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CRAMPONNER, verbe.
A.− Emploi trans.
1. TECHNOLOGIE
a) Attacher, assembler au moyen d'un ou de crampon(s). Anton. décramponner.Cramponner les pierres d'une assise entre elles au moyen de queues d'aronde de fer ou de bronze coulées en plomb (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 29):
1. Nous avons une pompe, et le tuyau de plomb était cramponné contre la paroi du puits. Le crampon ou les crampons ont dû lâcher. Le tuyau s'est décollé, on pourrait dire, et il fait le serpent dans le vide. Giono, Solitude de la pitié,1932, p. 17.
b) Mettre des crampons à (un fer à cheval); mettre des fers à crampons à (un cheval).
Rem. Cet emploi est attesté par Ac. 1798-1932 et la plupart des dict. encyclopédiques.
2. Usuel
a) P. anal. Accrocher, agripper fermement. Entailler la glace devant lui d'encoches où cramponner ses pieds et ses mains (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 193).Il m'entraîne vers la sortie du côté du Louvre (...) Il me cramponne par la manche (Céline, Mort à crédit,1936, p. 540).
b) Fig. et fam. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Retenir (quelqu'un) de manière importune et avec insistance. Synon. (partiels) ennuyer, importuner.[Il] devrait avoir la délicatesse de ne pas vous cramponner avec ses invitations (Aymé, Mouche,1957, p. 167):
2. ... il [Jacques] trouvait mille prétextes pour expliquer ce retard. On avançait (...) ou bien sa montre s'était arrêtée (...) ou encore il avait été « cramponné » par quelqu'un. Gyp, Leurs âmes,1895, p. 198.
B.− Emploi pronom. [Avec compl. introduit par à]
1. [Le compl. prép. désigne une chose ou une pers.] S'accrocher, s'agripper fermement à. Se cramponner à qqn, au bras de qqn, à la table. Il [Parent] redescendit lentement, en se cramponnant à la rampe pour ne point tomber (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, M. Parent, 1886, p. 593).Qui se cramponnait à la crinière de sa monture pour ne pas être désarçonné (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 62):
3. La mer montait, les hommes se cramponnaient à l'épave en reculant devant l'eau pas à pas : on ne leur aurait pas fait lâcher prise à coups de hache, me disait le capitaine. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 266.
Emploi abs. [Pour annoncer une déclaration surprenante] Cramponnez-vous! Synon. Tenez-vous bien!Et il [Mathieu] a inventé, écoutez bien et cramponnez-vous, il a inventé le saoulomètre (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Normand, 1882, p. 70).
P. métaph. Un arbre secoué par l'orage se cramponne à la terre de toutes ses racines (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 231).
Être cramponné à. Le petit écolier cramponné au chapiteau (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 21).Ses mains sont cramponnées à ses genoux (Giono, Regain,1930, p. 127).
2. Au fig.
a) [Le compl. introduit par à désigne un élément de situation, une réalité soc., psychol.] Tenter de conserver, ne pas vouloir renoncer à. Se cramponner à un bénéfice, à ses principes, à des souvenirs, au travail. Synon. s'accrocher à.Il [le Petit Chose] se cramponne à la vie (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 341).Il faut bien se cramponner toujours à quelque espérance (Mérimée, Lettres à Viollet-le-Duc,1870, p. 178).Elle se cramponnait à de vieux mythes (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 558):
4. ... le personnel politique de Vichy demeure égal à lui-même : il s'accroche aux places et se cramponne au pouvoir ... L'Œuvre,21 janv. 1941.
Être cramponné à.Cet homme cramponné à son passé (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 220).
b) [Sans compl. introduit par à] Tendre sa volonté, tenir bon. Pour « tenir le coup », je me raidis, me cramponne et toute ma volonté s'y use (Gide, Journal,1946, p. 304).
[Avec un compl. introduit par contre] Résister avec obstination. Il fallait qu'il se cramponne ferme contre le torrent des idées (Céline, Mort à crédit,1936, p. 403).Se cramponner contre la tentation de la noblesse (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1501).
C.− Emploi intrans. Progresser avec des crampons (cf. crampon A 2 b alpinisme) :
5. Il examina la suite de l'ascension. C'était tout en glace. « Remettons les crampons! » Ils eurent à surmonter de grandes difficultés, mais Brigitte cramponnait avec beaucoup d'aisance et Peau-d'Âne taillait, le moins possible, de courtes encoches pour les mains et des nids de pigeon pour le bout des souliers. R. Frison-Roche, Retour à la montagne,Paris, Le Livre poche, 1971 [1957], p. 316.
Rem. 1. On rencontre ds la docum. a) Le part. passé cramponné, ée en emploi adj., hérald. Cramponné. Se dit des pièces, principalement des croix, dont une ou plusieurs branches sont terminées en crampon (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 759). b) Le part. prés. cramponnant, ante, en emploi adj. au sens de « importun ». Cette jalousie soupçonneuse, contrôleuse, cramponnante, des êtres qui se sont rencontrés (...) n'est faite que de la peur harcelante de la solitude (Maupass., Sur l'eau, 1888, p. 326). 2. Lar. encyclop. et Rob. Suppl. 1970 citent le subst. masc. cramponnage. Progression avec des crampons (cf. supra C).
Prononc. et Orth. : [kʀ ɑ ̃pɔne], (je) cramponne [kʀ ɑ ̃pɔn]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. cramponer. Étymol. et Hist. 1. 1428-29 « fixer au moyen de crampons » (Compte d'ouvrages, 5eSomme de mises, A. Tournai ds Gdf. Compl.); 2. 1616-20 se cramponner « s'accrocher, s'agripper » (D'Aubigné, Hist., II, 209); 3. 1690 fig. (d'un animal) avoir l'âme cramponnée (Fur.). Dér. de crampon*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 439. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 353, b) 849; xxes. : a) 650, b) 718.