| DÉFAUT, subst. masc. I.− [P. réf. à des critères quantitatifs ou d'ordre matériel : espace...] Absence d'une chose ou d'une personne dont la présence serait nécessaire ou souhaitable (généralement pour former un ensemble cohérent). (Quasi-) synon. carence, pénurie. A.− [Le compl. prép. de désigne des inanimés concr.] 1. Absence d'une chose dont la présence serait nécessaire ou souhaitable. Défaut d'argent. Ne pouvant supporter plus long-temps le défaut d'air (Balzac, Annette, t. 4, 1824, p. 244).En présence des défauts d'outillage (...), il fallait d'abord outiller les armées de campagne (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 51): 1. ... les revenus n'étaient pas proportionnés à l'étendue du terrain. Ce n'était pas la faute de l'art agricole, c'était le défaut de capitaux placés en amendemens. Le seigneur, peu jaloux d'améliorer son fonds, dépensait, d'une manière très-noble et très-improductive, un revenu qu'il aurait pu tripler...
Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 416. 2. Insuffisance d'une chose par rapport à une échelle numérique, une norme quantitative. (Quasi-)anton. excès.Un excès ou un défaut de boissons ont une action défavorable sur les processus gastriques (R. Lalanne, Alim. hum.,1942, p. 95): 2. Si l'on dénonce justement l'existence de masses de livres et de périodiques inutiles ou stupides (...), par contre, dans toutes les disciplines, on regrette souvent (...) l'absence de certains livres (...). L'excès et le défaut de livres proviennent de la même origine...
La Civilisation écrite,1939, p. 5216. − Loc., absol. En excès et en défaut; par excès et par défaut. Chez tous les animaux d'une même classe, les organes ne diffèrent que par excès ou par défaut (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 1, 1961, p. 496): 3. ... une cellule reproductrice reçoit, en plus ou en moins, un chromosome ou un bout de chromosome. Les individus nés de ces gamètes anormaux présenteront évidemment un lot de gènes en excès ou en défaut...
Cuénot, J. Rostand, Introd. à la génét.,1936, p. 51. Rem. 1. On rencontre ds qq. dict. gén. (Lar. encyclop., Quillet 1965, Pt Rob.) et ds les dict. techn., l'emploi en phys. nucl. de l'expr. défaut de masse au sens de ,,Différence, pour un noyau donné, entre la somme des masses atomiques des différents nucléons du noyau (ces nucléons étant pris à l'état libre) et la masse atomique du noyau`` (Charles 1960). 2. Les dict. techn., Rob. et Pt Rob. attestent l'emploi en math. de défaut au sens de ,,Différence en moins d'une quantité par rapport à une autre servant de repère : celle-ci est dite alors « approchée par défaut »`` (Legrand 1972). 3. Lar. 19e- Nouv. Lar. ill., Littré, Guérin 1892 et Littré-Robin 1858, 1865 attestent l'emploi en anat. et bot. de la loc. anomalie, monstruosité par défaut au sens de « monstruosité causée par l'absence d'une ou de plusieurs parties ou par diminution du nombre »; Barrès l'atteste dans un sens métaph. C'est probablement ce que les naturalistes appellent un monstre [Dreyfus] et de la catégorie des « monstres par défaut ». Un certain nombre de sentiments lui manquent (Barrès, Scènes et doctr., t. 1, 1902, p. 152). 3. P. ext. [En parlant d'un manque dans l'espace] a) Endroit où se termine une chose, solution de continuité entre deux choses. Défaut des côtes. Intervalle entre deux côtes. (Quasi-)synon. hiatus, interstice, intervalle.Aux défauts des collines, la Rance, qui s'épanchait largement (M. de Guérin, Journal,1833, p. 162).Une bonne bourrade tendre au défaut de l'épaule (Colette, Cl. école,1900, p. 242). − En partic. Défaut de la cuirasse, de l'armure. Intervalle entre la cuirasse et les autres pièces voisines de l'armure; p. métaph., endroit non protégé, point faible d'une personne, d'un système de pensées. Tu ajoutes que cependant toute révolution est infernale (...) : ici je trouve le défaut de la cuirasse (...). Ton raisonnement pèche évidemment, faute d'une distinction (Lamart., Corresp.,1831, p. 112): 4. Sa vue morale avait la portée lucide de ses yeux de lynx. Chacun de ses doubles sens avait cette longueur mystérieuse, cette flexibilité d'aller et de retour qui nous émerveille chez les gens supérieurs, bretteurs habiles à saisir le défaut de toutes les cuirasses.
