| DÉCOR, subst. masc. A.− Ensemble de ce qui sert à orner, parer, embellir, etc. (Quasi-)synon. décoration (v. ce mot A), ornement, parure. 1. Ensemble des ornements* (peintures, dorures, lambris, tableaux, meubles, etc.) employés pour orner un édifice, un appartement. Salle d'attente (...). Comme décor, quelques attributs de guerre et de vénerie (Reybaud, Paturot,1842, p. 244).L'ameublement et le décor des appartements (Goncourt, Journal,1895, p. 736): 1. Le décor contrastait fort avec l'aspect extérieur, si modeste, de la maison. Tout ici n'était que miroirs, dorures, verres filés, meubles étranges et chantournés, vitrines encastrées dans les murs et d'où s'échappaient des reflets irisés; ...
Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 62. − Loc., au fig. [P. réf. à l'aspect ornemental du décor et p. oppos. à l'utilitaire, au sérieux] Être un décor, faire décor. Elle avait un certain charme mondain (...) mais aucune séduction réelle et profonde (...) une agitée, toute en dehors, d'une élégance un peu tapageuse. (...) c'était un décor... pas un logis (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Porte, 1887, p. 1075).(C'est) pour le décor (péj.). L'éditeur, ne perdant ni ne gagnant rien avec moi, me publie pour le décor. Je suis un objet de luxe, un bibelot (Bloy, Journal,1902, p. 109). 2. En partic. Ensemble des dessins, peintures qui ornent certains objets (faïences, porcelaines, céramiques, etc.) ou certains meubles. L'art de peindre appliqué aux décors des devants de cheminées et des stores (Huysmans, Art mod.,1883, p. 188).Le décor du marli est formé de feuilles en rinceaux avec alternances de palmettes (G. Fontaine, Céram. fr.,1965, p. 34): 2. Nombreux sont les meubles, tout spécialement les sièges, où le décor floral est le seul motif employé. Les fleurs sont généralement stylisées; elles peuvent former des gerbes, des bouquets, des guirlandes, des chutes; elles se mêlent aussi à des branchages. Plus encore que la rocaille, les fleurs sont d'un emploi constant dans le décor, soit en marqueterie (...), soit en sculpture en plein bois (...), soit en bronze.
J. Viaux, Le Meuble en France,1962, p. 95. − P. anal. [À propos de pers.] :
3. Le parallèle avec l'art guaicuru se fonde sur d'autres rapprochements : nulle part, ailleurs que dans les deux régions, le décor facial et corporel n'a atteint un semblable développement, ni un pareil raffinement. Les tatouages maori sont bien connus. (...) complexité du décor mettant en œuvre, des hachures, des méandres et des spirales (...) même tendance à remplir entièrement le champ facial, même localisation du décor autour des lèvres...
C. Lévi-Strauss, Anthropol. struct.,1958, p. 282. Rem. 1. Décor a pu s'employer comme synon. de décoration (v. ce mot B). C'est un monsieur décoré, mais qui a eu des malheurs, à ce qu'il paraît, car il ne porte jamais son décor (Balzac, L'Envers de l'hist. contemp., L'Initié, 1848, p. 359). 2. Dans l'arg. de la franc-maçonnerie, au plur., il désigne les insignes servant à marquer les grades. Attesté ds Lar. 19e-Lar. encyclop., Delvau 1867, Guérin 1892 et Mellor 1971. 3. SPECTACLES. Ensemble des peintures et accessoires qui figurent le lieu où se passe l'action (théâtrale, cinématographique, télévisée); en partic., au plur. éléments (toile, portants, praticables, etc.) qui servent à composer cet ensemble. Les deux 1ersactes (...) joués dans le même décor (Balzac, Corresp.,1840, p. 80): 4. Sur l'estrade, entre les rideaux de velours rouge, une grotte se creusait. Le décor était fait d'une soie tendue à grands plis cassés, imitant des anfractuosités de rocher (...). Le plancher, accidenté, montant en forme de tertre, se trouvait recouvert de la même soie, où le décorateur avait représenté un sable fin constellé de perles et de paillettes d'argent.
