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DÉPEUPLER, verbe trans.
Faire perdre à un ensemble la plus grande partie ou la totalité de ses éléments.
A.− [Le compl. d'obj. second. (prép. de) explicité ou non, désigne des pers.]
1. [Le compl. d'obj. désigne une ville, une région, un pays] Faire perdre la plus grande partie ou la totalité de sa population. La traite dépeupla en partie l'Afrique noire pour prêter aux plantations du nouveau monde les bras qui manquaient (Vidal de la Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 269).On ne peut souhaiter la mort de tout le monde ni, à la limite, dépeupler la planète pour jouir d'une liberté inimaginable autrement (Camus, Chute,1956, p. 1508):
1. Ce gouvernement invoquerait les intérêts du commerce, comme si c'était servir le commerce que de dépeupler un pays de sa jeunesse la plus florissante, arracher les bras les plus nécessaires à l'agriculture, aux manufactures, à l'industrie. Constant, De l'Esprit de conquête et de l'usurpation,1813, p. 157.
Emploi pronom. passif. Les villes encombrées se dépeuplent au profit des champs et leur envoient de joyeux bataillons de travailleurs (Claudel, Pain dur;1918, I, 1, p. 412).La ville se dépeupla d'enfants. On les envoya à Paris, à Nantes, à Rennes, où le pain était mieux assuré (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 117).
P. plaisant. :
2. Le monde féminin s'émut fort de l'apparition de ces deux beaux petits saints [don José et Luca Dolci]. On inventa contre eux des jeux de prunelle à dépeupler le paradis... Feuillet, Onesta,1848, p. 211.
P. exagér. Ici, dans cette chambre, que de fois j'ai fui un monde que ton absence dépeuplait pour moi (Dumas père, Henri III,1829, V, 2, p. 195).
2. P. ext.
a) Rare. [Le compl. d'obj. désigne une famille] Faire perdre la plus grande partie ou la totalité de ses membres. La mortalité qui dépeuple les familles (About, Grèce,1854, p. 213).
Emploi pronom. passif. À mesure que l'on vieillit et que le foyer se dépeuple, on se reporte vers les jours anciens, vers le temps de la jeunesse (Flaub., Corresp.,1864, p. 137).
b) [Le compl. d'obj. désigne gén. un lieu public] Faire partir temporairement les personnes qui s'y trouvent :
3. La matinée s'écoulait, l'instant arriva où la végétation de juillet sous un soleil enfin chaud prend toute son ampleur et pendant quelques heures trouve des puissances qui dépeuplent la campagne. Barrès, L'Appel au soldat,1897, p. 297.
Emploi pronom. passif. Les rues se dépeuplèrent. À la foule succédèrent les rondes des yakounines (Verne, Tour monde,1873, p. 127).Le square se dépeuplait. De gros rats, à demi rassurés par la solitude, trottinaient d'une plate-bande à l'autre (Montherl., Célibataires,1934, p. 840).
B.− [Le compl. d'obj. second. (prép. de) explicité ou non, désigne des animaux, le compl. d'obj. le lieu où ils vivent] Faire perdre la plus grande partie ou la totalité de ses animaux. Le brochet glouton, qui dépeuple les eaux (Delille, Hommes des champs,1900, p. 44).Il tirait partout, tirait au hasard, ayant juré de dépeupler le domaine de tous les lapins et de tous les oiseaux (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 251).
Emploi pronom. passif. Cette garenne commence à se dépeupler (Ac.).
C.− [Le compl. d'obj. second. (prép. de) explicité ou non, désigne des végétaux, le compl. d'obj. le lieu où ils poussent] . Dégarnir en grande partie ou en totalité. Dépeupler une forêt, une pépinière (Ac.). Les vignes dépeuplent d'arbres la campagne (Mauriac, Du côté Proust,1947, p. 57).
D.− Littér. [Le compl. d'obj. et le compl. d'obj. second. désignent des notions abstr.] Supprimer. Le monde, qu'ils ont dépeuplé de l'intelligence et de la bonté suprêmes (Constant, Princ. pol.,1815, p. 134).À mesure qu'on lève les voiles de l'inconnu, on dépeuple l'imagination des hommes (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Peur, 1884p. 958).Le malheur dépeuple l'âme, la vide (Marcel, Journal,1919, p. 202).
Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. dépeupleur, euse. Qui dépeuple. La bande à Louchard, six ou sept terribles vauriens dépeupleurs de forêts, passent en chantant (Colette, Cl. école, 1900, p. 272).
Prononc. et Orth. : [depœple], (il) dépeuple [depœpl̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1343 « ravager (des terres, des plantations) » (Pièces relat. au règ. de Ch. VI, II, 67 Douët d'Arcq ds Gdf.); 2. 1431 despopuler « dégarnir de ses habitants une région » (Assembl. faite en l'ostel de ville de Senlis, Mém. Soc. hist. Paris, t. V, 1878, p. 283 ds Gdf. Compl.); 1580-92 se dépeupler (d'une région) (Montaigne, Essais, Livre I, chap. 31, éd. Thibaudet, p. 242). Empr. au lat. class. depopulari « ravager » avec réfection d'apr. peuple*; v. aussi dépopulation. Fréq. abs. littér. : 74.