Balzac, Le Père Goriot,1835, p. 114. b) CHASSE. Perte de la piste de l'animal pourchassé. Pas de change, pas de défaut, droit devant (...). Les chiens qui baisseront le pied, on ne les ramènera pas (Genevoix, Dern. harde,1938, p. 205).Le terrain devenait meilleur, plus dense, rocailleux. Et il y eut défaut : les chiens se divisèrent (La Varende, Man d'Arc,1939, p. 268). − Locutions ♦ (Être) en défaut. [Le suj. désigne des chiens] Perdre la piste de l'animal. Mgr le duc de Berry rentre fatigué, le cerf égaré, les chiens en défaut (Chateaubr., Mél. hist.,1827, p. 167). ♦ Mettre en défaut. [Le compl. désigne des chiens] Faire perdre la piste de l'animal. Lui aussi [Lambert] avait (...) mis en défaut les chiens de sa première chasse (Vialar, La Curée,1953, p. 233).P. métaph. Mina fuit en Catalogue, et (...) cette espèce de lièvre et de renard qui met toute la meute en défaut (Chateaubr., Corresp. gén., t. 4, 1789-1836, p. 222). ♦ Relever le défaut. [Le suj. désigne des chiens] Retrouver la piste de l'animal. Savoir quel chien avait relevé le défaut dans la prairie après les bois de Neufosse (Druon, Chute des corps,1950, p. 22).[Le suj. désigne des chasseurs] Remettre les chiens sur la piste. B.− [Le compl. prép. de désigne des pers. ou des valeurs intellectuelles ou morales dont la présence est normalement nécessaire pour le fonctionnement ou le déroulement d'un ensemble] Défection d'une personne ou d'une chose. 1. [Le compl. désigne des pers.] Soldat qui dans le défaut de nos professeurs maintenez, défendez la culture (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 833). − DR. Non-comparution d'une partie régulièrement convoquée en justice. Donner défaut. Donner acte de la non-comparution en justice d'une partie. − Loc. Par défaut. Jugement, condamnation par défaut. Jugement, condamnation prononcés à l'encontre de quelqu'un qui n'a pas comparu en justice. À l'aide (...) d'une assignation (...) d'un jugement par défaut signifié au domicile du débiteur (Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 187).Juger, condamner qqn par défaut : 5. ... au milieu d'un autre procès, il s'est retiré du tribunal sous prétexte que l'avocat de sa partie adverse l'avait injurié, afin que tout le monde fût frappé de l'injustice d'un tribunal qui le laissait insulter en sa présence. Personne n'en fut frappé que le tribunal, qui le condamna par défaut.
Constant, Journaux intimes,1804, p. 170. 2. [Le compl. désigne des valeurs abstr.] Défaut d'attention, d'expérience, de mémoire. La faiblesse de caractère ou le défaut d'idées (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 50).L'indécence, le défaut de pudeur (Chamfort, Max. et pens.,1794p. 63): 6. ... donnons toujours un élan de plus à notre ame, et elle nous engendrera tout ce qui nous manque. La lâcheté est un défaut de foi dans notre être; c'est un défaut de foi dans celui qui nous a formés.
Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 100. SYNT. Défaut + prép. + subst. Défaut d'accord, d'affection, d'amour, de bonheur, de caractère, de confiance, de courage, d'éducation, d'emploi, d'équilibre, d'esprit, d'exercice, de génie, d'harmonie, d'intelligence, de preuves. − Locutions ♦ À/au défaut de (qqc., qqn). En l'absence de. (Quasi-) synon. faute de.Je voulais qu'à défaut de terre consacrée, elle eût au moins un chaste linceul (Janin, Âne mort,1829, p. 200). ♦ Faire défaut. [Le suj. désigne une chose ou une pers.] Manquer, nuire par son absence. Lorsque la nature faisoit défaut, elle avoit des fleurs artificielles (Balzac, Annette,t. 1, 1824, p. 60).Nous, non plus qu'aucun de ces alliés qu'il invoque, nous ne lui ferons assurément pas défaut (Musset, Revue des Deux-Mondes,1833, p. 738). II.− [P. réf. à des critères qualitatifs marquant un écart gén. occasionnel par rapport à une norme de perfection, à une attente légitime] Imperfection d'une chose ou d'une personne, résultant de l'absence de certaines qualités ou d'un manquement à certaines règles et conventions. Défaut capital, grave; principal défaut. A.− [Le compl. prép. de désigne des inanimés concr.] 1. [Le compl. désigne des produits naturels, en partic. des gemmes] Il faut se garder d'ôter les défauts des pierres précieuses dans la crainte de nuire à la valeur de l'ensemble (Barrès, Cahiers,t. 9, 1911, p. 8). 2. [Le compl. désigne des produits de fabrication] (Quasi-)synon. défectuosité, malfaçon.Les défauts [des chaudières] proviennent de vices de construction (Ser, Phys. industr.,t. 2, 1890, p. 239).Un véritable fauteuil voltaire (...) avec des défauts qui dénotent la main de l'artisan (Guèvremont, Survenant,1945, p. 107). − En partic. Imperfection du verre. Les fenêtres sont à petits carreaux : (...) certains ont des défauts que nos parents appellent des « bouillons »; l'arbre qu'on regarde au travers se dégingande (Gide, Porte étr.,1909, p. 496). − Spéc., DR. ,,Vice [au sens de « imperfection »] caché ou apparent d'un objet meuble ou immeuble, susceptible de le rendre impropre à l'usage auquel il est destiné ou d'en diminuer la valeur`` (Cap. 1936). Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage (Code civil,1804, art. 1721, p. 314; cf. aussi art. 1641 et 1891). B.− [Le compl. désigne une pers.] :
7. Humainement parlant, les passivités de diminution internes forment le résidu le plus noir, et le plus désespérément inutilisable de nos années. Les unes nous ont guettés et saisis à notre premier éveil : défauts naturels, infériorités physiques, intellectuelles ou morales, par qui s'est trouvé impitoyablement limité, dès la naissance et pour toute la vie, le champ de notre activité, de nos jouissances, de notre vision.
Teilhard de Chardin, Le Milieu divin,1955, p. 83. 1. [À propos de l'aspect physique d'une pers.] Défauts physiques. Les légers défauts de son visage : une petite ride au coin des lèvres (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 331).Un mauvais teint, des défauts de peau, de vilaines dents (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 134). − P. anal. [Le compl. désigne un animal de race] Écart par rapport aux règles qui définissent l'aspect physique, les aptitudes et le caractère de telle race; en partic., irrégularité de proportions ou vice du comportement. Mon cheval, quoique bon coureur, a un très grand défaut : c'est qu'il recule quand il est auprès de la portière (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p. 176).Une femme magnifiquement belle, belle comme un cheval sans défaut (Balzac, Théor. démarche,1833, p. 617): 8. Mais nous ne pouvons pas prévenir la reproduction des faibles qui ne sont ni fous ni criminels. Ni supprimer les enfants de mauvaise qualité comme on détruit, dans une portée de petits chiens, ceux qui présentent des défauts. Il y a un seul moyen d'empêcher la prédominance désastreuse des faibles. C'est de développer les forts.
Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 359. 2. [À propos de la vie morale et intellectuelle d'une pers.] (Quasi-)synon. faiblesse, travers.Il ne lui fit grâce d'aucun de ses défauts de raisonnement et de justesse (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 309).Ces horribles défauts que je reprochais à mon père, cet orgueil, cet appétit d'honneurs, cette passion de despotisme (Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1359). − Expr. proverbiale. La curiosité est un vilain défaut. − Locutions ♦ Être en défaut. Manquer de ce qui est nécessaire pour satisfaire à une demande, à une attente légitimes; contrevenir à un règlement, une convention. (Quasi-)synon. être dans l'erreur, commettre une erreur.Votre prudence est en défaut (Robesp., Discours,Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 88). ♦ Mettre en défaut (qqn). Démontrer que quelqu'un est en défaut ou faire en sorte qu'il le soit. Il s'agit de choisir la meilleure façon de mettre en défaut cette terrible police de Milan (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 75). ♦ Prendre, surprendre qqn en défaut. Prendre sur le fait quelqu'un qui est en défaut. Je comptais (...) sur les accidents de cette vie affaiblissante pour surprendre Madeleine en défaut (Fromentin, Dominique,1863, p. 187). C.− [Le compl. désigne les productions de l'esprit hum.] 1. [Un système de pensée, une institution, un texte officiel] Le mérite et les défauts de la théorie de Locke (Cousin, Hist. philos. XVIIIe,t. 1, 1829, p. 168).N'ayant pas de conviction arrêtée sur les devoirs civils et religieux, voyant bien les défauts de ces deux législations (Sand, Lélia,1839, p. 477): 9. Mais, disent les partisans de la réforme (car c'est le grand argument), les abus sont frappants, incontestables : or, un abus formel, un vice, peut-il être constitutionnel? Oui, sans doute, il peut l'être; car toute constitution politique a des défauts essentiels qui tiennent à sa nature et qu'il est impossible d'en séparer...
