| COÛTER, verbe. A.− Emploi intrans. [Le verbe est suivi d'un compl. de prix : adj. ou adv. à valeur nom. ou subst., introduit par de (pour indiquer une quantité indéterminée) ou non (pour indiquer une quantité déterminée)] 1. Être mis en vente, être acheté à tel ou tel prix. Coûter cher. Vx. Cela lui coûte bon, lui coûte bel et bon (Ac.1835, 1878).Quarante bouteilles d'un certain Château-Margaux (...) coûtant vingt-cinq francs la bouteille (Goncourt, Journal,1879, p. 9).Nous tombâmes d'accord qu'elle devait coûter telle quelle au moins dans les cent mille francs la péniche (Céline, Voyage,1932, p. 492). − [Sans compl. de prix] Être mis en vente, être acheté à un prix élevé : 1. ... on a des frais. Le travail va moins fort, les habitudes sont changées, on est obligé de manger autrement : tout coûte.
Aymé, La Jument verte,1933, p. 248. 2. P. ext. Entraîner telle ou telle dépense. Coûter de l'argent, coûter les yeux de la tête (fam.), coûter chaud (pop.). Il lui coûte gros, ce gamin... la semaine dernière, elle l'a encore habillé tout à neuf (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 331).Un appartement qui coûte fichtre bien mille francs par an (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 185): 2. Il l'avertit que ça coûterait ce que ça coûterait, mais que pour le dernier déjeuner de leur voyage, ils iraient à quelque restaurant du bois.
Mauriac, Thérèse Desqueyroux,1927, p. 201. − Impers. Il coûte beaucoup à bâtir (Ac.1835-1932).Non, non! ça coûtait trop cher s'il fallait quitter son coin! (Zola, Terre,1887, p. 349): 3. Il fallut transporter le grand quartier général à Beauvais (...) et il en coûta 5 ou 600 000 francs au Trésor, rien que pour transporter à Beauvais l'énorme organisation téléphonique et télégraphique qu'on avait peu à peu réalisée à Chantilly.
Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 440. Rem. 1. On rencontre ds la docum. les constr. suiv. : il (en) (ou fam. ça, cela) coûte + compl. de prix. a) à, de, pour + inf. ou prop. inf.; b) si, quand, + prop. cir. 2. Les constr. se retrouvent dans tous les autres cas d'emploi impers., avec ou sans compl. de prix ou d'objet. − Fam. [Sans compl. de prix] Entraîner une forte dépense. Des enfants (...) qui coûtaient depuis leur naissance, qui devaient rapporter maintenant! (Zola, Germinal,1885, p. 1293): 4. Je veux « écrire », n'est-ce pas, écrire des livres, des romans... ça coûte, pour commencer; et après, ça ne rapporte pas grand'chose...
R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 170. ♦ Impers. : 5. Ce roi eut un ministre (...) qui aimant fort les femmes, les voulut avoir toutes; j'entends celles de la Cour qui en valaient la peine; il paya et les eut. Il lui en coûta.
P.-L. Courier, Pamphlets pol.,Simple discours à l'occasion d'une souscription pour l'acquisition de Chambord, 1821, p. 82. B.− Emploi trans., au fig. [Le compl. d'obj. est un adj. ou un adv. à valeur nom., ou un subst. introduit par de (pour indiquer une chose indéterminée) ou non (pour indiquer une chose déterminée)] 1. Nécessiter la réalisation d'une chose difficile et/ou désagréable. Les efforts que ce travail m'a coûtés (Ac.1932).Que de peines cette œuvre [Louis Lambert] aura coûtées (Balzac, Corresp.,t. 2, 1833, p. 263).L'on ne saurait vraiment récompenser que de ce qui a coûté quelque peine (Gide, Journal,1941, p. 98): 6. Elle mangeait (...) à sa faim, mais qu'est-ce que cela coûtait de courses, d'heures de queues, d'ingéniosité!
