| COURTISAN1, subst. masc. A.− [Avec une idée de supériorité soc.] 1. [Avec une idée de fonction] Personne qui est attachée à la cour, au service d'un roi ou d'un prince. À la cour tout est courtisan : le prince du sang, le chapelain de semaine, le chirurgien de quartier, l'apothicaire (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 45): 1. Un courtisan est un homme de la cour du roi, j'entends un homme qui a une charge ou un emploi domestique dans le palais, qui est premier écuyer, chambellan, grand veneur...
Taine, Philos. de l'art,t. 1, 1865, p. 86. 2. [Sans idée de fonction définie] Personne de haut rang qui fait partie de l'entourage d'un prince ou d'un roi et qui partage ses plaisirs et divertissements. Monseigneur (...) n'admettait que ce nombre de courtisans à ses chasses au loup (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1836, p. 379): 2. « (...) qui peut définir la cour? » Ce microcosme aussi décevant que l'écharpe d'Iris, aussi indéfinissable que la couleur d'un taffetas moiré, est à sa manière une skiagraphie, un jeu d'ombres dont les acteurs s'appellent courtisans... Car qu'est-ce qu'un courtisan, sinon le reflet d'un reflet et une apparence sans être? Ainsi le paraître submerge l'être...
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 9. − P. ext. Libertin. Tu n'étais qu'un libertin sans cœur, une âme de courtisan effronté dans le corps d'un valet de charrue (Sand, Lélia,1833, p. 293). B.− Péj. [Avec une idée de mondanité empreinte de servilité et d'hypocrisie] 1. Personne qui cherche par intérêt à gagner les faveurs d'un roi, d'un prince ou d'une personne influente, généralement au moyen de la flatterie. Ménager, caresser, amadouer, capter les amours-propres, les intéresser et les gagner à sa cause, c'est tout l'art du courtisan et les trois quarts de l'art du diplomate (Amiel, Journal,1866, p. 56).Un chef opprimant qui veut des courtisans et qui ne sait entretenir une libre circulation de pensée dans son entourage, possède une force corrompue (Chardonne, Attach.,1943, p. 95): 3. ... ils vous parlaient de leur santé, de leurs intérêts de famille, comme s'ils étaient devenus des personnages chers à tout le monde. Ils étaient entretenus dans cette illusion par des flatteurs de bonne ou mauvaise compagnie, mais qui faisaient enfin leur métier de courtisans, en montrant à leur prince une sollicitude touchante sur tout ce qui pouvait le regarder, à condition d'en obtenir une petite audience pour une requête particulière.
Mmede Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 1, 1817, p. 512. 2. P. ext. Personne qui cherche à s'attirer les bonnes grâces d'un groupe d'individus. Courtisan du peuple. « (...) mes chers amis, car vous êtes des amis, puisque vous êtes des ouvriers... » Je demande s'il existe en aucun temps de ce monde une phrase de courtisan de roi ou d'empereur, qui ait la bassesse de cette phrase de courtisan de peuple! (Goncourt, Journal,1889, p. 930). 3. P. anal. [Le compl. désigne une entité, un inanimé plus ou moins personnifié(e)] Ce métaphysicien [Sieyès] avait abouti, non à la sagesse, mais à la prudence. Il était courtisan et non serviteur de la révolution (Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 177). ♦ Courtisan du malheur. J'aurais accompagné Napoléon à Sainte-Hélène. (...) mon dévouement et mon respect vous suivront partout, (...) vous trouverez en moi un fidèle courtisan du malheur (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 224). SYNT. Habile, lâche, vieux, vil courtisan; âme, esprit, manières de courtisan; foule, nombre des courtisans; les courtisans s'écartent, se retirent; entouré de ses courtisans. C.− En partic., domaine amoureux. Homme qui cherche par ses attentions cérémonieuses à s'acquérir les faveurs d'une femme, pour faire sa conquête. Parmi les courtisans de cette fille supposée du duc de Bourbon, elle distingua M. de Feuchères (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 167). − P. anal. : 4. Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts, dont j'ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes...
Baudelaire, Petits poèmes en prose,Les bienfaits de la lune, 1867, p. 179. Prononc. et Orth. : [kuʀtizɑ
̃]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 2emoitié xives. courtisien « celui qui est attaché à la cour d'un prince » ici, à propos de la cour du pape Clément V (G. Le Muisit, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 308) − 1547, J. Bouchet ds Hug.; 2. 1472 courtisan (Ordonnance de Louis XI d'apr. Bartzsch, p. 12); 1560 p. ext. « personne qui flatte, qui courtise » (J. Grevin, L'Olimpe, p. 290 ds IGLF : les courtisans De sa grande beauté). B. Adj. av. 1555 « propre à la cour, aux courtisans » (Tahureau, 1erDial. du Democritic, p. 70 ds Hug. : dissimulation courtisanne). Empr. à l'ital. cortigiano « id. » attesté dep. 1348-53 (Boccace ds Batt.), d'abord adj. « qui appartient à la cour d'un pape, d'un prince, etc. » dep. début xives. (G. Villani, à propos du pape Benoît XII, ibid.), dér. de corte (cour*); l'empr. a dû s'effectuer à la cour des papes d'Avignon : cf. cortezan en 1350 ds Pansier; 1 représente une forme plus adaptée au français. Fréq. abs. littér. : 803. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 566, b) 920; xxes. : a) 310, b) 544. Bbg. Cohen 1946, p. 40. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 170. − Hope 1971, p. 36, 149. − Smith (P.M.). The Anti-courtier trend in sixteenth century French literature. Genève, 1966. − Tracc. 1907, p. 131. − Vidos 1939, p. 475. |