| CROIRE, verbe trans. I.− Emploi trans. dir. A.− Croire + compl. 1. [Le compl. est un subst.] a) [Le subst. désigne une pers.] − Croire qqn.Attacher une valeur de vérité, ajouter foi à ce que dit une personne; tenir quelqu'un pour sincère, pour véridique; estimer vraies ses paroles. Si nous devions croire Jean-Jacques (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 161): 1. Alors, Pauline (...) lui raconta que le caissier [manchot] appuyait l'instrument [le cor] contre un mur; et il la crut parfaitement, en trouvant ça très ingénieux.
Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 523. ♦ Je vous/te crois; j'te crois (fam.). Je considère que ce que vous dites/tu dis est vrai. Bernard Grandin répondit avec un accent badin de conviction sincère : − Je te crois qu'elle est belle! (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1155). ♦ Croyez-moi, crois-moi. Pour confirmer ce que l'on dit et inviter l'interlocuteur à se ranger à son avis. Et croyez-moi, ne louez pas tant les femmes d'ici car elles ne vous louent guère (Anouilh, Répét.,1950, II, p. 52). − Croire + subst. + attribut du compl. : croire qqn + qualité.Prêter à quelqu'un une qualité. J'ai fait ce que j'ai pu pour qu'il me croie une garce, et, même, pour être, pour de bon, méchante (Audiberti, Mal court,1947, III, p. 180).Pauvre Simon, qu'elle avait cru poète! (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 182). b) [Le subst. désigne une chose] Croire qqc.Le tenir pour véritable. J'ai de la peine à croire cela (Ac.1835, 1878).Dieu vous l'avait donnée, Dieu vous l'a reprise (...). − Je n'aurais jamais cru ça de lui (A. France, P. Nozière,1899, p. 148). − Faire croire qqc. à qqn.Persuader quelqu'un d'une chose (gén. inexacte ou fausse). Qui a pu vous faire croire une pareille sottise? (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 89).On peut leur [aux intelligences médiocres] faire croire des choses différentes (Mounier, Traité caract.,1946, p. 621). − Expressions ♦ Croire quelque chose comme l'Évangile/comme parole d'Évangile/comme article de foi. Croire quelque chose très fermement comme étant très sûr. ♦ Croire tout comme article de foi. Être très crédule. Rem. Attesté ds Ac. 1835-1932 ainsi que ds Besch. 1845, Littré, Guérin 1892. ♦ Croyez cela et buvez de l'eau/ croyez cela et tenez-vous les pieds chauds. Ceci est absurde et vous ne pouvez le croire sans violer les lois de la raison et du sens commun. Rem. Attesté ds Lar. 19e-20eainsi que ds Besch. 1845, Littré et Rob. pour la 1reexpression. ♦ J'aime mieux le croire que d'y aller voir. En parlant de quelque chose dont on doute mais que l'on préfère croire plutôt que de le vérifier. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1835, 1878, ainsi que ds Lar. 20eet Quillet 1965. ♦ Si vous ne le croyez pas, allez y voir. En parlant à quelqu'un qui doute de ce qu'on lui affirme. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1835, 1878, ainsi que ds Lar. 20e. − Croire + subst. + attribut du compl.Être persuadé de, que. Lénine croyait cette tendance inévitable (Camus, Homme rév.,1951, p. 286). c) En croire (en explétif).Croire sur un sujet déterminé. − En croire qqn.Ajouter foi à ce que dit quelqu'un à propos d'une question et en raison de la personne; s'en rapporter à quelqu'un. Ce quelque chose, à en croire Valéry, serait essentiellement humain (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 159).Ces monstres qu'éveille, si l'on en croit Goya, le sommeil de la raison (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 332): 2. Son origine [de la cathédrale de Tolède] se perd dans la nuit des temps, et, s'il faut en croire les auteurs indigènes, elle remonterait jusqu'à l'apôtre Santiago...
Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 146. ♦ Croyez-m'en, si vous m'en croyez. Pour inviter quelqu'un à se ranger à un avis. Si vous m'en croyez, mon enfant, vous n'en ferez rien (Audiberti, Mal court,1947, I, p. 145). ♦ À l'en croire. Locution exprimant le doute; si l'on s'en rapporte à. − En croire qqc.S'en rapporter à quelque chose. Lucky, son hibou, son dernier compagnon, si je dois en croire les journaux (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 188).Si j'en crois l'histoire (Claudel, Raviss. Scapin,1952, p. 1342). ♦ Ne pas en croire ses yeux/ses oreilles. Ne pas se fier à ce qu'ont vu les yeux, ou entendu les oreilles, tant c'est étonnant et difficile à croire. Il obtint son effet de surprise. Nous avions peine à en croire nos oreilles, et il nous fallut une bonne minute pour réaliser cette extravagante aubaine (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 283). − En partic., emploi pronom. S'en croire.Avoir une haute opinion de soi-même, de son mérite, de sa valeur. S'en croire beaucoup. C'est un caractère difficile : elle s'en croit. Il y a sa mère aussi, qui se pousse du col (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 78).Elle est fière. Je dirais même qu'elle s'en croit un peu (Aymé, Cléramb.,1950, IV, 7, p. 226). 2. [Le compl. est une prop.] a) Croire + prop. complétive : croire que.Penser que, sans certitude absolue; considérer comme probable : 3. − Je crois que vous deviendrez aveugle, dit Ricarda.
− Je le sais, dit Pujolhac. Vous dites « je crois », moi, je dis « je suis sûr ».
Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 212. Rem. Selon la règle commune aux verbes déclaratifs, lorsque croire est affirmatif, on admet la certitude, la possibilité de ce qui va suivre et le verbe de la sub. est à l'ind. (cf. supra ex. 3); lorsque croire est négatif ou interr., on considère le fait comme douteux, même impossible, et le verbe de la sub. est au subj., à l'ind. fut. ou au cond. Vous croyez qu'elle accepterait? demanda-t-il (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 143). (cf. également infra ex. 4). − Faire croire que.Une maladresse de Chloé lui fait croire que Caracalla soupçonne la vérité (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 217).Elle voudrait me faire croire qu'elle est pucelle (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 150). − Expressions ♦ Croire que c'est arrivé. Prendre quelque chose au sérieux; s'imaginer que tout se déroulera selon les prévisions faites. Il a la drôle de tête de l'homme qui croit que c'est arrivé mais qui ne sait pas au juste comment ça va se terminer (Prévert, Paroles,1946, p. 147). ♦ Ne croyez pas. Précaution oratoire employée pour introduire une phrase et l'atténuer : 4. L'insulte est la monnaie courante, quelques très grands metteurs en scène vont jusqu'à la gifle. Et ne croyez pas que cela soit gratuit. Cela se sent toujours, après, quand on écoute la pièce, si le maître a été vraiment viril.
Anouilh, La Répétition,1950, II, p. 50. ♦ Ne croyez-vous pas que? Pour atténuer une question. Ne croyez-vous pas que Monsieur l'a terrorisée en entrant? (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 3etabl., 10, p. 1639). ♦ Il faut croire que. Il est vraisemblable que. Il faut croire que la tunique allemande leur seyait peu, puisqu'ils furent soupçonnés (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 236). b) Croire + inf. − Croire + inf. + compl.Avoir l'impression ou admettre que quelque chose est certain. Werbrust et Gigonnet ont cru me faire une farce (...) je vais bien rire ce soir à leurs dépens (Balzac, Gobseck,1830, p. 410).Je crois voir, la nuit, sous les meubles, un chat qui me regarde (A. France, Hist. comique,1903, p. 2). − Croire + inf. + inf. (pouvoir ou un autre verbe).Avec valeur d'auxiliaire et constituant une manière d'atténuer une affirmation. Je crois devoir vous dire très simplement que je souhaite pour la France et pour vous, mon Général, que vous sachiez et puissiez échapper au désastre (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 269): 5. ... je n'étais pas seule à être exaspérée par cette habitude qu'a prise Robert de toujours dire qu'il a « cru devoir faire » tout ce que, simplement, il a fait parce qu'il en avait envie, ou bien, plus souvent encore, parce qu'il lui paraissait opportun d'agir ainsi. Ces derniers temps, il perfectionne; il dit : « J'ai cru de mon devoir de... » comme s'il n'agissait plus que mû par de hautes considérations morales.
