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CRASSE1, subst. fém.
I.− [L'idée dominante est celle de couche apparue à la surface d'une chose]
A.− Couche de saleté qui se forme sur la peau, le linge, les objets. Crasse repoussante; une couche de crasse, noir de crasse; puer la crasse. Synon. saleté.Des meubles obscurcis et glacés par les crasses (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 237).Des cafés au comptoir verni de crasse, saupoudré de pattes et d'ailes de mouches (Camus, Été,1954, p. 20).
1. Il trempa son pied droit dans l'eau, le prit dans sa main et commença à le frotter. La crasse s'en allait par boulettes. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 74.
SYNT. Crasse collante, grisâtre, luisante, noire; une bande, un enduit, des écailles de crasse; l'odeur de la crasse; brun, luisant, enduit, plein, recouvert de crasse; sentir la crasse.
En partic. Pellicule de saleté, de vernis vieilli sur un tableau. Synon. patine.Le noir, l'effet sombre se produit dans ces derniers [les tableaux à l'huile] par la carbonisation de l'huile mais plus encore par la crasse des vernis (Delacroix, Journal,t. 3, 1857, p. 32).
P. anal.
Brouillard, crachin; nuages très épais. Synon. brouillasse.Ce sacré vent ne serait rien, me hurle le pilote à l'oreille. L'empoisonnant, c'est la crasse! Pas besoin d'explication. Je le comprends de soi : la crasse, c'est la brume (Tharaud, Paris-Saïgon,1932, p. 29).
Rem. La docum. atteste l'adj. crassineux, euse, région. Brumeux. Le temps est si crassineux (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 2).
Région. Écume. Ces raisins, chargés de vertus, dégorgent leur excès en une « crasse » fastueuse, qui surnage écumante, s'assemble à la rigole du pressoir, l'engorge de caillots (Colette, De ma fenêtre,1941, p. 148 ds Rob. Suppl. 1970).
P. métaph. Cela nettoiera les consciences et enlèvera la crasse épicière qui obscurcit les cerveaux (Flaub., Corresp.,1866, p. 229):
2. Il arrive (...) que l'on soit contraint à l'analyse délicate qui distinguera dans ce qui nous reste d'un passé, ce qui mérite qu'on le respecte de ce qui exige qu'on s'en défasse. Il n'est pas toujours aisé de séparer la crasse de la patine... Valéry, Degas, danse, dessin,1936, p. 157.
La crasse de... (suivi d'un nom abstr.). Des écoliers assez intelligents, mais qu'il serait forcé de tirer par ses leçons de la crasse de l'ignorance (Sand, Consuelo,t. 2, 1842-43, p. 357).Toute la crasse d'ignorance et d'erreur que son prédécesseur Chagnat avait laissé volontairement s'amasser commençait à disparaître (Zola, Vérité,1902, p. 209).
B.− P. méton., emplois techn. Déchets ou défauts qui apparaissent, principalement, lors d'une opération de transformation.
1. MÉTALL. Scories d'un métal en fusion. Synon. laitier.
a) Résidus des métaux quand on les frappe sur l'enclume.
b) Matières terreuses contenues dans la houille ou autres substances combustibles.
P. ext. ,,Tout résidu qu'une entreprise métallurgique ne peut pas réutiliser et qu'elle est obligée, de ce fait, de jeter`` (Bader-Th. 1962). Couler, dissoudre, évacuer les crasses; cuve à crasses. Cf. crassier.Ces crasses de houille dont elle [l'industrie] obstrue nos vallées (Barrès, Pitié églises,1914, p. 341).
Rem. Cette accept. fait l'obj. d'une entrée spécifique, au plur. ds Ac. 1798-1835, Besch. 1845, Littré, Lar. Lang. fr.
c) ,,Défaut d'une pièce de fonderie occasionnée par un entraînement de scories au moment de la coulée; c'est généralement un défaut de surface`` (Bader-Th. 1962).
2. MÉD., vx. Crasses parasitaires. ,,Lésions épidermiques causées par des champignons microscopiques, tels le pityriasis versicolore, l'érythrasma, les épidermicoses, les teignes`` (Lar. méd. 1970). Crasses non parasitaires. ,,Dermite en forme de calotte, du cuir chevelu due à des sécrétions sébacées anormales`` (Lar. méd. 1970). Synon. croûtes de lait.
II.− [L'idée dominante est celle d'une ambiance malpropre et/ou misérable]
A.− Saleté (généralement subie), malpropreté. Une maison (...) d'une décrépitude et d'une crasse repoussantes (Zola, Argent,1891, p. 156).
