| COQUIN, INE, subst. et adj. I.− Emploi subst. A.− Courant 1. Au masc. Personne sans scrupules, capable d'actions malhonnêtes, répréhensibles. Un noir coquin; action de coquin. Il [Dufaÿ
] croit à l'avènement d'un état de choses où les coquins seront tenus en bride par les honnêtes gens (Delacroix, Journal,1847, p. 197).[Louis Bonaparte] un peu au-dessus des petits coquins, un peu en dessous des grands malfaiteurs (Hugo, Hist. crime,1877, p. 89): 1. J'ai toujours aimé ce coquin sans scrupules. Il n'avait qu'une vertu, encore était-elle quarantehuitarde; il croyait au bonheur du peuple par la liberté. C'est certainement de lui que je tiens mes principes naïfs.
Giono, Voyage en Italie,1953, p. 20. SYNT. Grand, vieux coquin; fieffé, infâme, lâche, rusé, vil coquin; coquin sans reconnaissance; un coquin de son espèce; un tour, une farce de coquin; c'est un fameux, un franc coquin! PARAD. Synon. bandit, canaille, escroc, fripouille, vaurien. Rem. Dans ce sens, le terme coquin est relativement peu empl. au fém. C'est une vaurienne, dit Crevel, une coquine à fouetter sur la place du Châtelet (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 319). − Proverbe. À coquin honteux plate besace. ,,Celui qui manque de hardiesse ne saurait s'enrichir`` (Lar. 19e). − Un coquin de... Le beau antique est un peu républicain. Je supplie qu'à ce mot l'on ne me prenne pas pour un coquin de libéral (Stendhal, Hist. peint.,t. 2, 1817, p. 120). Rem. L'expr. a valeur d'adjectif. 2. En partic., au masc. ou au fém. a) Au fém. Femme dont l'absence de sens moral se manifeste dans les relations amoureuses ou érotiques : 2. Je crois qu'il [Swann] a beaucoup de soucis avec sa coquine de femme qui vit au su de tout Combray avec un certain Monsieur de Charlus.
Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 34. Rem. Le terme évoque normalement la coquetterie ou la galanterie, voire la légèreté ou l'impudeur et, au xixes., un jugement social défavorable. b) Au masc. ou au fém. − [Déterminé par un adj. poss. ou un compl. n. de pers.] Amant, maîtresse. Nous sommes liés le baron et moi par nos coquines (Balzac ds Lar. Lang. fr.). Un charcutier. Tout rose. Le coquin de maman (Queneau, Zarie,1959, p. 68). − Fam. [L'accent étant mis sur les relations sexuelles] Cette pitié injuste qui ne va qu'aux coquines et aux gourgandines (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p. 239).Une gonzesse béguineuse (...) avec sur la peau l'odeur tenace du coquin qui l'a un peu distraite (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 183). Rem. Pour les emplois récents de ce type, spéc. au masc., on peut admettre qu'il s'agit de l'ext. d'un sens arg. (cf. infra B 2). B.− Arg., gén. péj. 1. Vx, lang. des prisonniers. Dénonciateur, délateur (d'apr. Joigneaux, Prisons Paris, 1841, p. 161). PARAD. Synon. coqueur, gueux, mangeur (Id., ibid.), bourrique, potence (d'apr. Nouguier, Notes manuscr. Dict. Delesalle, 1900, p. 76). − Région. (St-Étienne). Agent de la Sûreté (d'apr. Lacassagne, Arg. « milieu », 1928, p. 60). Rem. G. Esnault [Commentaire (I.G.L.F. 1950) de l'ouvrage de Lacassagne, Arg. « milieu » (1928)] note que ce sens ,,semble (...) une survivance de coquin, dénonciateur, usuel à Paris en 1830-1843``. 2. Dans le vocab. érotique. Petit ami, amant de cœur d'une prostituée (d'apr. Lacassagne, Arg. « milieu », 1928, p. 60). − Spéc., avec valeur d'injure grave. Homosexuel passif (d'apr. Carabelli, [Lang. de la pègre]). − Loc. Être en coquine. Être homosexuel (d'apr. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p. 76). Faire les coquines. Exploiter les homosexuels (d'apr. H. France ds Larchey, Dict. hist. d'arg., Nouv. Suppl., 1889, p. 66). 3. Alcool (d'apr. Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]); vin qui assomme (d'apr. Chautard, Vie étrange arg., 1931, p. 221). Rem. Coquin fonctionne en outre comme 2eélément de composé : chasse-coquin « bedeau, gendarme » (d'apr. Ch.