Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
DÉGORGER, verbe.
I.− Emploi trans.
A.− Lang. cour.
1. [Le suj. désigne une pers. ou un animal] Rendre par la gorge, vomir. Ils [des oiseaux] apportaient de la nourriture qu'ils dégorgeaient de leurs jabots (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 154).Ses joues se gonflèrent (...). Il dégorgea à plusieurs reprises un beau sang vermeil (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 376).
P. ext. Elle [l'abeille] se rend à la ruche, y dégorge son butin (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 114).
Au fig. Dégorger des injures. À défaut d'interlocuteur, elle se parlait à elle-même, dégorgeant et réavalant son ordure pour la revomir avec fracas, aussi longtemps que sa victime pouvait l'entendre (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 252):
1. Il [Jacques] s'efforce de se tarir, de se désencombrer, de s'évider. Il dégorge son trop-plein de moi, concombre tartiné du sel de la misère. Il se soutire des pintes de bon sang, et sans rire. Il s'épuise, la gueule ouverte. Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 160.
En partic. Lâcher son argent, payer. (Quasi-)synon. rendre gorge. Synon. pop. cracher.Ils dégorgeaient un, deux, trois, quatre millions, plutôt que de laisser poursuivre (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 388):
2. Cordoue dégorgeait ses richesses, vomissait d'un coup tout ce que, depuis les Almohades, elle avait accumulé grâce à la vente de ses huiles, de son blé, de ses vins... Morand, Le Flagellant de Séville,1951, p. 118.
Arg. Avouer. Synon. pop. cracher (cf. Carabelli, [Lang. pop.]).
2. [Le suj. désigne un égout, une canalisation, un récipient] Déverser son contenu. Le Coenus dégorge son bourbier dans les eaux vives de l'étang (Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 125).La bonbonne (...) se mit à dégorger un liquide glacé (Gracq, Beau tén.,1945, p. 55).
Emploi pronom. Se déverser. Vomir ainsi tes paroles par saccades comme une carafe qui se dégorge (Claudel, Endormie,1883, p. 10):
3. Les lacs [de la Finlande] y sont rangés, du nord au midi, en forme de Cordilières; ils se dégorgent les uns dans les autres, en descendant la plupart vers la Baltique; quelques-uns se déchargent dans la mer glaciale... Bernardin de Saint-Pierre, Harm. nat.,1814, p. 228.
P. ext. [Le suj. désigne une voie de communication, une foule] Trois rues se dégorgeaient dans le parvis (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 142).La foule arrivait (...). Il s'en dégorgeait des ruelles, des allées, des maisons (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 152).
Au fig. S'épancher, s'abandonner. C'est par moi [la Charité] (...) que l'on éclate en sanglots et que se dégorge la tendresse (Flaub., Tentation,1849, p. 335).
Emploi factitif. Déboucher un conduit obstrué. Dégorger les conduites d'eau des abreuvoirs (Courteline, Train 8 h 47,1888, p. 236).
MÉD. Une saignée locale, qui dégorge les vaisseaux (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 141).
Rem. On rencontre dans la docum. qq. ex. de dégorgé, ée, employé comme adj., en parlant d'inanimés concr. a) Vidé de son contenu. De vieux tubes [de couleurs] vides et dégorgés (Goncourt, M. Salomon, 1867, p. 132). b) Décharné, maigre. Anton. rond. Les chevilles trop en relief (...) les mollets dégorgés (Renard, Lanterne sourde, 1893, p. 89).
B.− Spécialement
1. ART CULIN. Débarrasser un aliment du sang ou des impuretés qui l'engorgent, en le trempant dans l'eau froide. Après avoir dégorgé et blanchi un petit foie gras de Strasbourg (Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p. 135).
Rem. Dégorger est surtout utilisé, en ce sens, en emploi factitif (cf. infra II B 1).
2. ŒNOLOGIE. Débarrasser un vin mousseux de ses impuretés. Mille [bouteilles] dégorgées en un jour par chaque ouvrier (Hamp, Champagne,1909, p. 172).
3. TECHN. DIVERSES, notamment en . et TEINTURERIE. Nettoyer certaines matières à l'aide d'un solvant, pour les débarrasser de leurs impuretés. Dégorger du cuir (Ac.1835-1932).
II.− Emploi intrans.
A.− S'écouler, se déverser. (Quasi-)synon. déboucher.L'arche du petit pont, où le torrent dégorge (Lamart., Jocelyn,1836, p. 776).La Tamise (...) cet égout énorme, ce cloaque maxime où dégorgent les docks (Morand, Londres,1933, p. 321).
P. anal. Dégorger de. Déborder :
4. Les femmes attendaient les arrivages de Montpellier. Robes, manteaux, chapeaux, dentelles, souliers fins et dessous dégorgeaient de malles, de cartons, de boîtes sans nombre... Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 109.
Au fig. et p. métaph. La fureur d'Hérodias dégorgea en un torrent d'injures (Flaub., Trois contes,Hérodias, 1877, p. 200).Dégorger dans le journal m'avait fait quelque bien (Du Bos, Journal,1928, p. 19):
5. ... le général de Gaulle a le style de son destin, un style accordé à l'Histoire. Ne croyons pas que cela soit commun : il n'est que de lire les autres. Le général de Gaulle les a laissés se vider de leur encre (...). Il les a laissés dégorger... Mauriac, Le Nouveau Bloc-Notes,1961, p. 130.
Arg. Éjaculer (cf. Carabelli [Lang. pègre]).
Rem. On rencontre dans la docum. dégorgeant, ante, employé comme adj. Aux issues dégorgeantes, des traînées de blocs (Taine, Notes Paris, 1867, p. 251).
B.− Spécialement
1. ART CULIN. Faire dégorger des cervelles, des ris de veau (Ac.1932).Les tremper dans l'eau froide pour les débarrasser du sang. Faire dégorger du poisson (Ac.1932).Le mettre dans l'eau claire pour lui ôter le goût de vase ou de marée. Faire dégorger des concombres. Les mettre dans du sel pour enlever leur excès d'eau.
2. TECHN. DIVERSES. Abandonner ses impuretés dans un bain. Faire dégorger des laines (Ac.1835-1932).
Rem. On rencontre, de même, en emploi pronom. On la [l'épreuve] laisse se dégorger de son hyposulfite dans une grande bassine d'eau (Le Gray, Phot. sur papier et verre, 1850, p. 14).
Prononc. et Orth. : [degɔ ʀ ʒe], (je) dégorge [degɔ ʀ ʒ]. Le 2eg est suivi de e devant a ou o : dégorgeai(s), dégorgeons. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1299 pronom. « se déverser (d'un courant d'eau) » (Cart. du mont S. Mart., B.N. 1. 5478, fo59eds Gdf. Compl.); 2. 1501 « rendre par la gorge, vomir » (Le Livre de conduite du Régisseur, éd. G. Cohen, p. 50a); 1575 faire dégorger [des sangsues] (Paré, XV, 69 ds Littré); 1580 fig. « déverser un trop plein, rendre ce dont on s'est gorgé » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, I, XXV, p. 167); 1688 « se vider de ses occupants en parlant d'un lieu » (La Bruyère, IX ds Littré); 3. 1611 « vider, déboucher » (Cotgr.); 4. id. « débarrasser quelque chose des matières étrangères qu'elle contient (ici de la graisse) » (ibid.). Anton. de engorger*; préf. dé(s)-* (lat. dis-). Fréq. abs. littér. : 151. Bbg. Mat. Louis-Philippe 1951, p. 311.