J. de Maistre, Des Constitutions pol. et des autres institutions hum.,1810, p. 73. − Spéc., DR. Défaut de forme. Manquement aux règles fixant la forme d'un acte juridique et susceptible d'entraîner son annulation. Des noms [sur un ordre de mort] sont mal orthographiés, d'autres sont effacés. Ces défauts de forme, qui auraient suffi pour annuler la plus simple sentence (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 452). 2. [Une œuvre littér. ou artistique] Manquement aux règles, conventions normatives qui président généralement à la conception et à l'exécution d'une œuvre. Il y a une foule d'expressions qui sont défauts chez les uns, et beautés chez les autres (Joubert, Pensées,t. 2, 1824, p. 63): 10. J'ai vu seul toutes les beautés de ce tableau; pour en découvrir les défauts, j'ai eu besoin de m'aider des yeux d'un artiste. Je crois donc (mais seulement parce que j'ai entendu répéter autour de moi cette critique par des gens instruits) que la perspective du terrain n'est pas suffisamment observée; que certains détails ne sont pas assez finis pour un tableau de cette dimension et qu'enfin le pilier du milieu de l'église n'est pas d'un ton assez ferme...
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 3, 1813, p. 328. − P. méton. [Un auteur, un artiste] L'admirable est (...) que de ses défauts mêmes Beethoven ait fait vertus (Rolland, Beeth.,t. 2, 1928, p. 425): 11. J'ai fait ces jours-ci la connaissance d'un grand poëte anglais que je ne connaissais pas, Robert Browning. Il a tous les défauts des auteurs de sa race, prolixité, mauvais goût, absence d'ordre incroyable.
Claudel, Correspondance[avec Gide], 1908, p. 92. SYNT. (relatifs à II) a) Défaut + adj. Défaut absolu, commun, constant, général. b) Adj. + défaut. Grand, grave(s) défaut(s). c) Verbe + défaut. Corriger certains, des, les, ses défauts. Prononc. et Orth. : [defo]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1165 « manque, pénurie » (B. de Ste Maure, Troie, 27352 ds T.-L.); 2. a) 1540 « action de ne pas comparaître devant un juge » (Yver, p. 647 ds Littré); 1668 fig. être en défaut (Racine, Plaideurs, I, 3); b) 1573 condamnez par defaults (Dupuys, Dict. fr.-lat.); 3. 1561 vén. requester le deffaut « rechercher la bonne voie après l'avoir perdue » (Du Fouilloux, Vénerie, éd. G. Tilander, 42, 24); 4. 1579 au défaut de (H. Estienne, Précellence, éd. E. Huguet, 206); 5. 1652 « endroit le plus faible » (Rotrou, Don Lope de Cordone, éd. Viollet-le-Duc, II, 4). B. 1. 1357 « partie imparfaite d'un objet » (Guillaume de Machaut,
Œuvres, éd. E. Hoepffner, t. III, p. 136, 3834); 2. 1561 « imperfection physique » defauts de l'estomach (A. Mathiolus, Commentaires sur Dioscoride, trad. par. A. du Pinet, p. 52); 3. 1585 « ce qui est insuffisant, médiocre dans une œuvre » (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, p. 207); 4. 1651-52 « imperfection morale » (Corneille, Imitation de J.-C., II, 1 ds Littré). Prob. issu de l'a. fr. defaute (début xiies., St Brendan, éd. E.G.R. Waters, 1645), dér. de défaillir d'apr. faute*. Fréq. abs. littér. : 5 077. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 8 999, b) 5 985; xxes. : a) 5 986, b) 7 104. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 312. − Guiraud (P.). Le Ch. morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, no1, p. 100. − Quem. 2es. t. 1 1970. |