| COULEUR, subst. fém. I.− Qualité de la lumière que renvoie un objet et qui permet à l'œil de le distinguer des autres objets, indépendamment de sa nature et de sa forme : 1. « Personne ne peut être sûr de voir les couleurs comme les voit son prochain ». [Rosenstiehl, Traité de la couleur, in-8o, 1913]
Ch. Coffignier, Couleurs et peintures,1924, p. 17. A.− [P. réf. à l'ensemble des couleurs, y compris le blanc, le noir, le gris, dites couleurs achromatiques] 1. Usuel. Couleur blanche, noire; couleur lumineuse; couleur (de) chair; les (sept) couleurs de l'arc en ciel et abs. les sept couleurs. Le ciel, en essuyant ses pleurs, Déroule avec Iris l'écharpe aux sept couleurs (Banville, Cariat.,1842, p. 19). − Spéc., MÉD. [En parlant d'un être humain] Les pâles couleurs. Synon. chlorose*.Elle mourut à quatorze ans des pâles couleurs (Balzac, Paysans,1844, p. 248).P. métaph. L'âne, aux hommes : Votre philosophie est une vieille prude, Votre bigoterie a les pâles couleurs (Hugo, Âne,1880, p. 324). − Syntagmes a) Couleur + nom spécifiant la nuance (après un subst. le mot prend une valeur adj. inv.). ♦ Couleur + nom désignant une couleur.Couleur bleu de roi; couleur (d')argent, (d')or; couleur (de) pourpre; la couleur noisette de ses yeux. ♦ Couleur + nom d'obj. dont la couleur est prise comme variété de couleur.Couleur d'encre, de neige; couleur de rose; des gants couleur beurre frais, un manteau couleur de muraille. Dans les circonstances actuelles qui ne sont pas couleur de rose (Barb. d'Aurev., Memor.1, 1838, p. 182): 2. J'ai vu sept femmes très belles, vêtues de robes d'or et d'argent et de manteaux couleur du soleil, couleur de la lune et couleur du temps, ...
A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 111. ♦ Couleur + nom abstr.Couleur de crépuscule, couleur de nuit. Couleur du temps. Bleu ciel. L'eau roule à ses pieds, couleur du temps, livide (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1470).C'est la blonde insouciance, Aux yeux bleus, couleur du temps (Bouilhet, Dern. chans.,1869, p. 165). Rem. Couleur est masc. dans ces loc. elliptiques, le couleur de feu, le couleur de rose, de chair, de citron, etc... Ce ruban est d'un beau couleur de feu (Ac. 1835, 1878). b) Couleur + adj.Couleur bleue; couleur cuivrée, dorée; couleur chatoyante, criarde, dégradée, éclatante, éteinte, fanée, sombre, unie, etc. ♦ Couleur chaude, froide : 3. ... le rouge, lié à l'apparence du feu, du métal en fusion, est couleur chaude; le bleu est couleur froide, celle de l'eau, de la glace.
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 43. ♦ Couleur pure (saturée, cf. Bergson, Essai donn. imm., 1889, p. 52), couleur lavée (rompue); couleur claire, foncée; couleur vive (pure et claire), couleur pâle (claire et lavée); couleur profonde (pure et foncée); couleur rabattue (foncée et lavée). c) Subst. + couleur.Association, combinaison, contraste de couleurs; la gamme, la palette des couleurs; harmonie, intensité de couleurs; orgie, symphonie de couleurs; effet de couleurs : 4. ... les diverses intensités d'une couleur correspondent à autant de nuances différentes comprises entre cette couleur et le noir, les degrés de saturation sont comme des nuances intermédiaires entre cette même couleur et le blanc pur.
Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience,1889, p. 52. d) Verbe + couleur(s).Altérer, assortir, combiner les couleurs; être de la couleur de. ♦ Changer de couleur; être, devenir de toutes les couleurs. [En parlant d'un être humain] Pâlir, rougir sous l'effet d'une émotion. Il suffisait d'un mot pour la faire changer de couleur; c'était une sensitive (Sartre, Huis clos,1944, 5, p. 142).P. métaph. ou au fig. : 5. ... les samedis pour moi ont changé de couleur depuis que je sais que je ne te trouverai pas le soir en venant dîner.
Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1909, p. 139. ♦ Spéc., COIFFURE. Faire une couleur. Faire une coloration*. − Loc. proverbiales, fig. ♦ Des goûts et des couleurs on ne peut disputer. On ne peut discuter de ce qui est purement subjectif. ♦ Parler de quelque chose comme un aveugle des couleurs. Parler de ce que l'on ne connaît pas. Il est vain de condamner le mal que l'on n'a pas fait. C'est en parler comme l'aveugle des couleurs (Valéry, Suite,1934, p. 76). ♦ (Ne pas) connaître, (ne pas) voir la couleur de quelque chose. (Ne pas) connaître, voir cette chose. Je n'ai pas encore vu la couleur de votre argent (Audiberti, Femmes Bœuf,1948, p. 125). ♦ En (faire) voir (à qqn) de toutes les couleurs. (Lui faire) subir des épreuves, des tracasseries. Le vieux roublard, qui en a vu de toutes les couleurs et qui est revenu de tout (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 13). ♦ En dire de toutes les couleurs. Faire toutes sortes d'avances ou de propositions, parfois grossières. À l'heure où les ouvrières rentrent... bien des jeunes gens vont les voir passer, et leur en content de toutes les couleurs (Mérimée, Carmen,1847, p. 30). 2. PHYS. Phénomène visible conditionné par la longueur d'onde de la lumière émise, réfléchie, transmise ou diffusée par un objet. Théorie des couleurs, vision des couleurs : 6. La couleur existe parce que notre
œil est constitué de telle sorte qu'il transmet au cerveau, sous forme de couleur, les diverses façons dont les corps absorbent et décomposent, suivant leur constitution chimique, les rayons lumineux qui les frappent.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Lettre d'un fou, 1885, p. 1005. − Syntagmes a) Couleur + subst.Couleur de polarisation (cf. Lapparent, Minér.,1899, p. 497). ♦ Couleurs du prisme, du spectre. Couleurs principales que l'on obtient par décomposition de la lumière blanche à travers un prisme. On a comparé quelquefois l'échelle des couleurs du spectre solaire à la gamme des tons musicaux (Cournot, Fondem. connaiss.,1851, p. 155): 7. Le grand peintre, séduit par les mirages chromatiques qui entourent les choses plutôt que par la matière même, songera aux sept couleurs du spectre plutôt qu'à celle de la terre ou du bois.
Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 69. b) Couleur + adj. ♦ Couleur complémentaire [D'une couleur du spectre] Couleur mixte composée de toutes les autres couleurs du spectre et dont le mélange avec la première donne de la lumière blanche par addition de l'ensemble des radiations colorées. [D'un pigment, d'un colorant] Couleur dont le mélange avec la première donne du noir par absorption (ou soustraction) de l'ensemble des mêmes radiations colorées : 8. Le rouge du drapeau s'éteint et jaunit, parce qu'il se détache sur le bleu du ciel, dont la couleur complémentaire, l'orangé, se combine avec le rouge.
Zola, L'Œuvre,1886, p. 207. ♦ Couleur fondamentale (ou primaire). Chacune des trois couleurs à partir desquelles l'on peut reproduire toutes les autres par des mélanges en proportion convenable. Ce principe scientifique qui fait découler des trois couleurs primaires, le jaune, le rouge, le bleu, les trois couleurs secondaires, l'orange, le vert, le violet (Zola, L'Œuvre,1886p. 270). c) Subst. + couleur ♦ Indice de couleur. ,,Différence entre la magnitude visuelle et la magnitude photographique d'un objet céleste``(cf. Muller 1966). ♦ Température* de couleur (cf. Hist. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 546). 3. PEINT. (cf. coloris A). [La couleur envisagée du point de vue de l'effet esthétique qu'elle doit produire] La couleur anglaise importée par Delacroix dans le Massacre de Scio (Goncourt, Journal,1893, p. 420): 9. ... la couleur est posée non plus comme un simple adjuvant du dessin, mais comme une ressource toute différente de l'art de peindre que l'on compare à la musique et à son action.
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 207. − P. méton. Effet produit par les couleurs d'un tableau et p. ext. impression générale qui s'en dégage. La couleur est heureuse. La couleur de Van Gogh, si belle qu'elle paraisse encore, n'est qu'une morte par rapport à ce qu'elle fut (Lhote, Peint.,1942, p. 136). − Couleur locale. ,,Couleur propre à chaque objet, indépendamment de la distribution particulière de la lumière et des ombres`` (Ac. 1835, 1878) et p. ext. peinture exacte d'un personnage, d'un paysage : 10. J'aime ce tableau, me dit-elle, en me montrant l'Arabe qui pleure sur son coursier; cet homme est profondément affligé; ce cheval est bien mort. (...) − Ne trouvez-vous pas qu'il y a là un sentiment bien vrai de la couleur locale?