Gide, L'École des femmes,1929, p. 1280. 3. [Le compl. est un adj.] Croire + adj. + de + inf.Croire nécessaire de, croire utile de. Juger, estimer le bien-fondé d'une action, d'un acte, exprimé par l'infinitif. Pour plus de sûreté, elle avait cru bon de quitter Annecy (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 67). B.− Absolument 1. Accepter des vérités certaines comme vérité par adhésion de l'esprit, mais également par acte de volonté. Croire, c'est considérer comme vraie une certaine connaissance; c'est juger qu'elle est conforme à ce qui est (Jouffroy, Mél. philos.,1833, p. 164): 6. [James Knight à Wilfred] − (...) on peut croire d'une certaine manière, je ne sais comment, avec la tête, sans doute. Et puis on peut avoir jusque dans la moelle des os la certitude que ce qu'on croit est vrai. Ça, c'est le don de Dieu.
Green, Chaque homme dans sa nuit,1960, p. 236. 2. Spéc. Avoir la foi religieuse : 7. Dans la solitude, j'avais entendu la voix du Seigneur (...). Dès lors, le doute fut chassé de mon cœur; je crus et je priai!
Dumas père, Paul Jones,1838, IV, 3, p. 184. 3. Par affaiblissement ♦ Je crois (en prop. incise). À mon avis, dans mon opinion, autant que je sache. « Quand tout le monde a tort, tout le monde a raison », dit (je crois) Mirabeau (Green, Journal,1950, p. 359). ♦ Tu crois? Vous croyez? Formule polie indiquant le scepticisme devant une affirmation : 8. ... Hamlet, Othello, Antoine et Cléopâtre. Il est indispensable que tu les connaisses au moins de cette manière-là.
− Tu crois?
− Mais oui.
Green, Moïra,1950, p. 189. ♦ Je crois bien. Cela ne m'étonne pas. II.− Emploi pronom. A.− Se croire + compl.Imaginer quelque chose comme réel; s'imaginer être... 1. Se croire + attribut a) [L'attribut est un adj.] Cet homme se croit habile (Ac.1798-1932).Il n'y a que des dupes qui puissent se croire utiles à leurs semblables (Balzac, Gobseck,1830, p. 390).Vous vous croyez admirable, alors que votre attitude a quelque chose d'assez vil (Montherl., Celles qu'on prend,1950, II, 4, p. 804). b) [L'attribut est un subst.] :
9. Ils [les hommes] se croient architectes, maçons, gendarmes, prêtres, tisseurs de lin, ils se croient pour leurs intérêts ou leur bonheur et ils ne sentent pas leur amour, de même que ne sent point son amour celui qui vaque dans la maison tout absorbé par les difficultés du jour.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 813. − Pop. et fam. Se croire le premier moutardier du pape. Se donner de l'importance et être persuadé qu'on en a beaucoup. 2. Se croire + compl.Je vous ferai mes compliments bien sincères sur l'ordonnance de cette fête (...). On se croirait vraiment à Versailles (Dumas père, Les Demoiselles de Saint-Cyr,1843, III, 7, p. 154). B.− Absol., péj. et fam. Avoir une haute opinion de soi-même; être rempli de vanité, de présomption, d'orgueil (cf. ex. 9). III.− Emploi trans. indir. A.− [Le compl. est précédé de à] Croire + à + subst.Être persuadé de quelque chose par adhésion de l'esprit, de manière rationnelle, mais aussi avec confiance. 1. [Le subst. désigne une pers.] Croire à qqn. a) Être persuadé de l'existence réelle de quelqu'un. Croire à Dieu, au diable. Il m'a même dit qu'il avait cru au diable avant de croire à Dieu (Gide, Journal,1914, p. 491).Certains ont cru aux anges, aux démons, aux génies (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 878): 10. − Et puis quand il va s'apercevoir que je me suis fichue de lui, dit Sylvaine, ça va être terrible!