Zola, La Curée,1872, p. 543. SYNT. Décor + adj. : décor abstrait, peint; décor de + subst. : décor de l'opéra, de théâtre; subst. + du/des décor(s) : pose du/des décor(s); verbe + décor(s) : enlever, poser le(s) décor(s). − Expr. synt., spéc. Décor naturel. Environnement naturel utilisé tel quel pour son caractère pittoresque. Six mois de tournage au moins sont prévus, entièrement en décors naturels près de Vérone et Venise (Cahiers du cinéma,t. 3, no16, oct. 1952, p. 51).Décor panoramique. Environnement généralement peint en trompe-l'œil, auquel l'opérateur de cinéma fait effectuer une rotation. Si l'on veut que le sujet reste au centre de l'écran tout en donnant l'impression qu'il se meut, il faut naturellement déplacer le fond, réaliser un décor panoramique. Le fond est dessiné sur une bande de papier (R. Ménager, Le Dessin animé à la portée des amateurs,1948, p. 54).P. ext. Décor sonore. (Quasi-)synon. fond sonore.Le décor sonore, la suggestion musicale venaient s'ajouter à l'atmosphère lumineuse (A. Levinson, Les Visages de la danse,1933, p. 250). − P. compar. Le Nil bleu, le ciel outremer et les verdures d'un vert livide; tout était immobile. Ça avait l'air d'un paysage peint, d'un immense décor de théâtre (Flaub., Corresp.,1850, p. 177). − P. métaph. La vie est un décor où il y a peu de praticables. Le bonheur est un vieux châssis peint d'un seul côté (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 793).La flamme a dévoré tout le factice, tout le décor, tout le carton peint de leurs caractères (Martin du G., J. Barois,1913, p. 436). − Au fig. [P. réf. au fait que le décor est (gén.) artificiel] (Quasi-)synon. apparence, illusion, masque.Il n'y a pas que l'apparence, que le décor... (Barrès, Cahiers, t. 3, 1904, p. 295).Le monde effrayant de la réalité, là où cesse Maya, où cesse l'illusion des sens, où s'évanouit ce décor de la vie qui nous cache le vrai (Green, Journal,1941, p. 111). ♦ Expr. synt. Changement de décor. Changement de circonstances, de situation (cf. Hugo, L'Année terrible, 1872, p. 44). Changer le décor. Changer la situation (cf. Hugo, Rhin, 1842, p. 98). ♦ Loc. (Connaître, voir) l'envers du décor. C'est l'envers du décor. Ce qui est derrière, l'apparence illusoire : 5. Pour la foule de Marrakech, comme pour celles qui partout ailleurs regarderaient les images sans connaître l'envers du décor, Churchill et de Gaulle apparaissant côte à côte cela signifiait que, bientôt, les armées alliées marcheraient ensemble à la victoire...
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 215. B.− P. ext. Ce qui entoure quelque chose ou quelqu'un. 1. [Avec un effet ornemental, non délibérément recherché, purement fortuit] a) [En parlant d'un ensemble naturel] Jamais le décor de septembre ne fut si riant; jamais bleu du ciel ne fut si pur (Goncourt, Journal,1870, p. 618): 6. Oh! parlez-moi d'elle, antres et rochers,
Retraites à tous cachées!
Parlez, parlez d'elle, ô sentiers fleuris!
Bois, ruisseaux, vertes prairies!
Ô charmes amers! dans ce frais décor
Elle m'apparaît encore.
Banville, Les Stalactites,Élégie, 1846, p. 331. b) [En parlant d'un ensemble artificiel] Cette place Stanislas qui est bien l'un des plus beaux décors du monde (Barrès, Cahiers,t. 9, 1911, p. 120). 2. [Sans effet ornemental] Milieu dans lequel vit un être, cadre dans lequel se produit un phénomène. (Quasi-) synon. ambiance, atmosphère, toile de fond.Ce cimetière de village qui avait été le décor de ses jeunes amours (Maurois, Ariel,1923, p. 33): 7. ... la tentation est si forte (...) de répondre aux actes barbares par une explosion de barbarie! ainsi se fait la chaîne sans fin des violences, dans un décor menteur de justice et de liberté! ainsi les siècles ont forgé le dur anneau que nous voulons rompre pour libérer l'homme de l'iniquité! ...
Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 143. − Loc. fam. [Le suj. désigne un véhicule, un conducteur] Entrer dans le(s) décor(s). Quitter sa voie et s'écraser contre un obstacle. Je me cramponnais au volant (...) quand je m'attardais à un détail horrifique, j'évitais de justesse d'entrer dans le décor (Cendrars, Le Lotissement du ciel,1949, p. 74). ♦ Spéc., AVIAT. Chérer/cherrer dans le(s) décor(s). ,,Avancer pleins gaz`` (Esn. Poilu, 1919, p. 200). ,,Faire des excentricités avec son avion`` (A. Dauzat, L'Argot de la guerre, 1918, p. 252). Prononc. et Orth. : [dekɔ:ʀ]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. 1536 decore « ce qui convient; bienséance » (Cl. Marot, Cantique I ds
Œuvres, éd. C. A. Mayer, t. 3, p. 278, 60) − 1771, avec la mention ,,vieux`` (Trév.); 2. a) 1603 decore « ce qui sert à orner » (J. de Champ-Repus, Poésies diverses, p. 108 ds Hug.), exemple isolé; 1788 décor « ce qui sert à orner un édifice, un intérieur » (Mercier, Tableau de Paris, t. 10, pp. 307-308 ds St. neophilol., t. 36, 1964, p. 321); d'où 1831 « art du décor » (Balzac, Peau chagr., p. 116); b) 1826 théâtre décore (Boulard, Dict. des arts du dessin ds Littré Suppl.); 1833 décors (G. Sand, Lélia, p. 141); 1837 décor (Scribe, Camaraderie, p. 326); d'où 1857 « apparence trompeuse, illusion » (Baudel., Les Fleurs du mal, p. 172); c) 1842 « ensemble naturel, paysage » (Banville, Cariat., p. 40); [1918 rentrer dans le/les décor(s) (sans réf. ds Esn.)]; 1919 (Vélo-Sport, 13 juill. ds Quem. 2es. t. 9); d) 1857 « milieu dans lequel vit, agit un être » (Flaub., MmeBovary, t. 1, p. 72). Au sens 1, empr. au lat. class. decus, decoris « ce qui convient, ce qui est séant »; au sens 2, déverbal de décorer*. Fréq. abs. littér. : 1 590. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 164, b) 1 730; xxes. : a) 3 456, b) 3 616. Bbg. Archit. 1972, pp. 154-155. − Duch. Beauté 1960, p. 91. − Uren (O.). Le Vocab. du cin. fr. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 207. |