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 3, 1813, p. 342. ♦ Fig. Ensemble des détails caractéristiques d'un lieu ou d'une époque. C'est le quartier de plaisir pour étrangers en quête de couleur locale, le pittoresque pour touristes sans initiative (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 109). Rem. On rencontre aussi couleur locale associée à couleur historique (cf. Proust, Guermantes 1, 1920, p. 189) et temporelle (cf. Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 113). 4. [Les couleurs en tant que symboles] :
11. Les couleurs expressives de la lumière et du ciel seront toujours solidaires des idées de pureté, de vertu, de sagesse divine.
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 270. a) [En tant que symbole relig.] Couleurs liturgiques. Couleurs des ornements liturgiques adoptées par l'Église pour chaque moment de l'année : 12. ... on rit un tantinet d'elle, dans le village et dans l'abbaye, à cause de sa manie de porter sur sa toilette les couleurs liturgiques du jour; elle est un ordo vivant, un calendrier qui marche; ...
Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 31. b) [En tant que symbole profane] − D'une nation, d'une collectivité publique, etc. Les couleurs nationales. Gare, (...) pavoisée aux couleurs françaises (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 356): 13. La plupart des courtisans, (...) étaient enrôlés sous le drapeau tricolore : presque tous avaient fait la guerre d'Amérique et barbouillé leurs cordons des couleurs républicaines.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 236. ♦ Absol. Les trois couleurs (du drapeau français). Et le vent des combats dénouait en jouant L'écharpe aux trois couleurs qui ceignait ce géant (Quinet, Napoléon,1836, p. 189). ♦ P. méton. Les couleurs. Drapeau, pavillon aux couleurs officielles. Amener, faire flotter, hisser les couleurs : 14. Certains [vaisseaux] arborent le pavillon tricolore. Les autres naviguent sous les couleurs britanniques, hollandaises, polonaises, belges.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 98. − D'une personne en vue ou d'une collectivité. Arborer, porter les couleurs de qqn; faire triompher les couleurs d'un club, d'une écurie. Cravates et (...) porte-cartes en soie aux couleurs des clubs ou des régiments (Morand, Londres,1933, p. 171).Porter les couleurs d'une dame. ,,Porter des couleurs semblables à celles que cette dame affectionne le plus`` (Ac.) et au fig. ,,se mettre parmi ses adorateurs`` (Ac.). ♦ P. méton. Nos sujets vêtus, (...) chacun de la couleur de sa profession (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 197). ♦ Spéc. Couleurs héraldiques. Couleurs particulières utilisées dans l'art du blason. ,,Elles sont au nombre de sept, dont deux métaux et cinq émaux`` (Bach.-Dez. 1882). B.− [P. réf. à un sous-ensemble de couleurs excluant le blanc, le noir, le gris] :
15. C'était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune vert. C'est devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs.
Anouilh, Antigone,1946, p. 138. 1. [Couleur p. oppos. au blanc] Craie de couleur. Toute couleur tend à s'évanouir dans le blanc, tout objet à se résorber dans l'absence d'objet (Béguin, Âme romant.,1939, p. 382). a) [En parlant d'êtres humains] − Couleur(s) du visage (cf. bonne, mauvaise mine*). Les premiers fruits, le bon air, les ébats des champs, rendront à Félix ses belles couleurs (Lamennais, Lettres Cottu,1824, p. 156).P. brachylogie. Avoir (un visage qui a) de belles couleurs : 16. Sa mère mourut peu de jours après sa naissance, succombant sans doute à une affection tuberculeuse. Il héritait d'elle « une toux sèche et une couleur pâle qu'il a gardée jusqu'à l'âge de plus de vingt ans ».