-L. Carabelli, [Lang. pop.]); arrête-coquin, même sens (cf. Lar. 19e); bourre-coquin « haricot » (d'apr. Carabelli, [Lang. pop.]). C.− Par antiphrase, fam. et cour. 1. [En parlant d'un enfant] Enfant espiègle. C'est un aimable petit coquin (Ac.1798-1932).Eh bien, petit coquin, me dit-il d'un air assez affable, que me veux-tu? (Andrieux ds Lar. 19e). Petite coquine, tu étais cachée derrière la porte! (Dub.). 2. [En parlant d'un adulte] Loc. Heureux coquin, heureuse coquine. Synon. chançard, veinard. Rem. Dans cette loc., le terme se vide d'un sens déf., ou ne suggère plus qu'une idée de chance plus ou moins méritée. 3. P. plaisant., vieilli, littér. [En parlant de choses] Un (le, ce...) coquin, une (la, cette...) coquine de + n. de chose (et le déterminant comme un adj. épithète, avec une valeur affective généralement ambiguë mais dont le cont. peut laisser entrevoir le sens positif; cf. ce diable de... et les adj. du type fichu, sacré, etc.).Je ne la déteste pas non plus, moi, cette coquine de bouteille (F. Fabre, Roman peintre,1878, p. 95).De grands diables de bronze de Barbedienne et de petits coquins de sièges en peluche (Proust, Sodome,1922, p. 918). D.− Emplois en interj. 1. Cré coquin, coquin de Dieu. Jurons. Mais vous m'avez fait des pyramides qui me suffoquent, cré coquin! et puis, à Marengo, le premier consul n'est pas ressemblant (A. Dumas père, Napoléon Bonaparte,1831, II, 1, p. 34).Pas moyen de trouver une bonne position, coquin de Dieu! (Arnoux, Roi,1956, p. 225). 2. Région. (Midi). [En constr. de caractérisant antéposé] Coquin de sort, coquin de bon sort! Exclamations d'étonnement, d'admiration, etc. Jamais on ne se serait cru devant la demeure d'un héros. Mais, quand on entrait, coquin de sort! (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 1). II.− Emploi adj. A.− Vx ou littér. [En parlant d'une personne ou d'une entité personnifiée] Sans scrupules, malhonnête, trompeuse. Dans les temps comme les nôtres, on n'est pas responsable de ce que l'on fait, la révolution est coquine pour tout le monde et tous vos grands criminels sont de grands innocents (Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 225): 3. ... l'essentiel est de n'être plus libre et d'obéir, dans le repentir, à plus coquin que soi. Quand nous serons tous coupables, ce sera la démocratie.
Camus, La Chute,1956, p. 1543. B.− Courant 1. Qui a l'intention de séduire; qui exprime la séduction. Il est très coquin; une expression coquine. L'œil coquin et faunesque (Laforgue, Moral. lég.,1887, p. 16): 4. Cette grosse ride en forme de trépied qui lui marquait alors le haut du nez et lui donnait en remuant l'air rodomont ou coquin.
Giono, Hussard,1951, p. 217. − Libertin, leste, grivois. [Valérie jeta] au baron un dernier regard si coquin, qu'il se crut adoré (Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 265).Elle [Bonne-Âme] allait fantasque, mettant sous le nez des hommes (...) les frisons coquins de son front (E. de Goncourt, Faustin,1882, p. 8). 2. Par antiphrase. [En parlant d'un enfant] Espiègle, vif, malicieux. Cet enfant est bien coquin! (Rob.). Comme il est coquin d'avoir fait cette surprise à ses parents! (Dub.).Cf. supra I C. Rem. Ce sens extrêmement vivant dans la lang. parlée n'est pas représenté ds la documentation. C.− Loc. vieillies − Pop. Ver coquin. Ténia, ver solitaire. − Fam., par antiphrase. Métier coquin. Métier qui ne donne pas de peine, de tout repos. Vie coquine. Vie molle, fainéante. Rem. 1. Loc. attestée ds tous les dict. du xixes. et ds Lar. 20e, à peu près jamais (ou signalées comme vx) ds les dict. du xxes. 2. Guérin 1892 mentionne le subst. fém. rare coquinaille. Bande de coquins, de gueux. 3. On rencontre ds la docum. le verbe intrans. coquiner. a) Agir comme un coquin, un malhonnête homme. On dit en trois mots : Commettre une coquinerie; pourquoi ne pas dire en un seul? Coquiner (S. Mercier, Néologie, t. 1, 1801, p. 129). Encourager les coquines à coquiner (L. Daudet, Sylla, 1922, p. 206). b) Vx. Mener une vie de fainéant, de mendiant, de gueux (attesté comme vx ou vieillissant par Ac. Compl. 1842, Besch. 1845). Synon. gueuser. Prononc. et Orth. : [kɔkε