− Oh! il a cru au gosse; il croira bien à une fausse couche.
Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 135. − Croire au Père Noël (cf. Sartre, Mort ds âme,1949, p. 53 et 254).Être très naïf; se faire beaucoup d'illusions. b) Croire à une catégorie de personnes, y ajouter foi; s'y fier. Croire aux astrologues, aux médecins (Ac.1798-1932).Ce qui lui manquait [à Manette] pour l'aimer [Coriolis], c'était d'y croire, d'avoir foi en lui (Goncourt, M. Salomon,1867, p. 217).Ne te fie pas à la jeunesse, crois aux vieillards (A. France, Vie littér.,1890, p. 357): 11. Ce groupe met à sa tête un homme que j'estime comme particulier, auquel je ne crois pas comme homme politique...
Sand, Correspondance,t. 3, 1812-76, p. 211. 2. [Le subst. désigne une chose] Croire à qqc. a) Penser que quelque chose a une existence réelle. Croire à l'âme, à l'immortalité. Vous m'avez dit, mon Dieu, de croire à l'enfer (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 189): 12. Les plus grands esprits sont toujours des esprits sceptiques. Ils croient cependant à quelque chose : ils croient à tout ce qui peut les rendre plus grands. C'est le cas, par exemple, de Napoléon, qui croyait à son étoile, c'est-à-dire à soi-même. Or, ne pas croire aux croyances communes, c'est évidemment croire à soi, et souvent à soi seul...
Valéry, Variété III,1936, p. 220. − Croire à qqc. dur comme fer. Y croire fermement, sans en démordre. Il [Leconte de Lisle] a cru dur comme fer à une Grèce qui n'a jamais existé que dans le cerveau de son ami [Louis Ménard] (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 4). b) Avoir confiance en quelque chose. Croire à l'avenir, à la révolution. Ah, messieurs! croyez à l'Assemblée de vos représentants (Le Moniteur,1789, p. 347).[Ils] ont cru aux dés (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 569): 13. Car il [Brichot] avait cette curiosité, cette superstition de la vie, qui unie à un certain scepticisme relatif à l'objet de leurs études, donne dans n'importe quelle profession, à certains hommes intelligents, médecins qui ne croient pas à la médecine, professeurs de lycée qui ne croient pas au thème latin, la réputation d'esprits larges, brillants, et même supérieurs.
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 251. 14. ... vous êtes capable de mourir pour une idée, c'est visible à l'œil nu. Eh bien, moi, j'en ai assez des gens qui meurent pour une idée. Je ne crois pas à l'héroïsme, je sais que c'est facile et j'ai appris que c'était meurtrier. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime.
Camus, La Peste,1947, p. 1349. − Veuillez croire à ..., je vous prie de croire à... (mes amitiés, mes sentiments). Formule épistolaire de politesse. [Je] vous prie de croire, mon Général, à mes sentiments profondément et fidèlement dévoués (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 571). c) Penser qu'il peut s'agir de quelque chose; penser que quelque chose est probable. On ne peut rien dire encore (...). Je croirais à une fièvre cérébrale. L'excitation nerveuse est très intense (A. France, P. Nozière,1899, p. 24): 15. On peut l'avoir poussée, certes, mais sans lui donner de coups, sans qu'elle se défende...
− On ne l'a pas poussée.
− Vous croyez donc à l'accident?
