieu entre l'absence d'idées morales et une religion qu'elle a préalablement désossée pour se la rendre plus acceptable, qu'une telle société, dis-je, est loin des sentiments vrais et grands de l'humanité.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 78. B.− Emploi pronom. à sens passif ou réfl. 1. Sens passif. Être désossé. Cette volaille se désosse facilement (Littré). 2. Sens réfl., fam. a) Se désarticuler. Ses gambilles se désossaient, disait-il, en se tapotant les jambes (Huysmans, Marthe,1876, p. 56). b) Faire des mouvements souples, agiles, comme s'il n'y avait plus d'os. Je me désossais comme un putois! Je me précipitais à toutes pompes à travers des fondrières (Céline, Mort à crédit,1936, p. 460): 4. À Plougastel, nous avions trouvé le bruit d'une fête de village, des chevaux de bois, une naine, une géante, la Famille Mouton qui se désosse, et des jeux et des cabarets.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 287. Prononc. et Orth. : [dezɔse], (je) désosse [dezɔs]. Enq. : /dezos, (D)/ (il) désosse. Ds Ac. dep. 1694. Passy 1914 et, avant lui, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Fél. 1851, Littré, DG, réclament un [o] ,,long, surtout devant l'e muet`` (Fér. Crit., qui écrit, en conséquence, désôsser). L'hypothèse d'une stratification chronol., suggérée par ce qui précède, est infirmée par l'indication d'un [o] ds Fouché Prononc. 1959, p. 52. Étymol. et Hist. [Ca 1350 desosser (d'apr. FEW t. 7, p. 429 a)]; xves. desoissier (Catholicon, ms. Lille, 369, éd. Scheler, p. 61). Dér. de os*; préf. dé(s)-*; dés. -er avec redoublement de s. Fréq. abs. littér. : 15. |