Vivre dans la crasse (pop.). ,,Se complaire dans une extrême malpropreté`` (Éd. 1967).
P. métaph. Humanité, crasses et cacas! (Verlaine, Œuvres compl.,t. 3, Dédicaces, 1890, p. 92).J'avais du goût pour l'ordure et la crasse (Queneau, Si tu t'imag.,1952, p. 25).
B.− Au fig.
1. Condition sociale inférieure et misérable.
Loc. Être né dans la crasse. Être issu d'un milieu très pauvre. Tomber dans la crasse. Déchoir de rang, de fortune. Sortir de la crasse. ,,Parvenir à s'élever au-dessus de sa condition première soit par un labeur acharné soit à la suite d'un héritage ou d'un coup de chance`` (Éd. 1967).
Spéc. Extrême dénuement. Synon. misère, mouise (pop.), merde (fam.).Un dénuement parfois, aux moments sombres, qui touche à la crasse (Arnoux, Zulma,1960, p. 17):
3. [M. Homais, à Justin :] ... j'aurais (...) mieux fait de te laisser autrefois croupir dans ta misère et dans la crasse où tu es né! Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 95.
2. Mode de vie, de pensée, de sensibilité, etc.
a) Avarice sordide. Synon. ladrerie, lésinerie :
4. Oh! je crois qu'Antoine est encore plus avare (...). Toutes les mêmes, ces grandes familles corses : crasse et vanité. Ça mange, dans de la vaisselle plate à leurs armes des châtaignes dont les porcs ne voudraient pas... A. Daudet, Immortel,1888, p. 20.
Loc. À la crasse! à la crasse! ,,Cri des enfants à la sortie des baptêmes, lorsque le parrain et la marraine ne leur jettent pas de dragées`` (Guérin1892).
b) Mesquinerie, médiocrité, ignorance. Tiburce, entièrement débarbouillé de sa crasse provinciale, avait l'air ennuyé (Zola, M. Férat,1868, p. 254).Je l'avais indigné [Moreau] en lui disant que la guerre était le seul moyen de sortir de la crasse où nous vivons (Beauvoir, Invitée,1943, p. 291).
III.− Au fig. [L'idée dominante est celle d'une action moralement inavouable et que subit un partenaire]
A.− [Désigne une action] Fam. Faire une, des crasses à qqn. Jouer un mauvais tour à quelqu'un. Synon. vilenie, entourloupette, tour de vache, de cochon, rosserie, vacherie (fam.) :
5. J'ai supporté longtemps sa terrible fausseté, me dit-elle [Albertine], sa bassesse, les innombrables crasses qu'elle [Gisèle] m'a faites (...). Mais le dernier trait a tout fait déborder. Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 888.
B.− [Désigne une pers.] Région. (Canada)
1. [En constr. d'apostrophe] Emploi hypocoristique. Apostrophe adressée à un enfant. Petite crasse! Synon. coquin, fripouille.
2. [En constr. d'attribut du suj. avec valeur d'adj.] Canaille, personne malhonnête, méprisable. Faut' en défier, il est crasse (Canada1930).
Prononc. et Orth. : [kʀas]. Passy 1914 transcrit [ɑ] post. À comparer avec l'adj. qu'il transcrit par [a] ant. Pour Buben 1935, § 55 l'[a] surprenant dans le mot ,,s'explique probablement par les deux raisons suivantes : dans matière crasse, humeur crasse il s'agit d'une expression savante et -ass- s'y prononce de la même manière que dans massif, classique, etc. ([a] ant.); dans ignorance crasse et faire une crasse à quelqu'un, il s'agit d'une prononc. affective dont le propre est de se distinguer de la prononc. normale``. Aussi peut-on dans ce dernier cas entendre [ɑ] post. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [Ca 1327 d'apr. Bl.-W.1-5]; xves. « partie la plus grossière » le crasse de sons (Médicinaire Namurois, éd. J. Haust, p. 200, 265); 2. 1611 « rusticité, défaut d'urbanité » (Cotgr.); 3. 1666 « avarice sordide » (Boileau, Satires, 159); 4. 1611 technol. « scories d'un métal en fusion » crasse de bronze (Cotgr.); 5. 1853 fig. faire des crasses à quelqu'un (Flaub., Lettre à L. Collet, 23, 1253 ds Quem.). Substantivation de crasse* adjectif.