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DÉGOT(T)ER,(DÉGOTER, DÉGOTTER) verbe.
Pop. et fam.
A.− Emploi trans. Atteindre quelqu'un ou quelque chose.
1. [L'idée dominante implique une action violente de nature physique ou morale]
a) Abattre.
[Le compl. désigne un nom de chose] Abattre avec un projectile, faire tomber. [Il] chargeait une carabine et dégotait une pomme placée sur la tête d'un de ses enfants (Richepin, Truandailles,1891, p. 48).Alors pour passer le temps, nous avons dégoté des lampions à coups de cailloux. Moi j'en a (sic) tombé neuf (Musette, Cagayous partout,1905, p. 80).
Spéc., JEUX. Faire tomber ou déplacer, grâce à une pierre (une bille, un palet, un objet servant de but ou de cible). Dégoter la bille de l'adversaire (Rob.).
[Le compl. désigne un animal] Tuer (un animal). Synon. fam. descendre.Apporte ton fusil, nous allons dégoter quéque lapin dans les berges (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Âne, 1883, p. 373).Vous avez vu les chats-huants? Hein, si on avait un fusil, comme on les dégoterait! (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 123).
b) Au fig. Faire tomber de son rang.
Vieilli. [Le compl. désigne une pers.] Retirer à quelqu'un son poste ou son rang. Synon. dégommer.
Au part. passé adjectivé. Berthelot, le ministre « dégoté », a, dans les paroles et le ton, une acidité tout à fait amusante (Goncourt, Journal,1887, p. 685):
1. Pauvre ouvrier en redingote, Que l'État traite en vrai bourreau, Pour ne pas que l'on te dégote, Trime pour ton chef de bureau. J. Jouy ds France 1907.
Usuel. Surpasser.
[Le compl. désigne une pers.] Je ne réussirai ni en géographie, ni en allemand, ni en physique et chimie, où les plus forts sont deux ou trois types nuls pour le reste et qui ne font que ça. Impossible de les dégoter (Renard, Poil Carotte,1894, p. 156).Mais à toi le pompon. Tu les dégotes tous [les menteurs] (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 110):
2. Il [mon fils] écrit comme il parle... Quel style! comme c'est fignolé! ... Tu n'es pas sans avoir entendu parler de madame Sévigné... Eh bien, franchement, ça la dégotte... E. Labiche, Deux papas très bien,1845, 1, p. 382.
[Le suj. et le compl. désignent une chose] C'est égal, dis donc, c'est cela qui dégotte toutes les morales connues (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 320).Les supplices auraient une qualité de férocité dégotant ceux de la Chine (Goncourt, Journal,1895, p. 868).
2. P. ext.
a) Obtenir (dans une lutte, par un effort). Ci-joint une demi-douzaine de billets de la Loterie Nationale de l'Exposition (...). Françoise s'est donné une peine de chien pour te les dégotter (La Petite lune,1878-79, no21, p. 2).Ell' a dégoté une médaille [de marchande des quatre saisons] à la Préfectance (Méténier, Lutte pour amour,1891, p. 120).
En partic. Voler. Elle est spécialisée dans les portefeuilles du pantalon, les plus difficiles à dégoter (L. Daudet, Phryné,1937, p. 107).
b) Rencontrer.
Pop. [L'idée dominante est celle de voir à la dérobée, par chance ou à la suite d'une recherche difficile] Synon. apercevoir, regarder (qqn, qqc.).Ah là là, cria Croquebol, mince de péniche! Dégote ça! (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 1, p. 92).Chaque coup que j'dégote c'salaud-là, ça m'fout les nerfs en p'lote, j'voix rouge (Bruant1901).
Usuel. [L'idée dominante est de trouver par chance, par une recherche difficile] Synon. découvrir, dénicher.Ils peuvent dégotter le cadavre à l'hôtel (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 191).Des livres que l'inlassable chercheur savait dégotter sur les quais (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 315).Où qu'il avait été dégoter cette passion, ça je vous le demande (Queneau, Zazie,1959, p. 46):
3. − Bande de vaches! Je vous dégotte de quoi boire et il ne reste pas un pote pour me donner un coup de main! Vous pourrez toujours vous brosser... Cendrars, La Main coupée,1946, p. 89.
B.− Emploi intrans. Se laisser voir, faire impression.
1. [Avec un adv. qualificatif]
Dégoter bien. Avoir belle tournure. Il en a une touche, hein, il dégotte bien, c'est le dentiste de Balbec (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 882).
Arg. Dégoter mal. ,,Avoir une mauvaise tenue`` (Dauzat, Arg. guerre, 1918, p. 257).
Rem. On rencontre dans le même sens un emploi trans. avec compl. d'obj. interne. As-tu vu le quart-d'œil avec sa sous-ventrière, y la dégotte mal? (Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s., 1894, p. 277).
Emploi exclam. Tu n'as pas vu notre fameux Saint-Loup, ce qu'il dégotte avec son nouveau phalzard! (Proust, Guermantes 1,1920, p. 138).
2. Emploi abs. Même sens. Vous verrez si je dégote dans ma chanson de Paris la Nuit! (Colette, Vagab.,1910, p. 126):
4. Il dégote, Crouïa-Bey. Il a des yeux de braise, un front de penseur, des mains de pianiste (...) ah! qu'il est beau. Queneau, Pierrot, mon ami,1942, p. 35.
Prononc. et Orth. : [degɔte], (je) dégo(t)te [degɔt]. Ds Ac. 1798 et 1835 s.v. dégoter. La var. avec 2 t est donnée en plus de l'orth. avec 1 t ds Lar. 19e-Lar. Lang. fr., Guérin 1892, Rob., Dub. et Quillet 1965. Pour Dupré 1972, p. 628, cette graph. est également acceptable. Étymol. et Hist. 1. 1694 terme de jeu « pousser sa balle vers le but » (Mén., s.v. galet : On a dit dégoter, pour dire commencer à pousser cette balle dont il vient d'être parlé. Et dans notre province d'Anjou, quand celui qui la pousse, est sur le point de la pousser, il crie aux autres joueurs, Dégot s'en va); 2. 1740 « déplacer » ([Desfontaines et Granet], Observations sur les écrits modernes, XXI, p. 126 d'apr. Trév. 1752); d'où 1757 « chasser d'un poste » (d'Argenson, Mém. ds Delb. Rec. d'apr. DG); 3. 1846 « découvrir, trouver » (Glossaire argotique d'apr. Sain. Lang. par., p. 63). Orig. obsc. (cf. FEW t. 21, 1, p. 328 b et t. 23, p. 163 b) peut-être à rapprocher de l'angevin got « trou pour la balle, dans un jeu » (Verr.-On.). Le rattachement à gal, gau « caillou » (v. galet) proposé par Mén., loc. cit. fait difficulté du point de vue phonét.; v. aussi Sain. Lang. par., pp. 61-64. Fréq. abs. littér. Dégoter : 37. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1971, t. 35, no137/138, p. 218. − Gohin 1903, p. 349. − Sain. Lang. par. 1920, pp. 61-64, 286, 386, 477.