Simenon, Les Vacances de Maigret,1948, p. 62. − C'est à n'y pas croire (cf. Gracq, Syrtes, 1951, p. 338). C'est inouï; ceci est si peu vraisemblable qu'il semble difficile à croire. B.− [Le compl. est précédé de en] Croire + en + subst.Apporter une adhésion totale mais personnelle, en y attachant une valeur éthique qui porte l'individu à se comporter en conséquence avec confiance et amour. 1. [Le subst. désigne une pers.] Croire en qqn.Avoir confiance en lui. Pour aimer la gloire, il faut faire grand cas des hommes; il faut croire en eux (Valéry, Tel quel I,1941, p. 34).Vous avez perdu confiance, vous ne croyez plus en moi, on ne croit plus en moi, c'est ce qui me tue (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 939): 16. La Ville-aux-Fayes croyait d'ailleurs en son Maire. La capacité de Gaubertin n'était pas moins prônée que sa probité, que son obligeance; il appartenait à ses parents, à ses administrés tout entier, mais à charge de revanche.
Balzac, Les Paysans,1844-50, p. 176. − Croire en Dieu. Croire à son existence et avoir beaucoup d'amour et de confiance en Lui; avoir la foi : 17. À peine quelque préjugé est-il détruit par le tems, qu'on le voit remplacé par d'autres. Qu'y avons-nous gagné? Nous ne croyons plus en Dieu; mais nous croyons au diable : nous nous moquons des martyrs, et nous révérons les magiciens; nous rions des mystères, et nous redoutons les prestiges; nous jouons les esprits forts, et nous sommes des illuminés.
Marat, Les Pamphlets,Les Charlatans modernes, 1791, p. 258. − Croire en soi. Être confiant en soi-même, en sa valeur, en son mérite, en ses possibilités. Mais seraient-elles [les circonstances actuelles] un obstacle insurmontable si vraiment je croyais en moi avec la foi, avec l'illusion, de jadis? (Martin du G., Souv. autobiogr.,1943, p. CXXI). 2. [Le subst. désigne une chose] Croire en qqc.Avoir confiance en quelque chose : 18. ... le temps pendant lequel tu auras cru en quelque fausse nouvelle t'aura grandement déterminé, car elle sera travail de graine et croissance de branches. Et ensuite, même si te voilà détrompé, tu seras autrement devenu.
Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 855. Rem. Noter également la forme croire dans, contraction de croire en le ou, devant un nom plur., croire en les. − En faire croire. Abuser de la crédulité. C.− Croire + de (cf. I A 3 croire nécessaire de, croire bon de).Croire de son devoir de. S'imaginer qu'on a le devoir de. Il croyait de son devoir d'accompagner l'annonce d'un petit commentaire particulier (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 282). Rem. On rencontre dans la philos. un emploi subst. de l'inf. du verbe au sens de « fait de croire ». Je suis venu, disait-il [Kant], supprimer le « savoir » pour y substituer le « croire », ce qui ne signifiait pas détruire la science, mais la situer (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 96; cf. également Du Bos, Journal, 1926, p. 88). Prononc. et Orth. : [kʀwɑ:ʀ] ou [kʀwa:ʀ]; (je) crois [kʀwɑ] ou [kʀwa]; (nous) croy(i)ons [kʀwɑ(a)jɔ
̃]; (vous) croy(i)ez [kʀwɑ(a)je]; cru [kʀy]. [ɑ] post. ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Fél. 1851 et Passy 1914; cf. aussi ds Rouss.-Lacl. 1927, p. 130, Grammont Prononc. 1958, p. 28, et G. Straka, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 20, pour lequel ,,[ɑ] dans le groupe [wɑ] est devenu postérieur sous l'influence de l'r vélaire précédent``. [a] ant. ds Land, 1834, Nod. 1844, Littré, DG, Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; [ɑ] ou [a] ds Pt Rob. et ds Warn. 1968. À l'époque de Fér. Crit. t. 1 1787 si l'on prononce [kʀwɑ(a):ʀ] dans le lang. soutenu, il y a encore hésitation entre la prononc. mod. et la prononc. [kʀ
