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DÉRACINER, verbe trans.
A.−
1. [L'obj. désigne un arbre ou une plante] Arracher de terre avec ses racines. Il [Roland] dit, et déracine un chêne. Sire Olivier arrache un orme dans la plaine (Hugo, Légende,t. 1, 1859, p. 172).J'aimais beaucoup la terre, et je déracinais les fleurs pour les replanter (Schwob, Monelle,1894, p. 137).
P. métaph., en emploi pronom. réciproque. Poitrine contre poitrine, front contre front, ils [les deux lutteurs] cherchaient à se déraciner de terre réciproquement, les deux « vigoureux », inflexibles comme des rouvres (Claudel, Ompdrailles,1879, p. 14).
2. P. ext. [L'obj. désigne une chose qui tient fortement au sol] Arracher. On ne peut entamer les tours bâties en ciment romain, et les cheminées furent impossibles à déraciner. Elles sont encore debout (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 280):
1. La ville va bouger, ce matin. Elle va s'arracher à la terre, Déraciner ses fondations, Les dépêtrer de la glaise grasse... Romains, La Vie unanime,Dieu, la ville, 1908, p. 86.
P. anal. [L'obj. désigne qqc. qui tient fortement à sa base, parfois par des « racines »] Le navire, arraché aux vagues, avait été en quelque sorte déraciné de l'eau par l'ouragan (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 244).Déraciner un cor, une dent, une verrue (Ac.1878).
B.− P. métaph. ou au fig.
1. [L'idée dominante est celle d'arrachement de la base]
a) [L'obj. désigne un souvenir] Arracher (du cœur) :
2. J'accompagnai Colomb (...) portant toujours en moi cette mystérieuse souffrance, ce souvenir déchirant que ni fatigues ni aventures n'avaient pu déraciner de mon cœur. Dumas père, Le Gentilhomme de la montagne,1861, 1, 2, p. 22.
b) [L'obj. désigne une pers., sa vie] Arracher quelqu'un à sa terre natale, à son milieu d'origine; p. ext., à tout ce à quoi il tient par des liens étroits :
3. Déraciner ces enfants, les détacher du sol et du groupe social où tout les relie, pour les placer hors de leurs préjugés dans la raison abstraite, comment cela le [Bouteiller] gênerait-il, lui qui n'a pas de sol, ni de société, ni, pense-t-il, de préjugés? Barrès, Les Déracinés,1897, p. 21.
Emploi pronom. (cf. Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 106).
2. [L'idée dominante est celle de mort, de destruction, conséquence de l'arrachement]
a) [L'obj. désigne des institutions, des systèmes pol.] Supprimer totalement :
4. ... elle [la bourgeoisie révolutionnaire] voulait en finir avec le régime féodal et nobiliaire. Elle voulait le déraciner si bien qu'aucun rejeton n'en pût rejaillir un jour comme par surprise. Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. 221.
b) [L'obj. désigne des pers.] Faire disparaître brutalement :
5. Les jérémiades éloquentes de ce vieux paysan attaché au sol par toutes ses fibres et que la mort allait déraciner n'étaient point faites pour émouvoir Barnabé... F. Fabre, Barnabé,1875, p. 347.
c) [L'obj. désigne des préjugés, des mauvaises habitudes, etc.] Supprimer radicalement, faire disparaître :
6. Déracinez donc, si vous le pouvez, de telles idées [les privilèges] inhérentes à un régime, sans détruire ce régime de fond en comble! Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11, 1863-69, p. 153.
Rem. On rencontre ds la docum. déracinant, ante, adj., p. métaph. Qui arrache; qui abat, détruit. Une demande pécuniaire, de toutes les bourrasques qui tombent sur l'amour, étant la plus froide et la plus déracinante (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 166). Des Esseintes se réveilla tout valide (...); plus de toux déracinante, plus de coins enfoncés à coup de maillet dans la nuque (Huysmans, À rebours, 1884, p. 148).
Prononc. et Orth. : [deʀasine], (je) déracine [deʀasin]. Ds Ac. 1694, s.v. desraciner; ds Ac. 1718-1932 sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « arracher ce qui a pris racine » ici fig. « extirper [les pensées inutiles] » (Moralités sur Job, 337, 20 ds T.-L.); 1690 p. anal. déraciner les cors aux pieds (Fur.); 2. 1863-69 « retirer quelqu'un de son milieu d'origine » (Sainte-Beuve, op. cit., p. 363). Formé comme anton. d'enraciner*, par changement de préfixe. Fréq. abs. littér. : 194 (déracinant : 7).
DÉR. 1.
Déracinable, adj.,p. métaph. Qui peut être arraché à son milieu naturel. a) [En parlant de qqc. qu'on estime nuisible] Qui peut être supprimé totalement. Cette sensualité retardée (...) s'affirme (...) plus difficilement déracinable, que les fièvres normales de l'adolescence et de la jeunesse (Du Bos, Journal,1926, p. 39).b) [En parlant d'une pers.] Qui peut être arraché à son pays d'origine. C'est la période de ma vie où j'eusse été le plus déracinable si une force qui a résisté à tout ne m'avait ancré au pays (Jammes, Mémoires,1923, p. 58). [deʀasinabl̥]. 1reattest. 1842 (J.-B. Richard de Radonvilliers, Enrichissement de la lang. fr.); du rad. de déraciner, suff. -able*. Fréq. abs. littér. : 1.
2.
Déracineur, subst. masc.a) Celui qui déracine (des arbres, des plantes). Ces niveleurs [nom d'une secte] étaient de plusieurs espèces : les uns, les fouilleurs et déracineurs, s'emparaient des bruyères et des champs en friche (Chateaubriand, Les Quatre Stuarts,1830, p. 248 ds Littré).[Désigne le vent] Je me réjouissais, moi aussi, de cette défaite du destructeur, du déracineur (A. Arnoux, Paris-sur-Seine,1939, p. 123).b) Au fig. Celui qui prône le déracinement, l'arrachement à son pays et à son milieu d'origine (cf. Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme, t. 2, 1902, p. 180). Seule prononc. ds Littré : dé-ra-si-neur. 1reattest. 1830 (Chateaubriand, loc. cit.); du rad. de déraciner, suff. -eur*.
BBG. − Quem. 2es. t. 2 1971.