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 208. − Impers. Quoi qu'il en puisse coûter, ne donnons jamais démission de nous-même (Barb. d'Aurev., 1erMemor.,1838, p. 40).Pourquoi donc que ça vous coûterait tant de mourir? (Bernanos, Imposture,1927, p. 488): 7. Arrivé au lieu de l'embarquement, il s'y trouva deux bâtiments pour le transporter, l'un français, l'autre anglais. Napoléon se jeta dans la frégate anglaise, disant qu'il lui en coûterait trop qu'on pût jamais dire qu'un français l'avait déporté.
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 2, 1823, p. 324. − Emploi abs. Il donne presque tout le temps l'impression qu'il s'amuse, que rien ne lui coûte, qu'il est à la fête (Green, Journal,1933, p. 127). ♦ Impers. Je change d'habitude et il m'en coûte pour me mouler aux nouveaux objets (Maine de Biran, Journal,1817, p. 36).Une jeune personne est romanesque, quand ça lui coûte de se marier comme on se marie, avec un monsieur comme les autres (Goncourt, R. Mauperin,1864, p. 208). ♦ Loc. Coûte que coûte. Le bien est un chemin mauvais qu'il faut poursuivre coûte que coûte (Verlaine,
Œuvres posth.,t. 2, Voy. Fr., 1896, p. 83): 8. Il fallait ne reculer à aucun prix. Ne pas céder sans combat un pouce de terrain, mais se maintenir coûte que coûte sur place, avec la dernière énergie...
Foch, Mémoires,t. 2, 1929, p. 22. − Par litote. [Avec l'emploi d'une négation] Les paroles ne lui coûtaient rien, il en donnait autant qu'on en voulait croire (Balzac, Rabouill.,1842, p. 289). ♦ Impers. Va toujours, petite romanesque, ça ne coûte rien d'espérer (Colette, Cl. école,1900, p. 245). 2. P. ext. Avoir pour conséquence une chose désagréable, la perte de quelque chose. J'ai coûté la vie à ma mère en venant au monde; j'ai été tiré de son sein avec le fer (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 418).La première tentative [d'évasion] coûtait désormais quatorze jours de prison, la seconde vingt et un (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 87): 9. ... une bataille (...) avait été livrée dans les plaines de la Moscova; la victoire avait coûté vingt mille hommes à l'armée française.
Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 19. − Impers. Il en coûtoit cher aux chevaliers étrangers, pour oser s'attaquer aux chevaliers de France (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 494).Pour plaire à ces messieurs, je ne prendrai pas ces manières rudes et grossières; je resterai un étranger parmi eux. Il m'en coûtera peut-être quelque bon coup d'épée (Stendhal, L. Leuwen,t. 1, 1836, p. 38). − Emploi abs., impers. Je suis le maître ici, souviens-t'en, Aldo, et ce que tu répéterais de tout ceci, il t'en coûterait (Gracq, Syrtes,1951, p. 336). Rem. Ds la docum., on rencontre des cas d'accord du part. passé dans les emplois non-fig. et de non-accord dans les emplois fig. Le bonheur d'y avoir attaché mon nom [aux bases des considérations anatomiques] me paroît une récompense plus que suffisante des peines qu'elles m'ont coûté depuis quinze ans (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. XXVI). Les 300 000 francs qu'a coûtés la marquise en fer du ministère de l'intérieur (Goncourt, Journal, 1868, p. 444). Elle reprochait amèrement à son aîné les sommes d'argent que lui avait coûtées son instruction (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 61). Prononc. : [kute], (il) coûte [kut]. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1165 impers., fig. (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2157 : Et dient que trop chier li coste); b) xvies. en couster la vie [à qqn] (Amyot, Phocion, 8 ds Littré); 2. 1172 intrans. « entraîner des dépenses » (Id., Chevalier lion, éd. M. Roques, 5); 1679 prix coustant (Savary, Parfait négociant ds Kuhn, p. 78). Du lat. class. coustare « se tenir ferme, fixé », et « se tenir, être à tel prix, coûter [avec ablatif ou génitif de prix] » au propre et au figuré. Fréq. abs. littér. Coûter : 3 429. Coûté : 869. Fréq. rel. littér. Coûter : xixes. : a) 6 074, b) 5 310; xxes. : a) 3 124, b) 4 675. Coûté : xixes. : a) 1 759, b) 1 174; xxes. : a) 1 187, b) 850. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 141, 425. − Quem. 2es. t. 2 1971. |