ε:ʀ] (creire ou craire) qui est la prononc. de la diphtongue oi par le peuple de Paris dep. env. 1300 surtout apr. consonne + r. Besch. 1845 transcrit [kʀwε:ʀ] qui est l'avant-dernier stade d'évolution de la diphtongue oi. Pour l'évolution de cette diphtongue cf. aboyer et Bourc.-Bourc. 1967, § 54 Hist. Grammont Prononc. 1958, p. 90, souligne qu'il n'y a aucune différence dans la prononc. entre croyions et croyons, croyiez et croyez, et qu'introduire une différence en doublant yod serait tout à fait artificiel et pédant. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Homon. : formes du verbe croître (noter l'accent circonflexe qui permet de distinguer les 2 verbes crois et croîs), croix et formes du verbe croire. Étymol. et Hist. A. « Croire à l'existence de qqn, de qqc. » 1. relig. a) 2emoitié du xes. credre in Deu (St Léger, éd. J. Linskill, 186); ca 1100 creire en Deu (Roland, éd. J. Bédier, 1473); b) fin xes. credre [Dieu, etc.] (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 456), qualifié de ,,vieux`` dep. Lar. encyclop.; c) 1remoitié xiies. creire a Deu (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, LXXVII, 8); d) 1remoitié xiies. creire intrans. (ibid., CXV, 1); 2. en gén. av. 1662 croire à (l'innocence de qqn, etc.) (Pascal, Pensées ds
Œuvres, éd. L. Brunschvicg, t. 14, p. 343). B. « Admettre quelque chose pour vrai, ajouter foi aux paroles de qqn » 1. a) 2emoitié xes. credre [qqc.] (St Léger, 188); b) ca 1440 croire intrans. (L'Amant rendu cordelier, éd. A. de Montaiglon, p. 11, 207); d'où 1622 subst. masc. (F. Garasse, La Recherche des « Recherches », p. 806 ds La Curne); 2. a) fin xes. credre [à qqn] « ajouter foi à ses paroles » (Passion, 438) − 1787, Fér. Crit. t. 1; b) mil. xies. en croire [qqn] (Alexis, éd. Chr. Storey, 205); xiies. en croire ses yeux (Chrétien de Troyes, Chanson II, 34 ds Perceval, éd. Hilka, p. 803); c) ca 1100 creire [qqn] (Roland, 1728); 3. a) ca 1160 croire « penser, être d'avis que » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1054); b) ca 1211 croire qqn + attribut (Guillaume Le Clerc, Bestiaire, éd. R. Reinsch, 1334), attest. isolée; de nouv. av. 1625 (H. d'Urfé ds Guérin); c) ca 1600 croire qqn dans un lieu, dans une situation (A. d'Aubigné, Confession cath. du sieur de Sancy ds
Œuvres complètes, éd. E. Réaume, t. 2, p. 281). C. « Faire confiance à qqn, à qqc. », ca 1100 creire [qqn] (Roland, 3406); xiies. croire un conseil, etc. (Gd mal fit Adam, I, 8 ds T.-L.); ca 1181 croire [en qqc., en qqn] (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 8526) − 1512, P. Gringore, Jeu du prince des sots ds
Œuvres complètes, éd. A. de Montaiglon, t. 1, p. 258; de nouv. av. 1847 (Fr. Soulié ds Lar. 19e); 1539 croire a la parolle [de qqn] (Est.); av. 1662 croire aux astrologues, aux médecins, etc. « croire à leur pouvoir » (Pascal ds Lar. 19e); 1665 croire à un remède « croire en son efficacité » (Molière, Dom Juan, III, 1 ds Théâtre complet, éd. R. Jouanny, t. 1, p. 743). Du lat. class. credere, proprement « confier en prêt » d'où, au fig., « se fier, avoir confiance », « admettre pour vrai (ce que dit qqn) »; sens relig. développé en lat. chrétien. Fréq. abs. littér. : 78 833. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 116 246, b) 110 528; xxes. : a) 103 369, b) 114 688. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 124. − Cohen 1946, pp. 33-34. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 257-260. − Lefèvre (J.). Loc. fr. et gastr. Vie Lang. 1972, p. 579. − Rog. 1965, p. 103, 179. − Sørensen (F.). À propos de la règle de formation d'obj. R. rom. 1975, t. 10, no1, pp. 158-173. − Thomas (J.). Croire tenir Dieu par les pieds. Z. rom. Philol. 1958, t. 74, pp. 413-423. |