̃], fém. [-in]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. 1174-91 « gueux, mendiant, personne de très basse condition » (Li proverbe au vilain, 108dds T.-L.); 2. 1548 simple terme dépréciatif coquins de vieillards (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat,
Œuvres facétieuses, t. 2, p. 169); 3. mil. xvies. « celui ou celle qui a commis une petite faute, malicieux, espiègle » petit coquin (Du Bellay,
Œuvres poétiques, éd. H. Chamard, t. 5, p. 106 ds IGLF); 4. 1611 « personnage vil, infâme » (Cotgr.); 5. 1611 coquine « femme aguichante » (ibid.); 6. 1828-29 exclam. coquin de sort (Vidocq, Mém. t. 3, p. 173). B. Adj. 1. 1547 « digne d'un gueux » (J. Bouchet, Epistres morales et familières, II, vii ds Gdf. Compl.); 2. 1548 « libertin(e), enclin(e) à la sexualité » (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, loc. cit., p. 8); 3. mil. xvies. « espiègle, malicieux » muse coquine (Du Bellay, op. cit., t. 5, p. 250 ds IGLF). Orig. obscure. À l'étymon lat. coquinus adj. « de la cuisine », d'où l'on tirerait un subst. « marmiton » (Cor., s.v. acoquinar), acceptable du point de vue sém. (cf. a. fr. coistron, cuistron « marmiton » et « bâtard, être sans honneur », d'un lat. *coquistro [FEW t. 2, p. 1160a] et l'emploi de coquinus par Plaute [Pseudolus, 790 ds TLL s.v., 924, 73] dans un sens péj.) s'oppose le fait que l'attest. de Plaute est isolée et que le subst. lat. médiév. coquinus « mendiant » (Du Cange s.v.) n'est apparemment qu'une latinisation du fr.; de plus, coquin supposerait une formation demi-savante qui ne correspond guère aux formations exclusivement pop. des mots français issus des dér. du lat. coquere. L'hyp. d'une dérivation de coq1* (Dauzat 1973, 2ehyp.; Bl.-W.5; FEW t. 2, pp. 862-863; EWFS2) fait difficulté du point de vue sém., aucun des dér. de coq1* ne présentant un sémantisme approchant du sens premier de coquin (v. les réserves de W. Von Wartburg ds R. Ling. rom., t. 23, p. 214). L'hyp. d'une dérivation de coque* au sens de « coquille » (Sain. Sources t. 1, pp. 110-111; Dauzat 1973, 1rehyp.) pour désigner un mendiant ou un gueux portant une coquille pour faire le faux pèlerin (cf. coquillard) est impossible notamment du point de vue chronologique. Fréq. abs. littér. : 885. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 410, b) 2 468; xxes. : a) 1 229, b) 497. DÉR. 1. Coquinement, adv.a) Comme un coquin. b) D'une manière coquine. Partout, sur les manches, sur son menu bonnet de police, coquinement posé de travers (...) sur ses cheveux ondulés (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 62).− [kɔkinmɑ
̃]. − 1resattest. 1576 (P. de Brach, Poèmes, fo207 rods Gdf. Compl.), attest. isolée; 1884 (Vallès, Cri peuple, 5 mars ds Quem.); de coquin, suff. -(e)ment2*. − Fréq. abs. littér. : 2. 2. Coquinet, ette. a) Subst. Petit coquin, petite coquine (cf. Ac. Compl. 1842 et Besch. 1845). La petite coquinette (Lar. Lang. fr.). b) Adj. Un peu coquin (cf. II B). Sur un ton ingénu et coquinet qu'a ce diable de joli enfant (Goncourt, Journal,1883, p. 258).− [kɔkinε], fém. [-εt]. − 1reattest. 1761 (Voltaire, Lettre d'Argental, 19 mars ds Littré); de coquin, suff. -et*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Barb. Misc. 1 1925-28, p. 21. − Guiraud (P.). Mél. d'étymol. arg. Cah. Lexicol. 1970, t. 16, p. 71. − Hasselrot 20es. 1972, p. 8 (s.v. coquinet). − Lew. 1960, p. 324 (s.v. coquinet). − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 183. − Pauli 1921, p. 6. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois 1905, t. 36, pp. 383-384. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], pp. 110-111, 337-341. |