Valéry, Variété V,1944, p. 211. − La coloration vive, éclatante du visage (cf. bonne mine) p. oppos. à la pâleur. Perdre, prendre des couleurs. Son visage, toujours sans couleur sous la poudre, blêmit encore (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 351). ♦ (Visage) haut en couleur. Très coloré. Son teint haut en couleur (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 15).C'était un grand paysan du pays de Caux, haut en couleur, gros de poitrine et de ventre, et perché sur de longues jambes (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, St-Antoine, 1883, p. 194).Fig. Voici un de ses compatriotes qui est plus haut en couleur et plus mordant (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 12, 1863-69, p. 96).Leurs récits étaient si hauts en couleur (Mounier, Traité caract.,1946, p. 130). Rem. On rencontre ds la docum. l'expr. fort en couleur avec le même sens. − P. anal. Teinte finale obtenue par la nature ou par l'art. Prendre (de la) couleur; les raisins ont pris de la couleur. ♦ Prendre couleur ART CULIN., PÂTISS. Prendre une teinte dorée. Faites cuire avec feu dessus et dessous; vingt minutes suffisent pour prendre couleur (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 84).Fig. a) L'affaire prend couleur. Se précise, prend tournure. Ça prend couleur, (...); voyons où il veut en venir (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 43). b) Prendre couleur. Être marqué comme appartenant à un clan ou à un parti : 17. − Monsieur l'abbé, répondit-il [Albert] il m'est impossible de me charger des intérêts de la maison Fatteville, et vous allez comprendre pourquoi ... je ne veux pas prendre couleur, et dois rester une énigme jusqu'à la veille de mon élection...
Balzac, Albert Savarus,1842, p. 98. − Homme, race de couleur p. oppos. à la race blanche. Les Français blancs et de couleur (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 258). b) Étoffe, et plus particulièrement linge de couleur, p. oppos. au linge blanc. On ne met pas du linge de couleur à sécher au soleil (Renard, Journal,1903, p. 843).Abs. Les couleurs, p. oppos. au blanc. Laver les couleurs. 2. [Les couleurs dites chromatiques p. oppos. aux couleurs achromatiques] Les daltoniens complets, individus aveugles à toutes les couleurs, voient le monde en noir, blanc, gris (Camefort, Gama, Sc. nat.,1960, p. 248): 18. ... Biondetta, renonçant aux couleurs, aux parures, à « l'arc-en-ciel des vanités », souhaite pour elle des vêtements noirs comme le corbeau qui quitta l'arche, blancs comme la colombe qui revint avec le rameau d'olivier.
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 291. ♦ P. métaph. Il n'y a pas de couleurs dans mes livres, il n'y a que du blanc et du noir, des effets de lumière et d'ombres (Green, Journal,1935-39, p. 198). − Spéc., B.-A., ARTS APPL. De (en) couleur. (Capable de produire une image) autre qu'en noir, blanc (et gris) exclusivement. Gravure, impression, lithographie en couleur; photographie, tirage en couleur; film en couleur. La télévision en couleurs est arrivée actuellement à l'état expérimental (Matras, Radiodiff. et télév.,1958, p. 108). ♦ Absol. La couleur. Faire de la (photographie en) couleur; avoir la (télévision en) couleur. II.− P. méton. (cf. aussi supra I A 3) A.− Substance qui sert à donner de la couleur. Marchand de couleurs. Qui vend des couleurs, p. ext. droguiste. Crayon de couleur. Crayon qui sert à colorier. Ses façades peintes de couleurs vives (Billy, Introïbo,1939, p. 14): 19. Il vit sur la palette les couleurs qui avaient séché, (...); il vit dans sa boîte à couleurs le désordre des tubes jetés là pêle-mêle.
Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 163. − Syntagmes 1. Couleur + subst.Couleur « à l'aquarelle » (cf. Rousset, Trav. pts matér., 1928, p. 172), à l'huile; couleur en poudre; couleur d'aniline. 2. Couleur + adj. (cf. aussi supra I A 1).Couleur chimique, minérale, organique (naturelle ou synthétique), pigmentaire. Couleur écaillée; couleur inaltérable, indélébile; couleur opaque, transparente, vitrifiable. 3. Subst. + couleur(s).Pistolet à couleur; charge, couche, touche de couleur; mélange de couleurs; pot, tube de couleur; fabricant de couleurs. 4. Verbe + couleur(s).Appliquer, broyer, délayer, mélanger, préparer les couleurs; mettre en couleur, passer à la couleur; prendre de la couleur. B.− JEUX 1. Jeu de cartes. Marque des quatre séries, trèfle, carreau, cœur, pique. Jouer dans la couleur. − Annoncer la couleur. Annoncer la série qui servira d'atout. ♦ Fig. Annoncer ses intentions. Question galette, j'annonce la couleur : c'est florissant au possible. On peut tout se payer (Giono, Gds chem.,1951, p. 213). 2. Jeux de hasard (boule, roulette, etc). ,,Jouer la couleur... miser sur le rouge ou le noir, au lieu de miser sur les numéros`` (Lar. Lang. fr.). C.− Arg. Soufflet (p. réf. à la couleur rouge qui marque l'endroit qui a reçu le soufflet). « J'bouscule l'usurpateur, Qui m'applique sur la face, Comm' on dit, une couleur ». Le Gamin de Paris, chanson, 184 (Larchey, Excentr. lang.,1865, p. 92). III.− P. métaph. ou au fig. A.− [P. réf. à la valeur distinctive des couleurs] Aspect distinctif, caractéristique. La couleur typique de qqc. La couleur générale de sa conversation (Stendhal, Rom. et nouv.,t. 1, 1842, p. 69).Ne voyez donc pas l'avenir sous des couleurs si noires (Lamennais, Lettres Cottu,1819, p. 48).Si Marie-Thérèse eût continué le récit à la place de Manuel, elle eût donné aux événements sa couleur propre (Green, Journal,1933, p. 134): 20. Don Juan I considérait : qu'une femme n'est qu'une note, un timbre, une couleur d'entre les couleurs, et que même on n'en jouit pas, on n'en tire, on ne lui donne toute sa valeur si on ne la place dans une gamme, une diversité d'autres, parmi lesquelles elle peut valoir et faire valoir ce qu'elle a d'unique...
Valéry, Mauvaises pensées et autres,1942, p. 182. 1. Syntagmes a) Couleur + subst.Couleur d'ensemble, de justesse; couleur de (l')amitié, de (l')espoir, de (la) haine, couleur de (la) vertu; une couleur de mélodrame; (avoir) la couleur d'un sot. b) Couleur + adj.Couleur aimable, conventionnelle, cruelle, émotionnelle, épique, exacte, juste, moderne, monacale, morale, originale, paysanne, religieuse, romanesque... c) Verbe + couleur(s).Peindre sans (avec) des couleurs; présenter (se) sous des couleurs...; prendre des couleurs; représenter sous des couleurs... 2. En partic. a) MUSIQUE − [P. anal. avec la peint.] Couleur harmonique, instrumentale, musicale. Madame, (...) vous m'avez parlé souvent de la couleur de la musique et de ce qu'elle peignait (Balzac, Massimilla Doni,1839, p. 455).Beethoven a su conserver la couleur grave et sombre (...) [qui devait] dominer dans un tel sujet [la symphonie héroïque] (Berlioz, À travers chants,1862, p. 25): 21. ... à l'oreille d'un musicien deux motifs, matériellement composés de plusieurs des mêmes notes, peuvent ne présenter aucune ressemblance, s'ils diffèrent par la couleur de l'harmonie et de l'orchestration.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 661. − Spéc. Timbre, tonalité. On ne classe pas les voix par leur étendue, c'est-à-dire par leur longueur, mais par leur timbre, leur couleur et leur tessiture (Arts et litt.,1935, p. 3610). b) PHONÉTIQUE : 22. Couleur. Qualité du timbre d'une voyelle, appréciée d'après la correspondance qu'on croit percevoir entre les impressions acoustiques et les impressions visuelles; on distingue ainsi des voyelles claires (é), sombres (ou), ternes (eu), éclatantes (â), etc.
Mar. Lex.1933, p. 58. c) Opinion, tendance. Couleur politique; couleur démocratique, jacobine; la couleur d'un journal. Nous n'avions pas les mêmes pensées, mais nous avions des pensées de même couleur (Renard, Journal,1896, p. 364). − [P. oppos. à la banalité, à la neutralité des tons ordinaires] Vie, relief. Cela a beaucoup de couleur. Une voix sans couleur. Sur un fond gris d'existence, la plus légère impression fait couleur (Bourget, 2eamour,1884, p. 148).Ma femme sans qui rien n'a chanson ni couleur (Aragon, Crève-cœur,1941, p. 37). − En partic. [En parlant du style d'une œuvre littér., d'un aut.] Leur poésie était sans couleur et leur style sans harmonie (Marmontel, Essai,1799, p. 308).Relu un des contes des Seven Gothic Tales d'Isak Dinesen... il y a de la fantaisie, de la couleur et de la verve dans ces récits (Green, Journal,1942, p. 242). B.− Péj. [P. réf. à la couleur en tant qu'elle masque ce qu'elle recouvre] Prétexte, mensonge. Sous prétexte de mariage ou autre couleur (A. France, Bonnard,1881, p. 482): 23. ... j'aimerais bien être son fils, ô tante Josette! ... j'aurais plus de liberté, mais d'un autre côté, je ne pourrais pas lui raconter les couleurs que je raconte à maman ... ça ne prendrait pas! ...
