| DÉBONNAIRE, adj. A.− [En parlant d'une pers.] Qui se caractérise par une grande bonté, une tendance à se montrer favorable et secourable à autrui. (Quasi-)synon. bienveillant, bon, généreux; (quasi-)anton. cruel, méchant.Il avait toujours été doux, courtois, patient et débonnaire aux pauvres gens; donnant facilement audience (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 91).Devoirs envers les autres, (...) être toujours loyal, débonnaire et même fraternel, le genre humain n'étant qu'une seule famille (Flaub., Bouvard, t. 2, 1880, p. 168): 1. M. Jacob faisait de vains efforts pour se donner une apparence rébarbative et cacher à ses élèves sa bonté; car il était, au fond, très doux; je devrais dire plutôt : débonnaire − et ce mot implique pour moi quelque chose d'enfantin dans le propos.
Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 495. − Subst. Louis XVI était un gros, un doux, un bon, un pacifiste, un débonnaire, un humanitaire. Un philosophe (Péguy, Argent,1913, p. 1244). B.− Par affaiblissement 1. [En parlant d'une pers., de son caractère] Qui est facile à vivre, qui se montre accommodant, conciliant dans ses rapports avec autrui. (Quasi-)synon. clément, indulgent, tolérant; (quasi-)anton. despotique, dur, intransigeant.Mon indépendance m'a permis d'être débonnaire, indulgent, facile (Amiel, Journal,1866, p. 158).L'œillade présage Des Dames belles, qui débonnaires me sont (Moréas, Pèlerin,1891, p. 75). 2. P. ext. [En parlant d'un aspect du comportement, d'une qualité] La religion chrétienne (...) facilite l'administration des peuples, (...) rend le commandement plus débonnaire et la dépendance moins chagrine (Bonald, Essai analyt.,1800, p. 22).Les habitudes de la maison étaient patriarcales et débonnaires (Flaub., 1reÉduc. sentim.,1845, p. 25). 3. P. anal. [En parlant d'un animal, d'une chose] Ils s'amusaient à exciter un brave chien débonnaire, qui sommeillait (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 277).Un gâteau architectural, aussi débonnaire et familier qu'il était imposant (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 506). C.− Péjoratif 1. [En parlant d'une pers., de son caractère] Qui se montre excessivement complaisant, par faiblesse de tempérament ou par bêtise. Vous eussiez supposé un caractère facile, niais et débonnaire à cet honnête vieillard essentiellement gobe-mouche (Balzac, Splend. et mis.1844, p. 135). − Emploi subst. L'empereur Louis était un faible. (...) Louis « le Pieux » fut encore surnommé par ironie le Débonnaire (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 40). − En partic. Qui se montre excessivement tolérant à l'égard des infidélités du conjoint. Mari débonnaire. Scipion déjà vieux, avait dans sa maison commerce avec une esclave, (...) la connivence d'une épouse débonnaire cachait seule sa honte domestique (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 77): 2. Son culte [de MmePrune] est vraiment touchant pour la mémoire de cet époux débonnaire [M. Sucre] qui ne suffisait peut-être pas à la fougue de sa nature, mais que paraient tant de qualités discrètes, et qui possédait comme pas un le tact de s'éclipser à propos.
Loti, La Troisième jeunesse de Madame Prune,1905, p. 73. 2. P. ext. [En parlant d'un aspect du comportement, d'une qualité] Une bonne femme, « die gute fraü » [sic] dont ils agréent la passion avec une complaisance débonnaire (Quinet, Allem. et Ital.,1836, p. 91).Cf. aussi amicalité ex. 1. 3. [En parlant d'une chose abstr.] La politique et la religion, ces deux sciences débonnaires et si prodigieusement faciles (...) que le premier galfâtre venu peut y exceller (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 10).Ces religions débonnaires, souriantes à tous vents, toujours en arrangements avec la tranquillité de vie et prêtes au contrat d'indulgence réciproque (Mounier, Traité caract.,1946, p. 744). Prononc. et Orth. : [debɔnε:ʀ]. Enq. : /deboner/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 de bon aire « de bonne souche, noble » (Roland, éd. J. Bédier, 2252); ca 1170 deboneres « id. » (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 378); ca 1176 [Amors] dolz et debonaire « bon, bienveillant » (Chr. de Troyes, Cligès, éd. M. Roques, 660); 1596, éd. 1643, péj. [propos attribué à Henri III : ceste parole impliquoit sous soy je ne sçay quoy du sot] (E. Pasquier, Les Recherches de la France, livre V, 3, p. 426 ds Gdf. Compl.). Dér. de de1*, bon(ne)1* et aire* au sens de « origine, souche » (v. aire étymol. II 2). Fréq. abs. littér. : 196. Bbg. Cohn (G.). Arch. St. n. Spr. 1899, t. 103, no3, p. 214. − Lew. 1960, p. 155. − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 236. |