Gyp, M. Fred,1891, p. 82. − Argot ♦ Monter une couleur. Raconter des mensonges. Ne fais donc pas la bête : est-ce que tu crois que je veux te monter des couleurs? (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat,1828-29, p. 289). ♦ Affranchir la couleur. Renseigner, mettre au courant. Tu vas foncer voir Ali pour lui affranchir la couleur (Le Breton, Rififi,1953, p. 74). ♦ Vx. Ne pas être à la couleur. S'en laisser conter, être naïf (cf. être à la coule*). Si vous n'êtes pas à la couleur, [vous croyez ce mensonge que l'on vient vous débiter] (Poulot, Sublime,1872, p. 201). − Sous couleur de. Sous l'apparence de, sous prétexte de. M. Zola, sous couleur de critique littéraire, n'a jamais fait qu'ériger son goût personnel en principe (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 251). Prononc. et Orth. : [kulœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Après un nom, s'emploie comme adj. inv. : Des écharpes couleur de feuillage; des joues couleur de lys et de rose. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1050 « sensation visuelle » (Alexis, éd. C. Storey, 4 : ici fig. perdre sa color « perdre son caractère »); 2. a) ca 1100 en parlant du visage, de la peau (Roland, éd. J. Bédier, 441); b) 1794 gens de couleur (Staël, Lettres div., p. 426); 3. 1393 « couleurs distinctives d'un personnage (livrée, etc.) » (Compte de la Cour de Charles VI, B.N. 6743, fo7 ds Gdf. Compl.); 4. 1694 « couleurs des cartes à jouer » (Ac.); 5. 1732 liturg. (Trév.). 6. 1790 couleurs nationales (Mirabeau, oct. ds Buchez, Roux, Hist. parlementaire de la Révolution fr., t. VII, p. 416 ds Brunot t. 9, p. 624). II. 1. Ca 1268 « substance colorante » (Étienne Boileau, Livre des métiers, LIV, I, éd. R. de Lespinasse et F. Bonnardot, p. 111); 2. a) 1699 peint. couleur locale (R. de Piles, Idée du Peintre Parfait, p. 36 ds Brunot t. 6, p. 738, note 8); b) 1772 p. ext. litt. (J.-F. de La Harpe, Eloge de Racine, p. 33 ds Mod. Lang. Notes, vol. LX [1945] p. 98). III. 1. xiiies. fig. [ms. fin du xiiies.] « relief (en parlant du style) » (De III dames qui troverent I. vit, 4 ds A. de Montaiglon et G. Raynaud, Fabliaux, t. 5, p. 32); 2. ca 1280 « raison spécieuse » (Couronnement de Renart, éd. A. Foulet, 2456); 3. 1794 « caractère d'une opinion » (Chamfort, Caract. et anecd., p. 135). Du lat. color « couleur, teint du visage » au fig. « aspect extérieur », « couleur, coloris du style; argument (donnant aux faits une couleur favorable) ». Fréq. abs. littér. : 11 330. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 184, b) 16 805; xxes. : a) 15 606, b) 16 838. Bbg. Gohin 1903, p. 367. − Gottsch. Redens. 1930, p. 142, 206, 336, 446. − Knauer (K.). Zur Psychologie und Grammatik der französischen Farbbezeichnungen. Sprachkunde. 1936, t. 8, pp. 18-21. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 208, 210, 404. − Le Breton Grandmaison. Le Monde de la limonade. Vie Lang. 1971, p. 635. − Lew. 1960, p. 170. − Malakis (E.). The First use of Couleur locale in french literary criticism. Mod. Lang. Notes. 1945, t. 60, pp. 98-99. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 104, 132, 238. − Pauli 1921, p. 44. − Richter (B.L.O.). Genesis and fortunes of the term couleur locale. Comparative literature studies. 1966, t. 3, no2, pp. 299-308. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 386. − Rog. 1965, p. 17, 138. − Sain. Lang. par. 1920, p. 389. |