| CONTESTER, verbe. Mettre en discussion, en doute, refuser de reconnaître. I.− Emploi trans. A.− Contester qqc., contester qqc. à qqn.Mettre en doute une relation (attribution, prétention, etc.) établie de façon implicite ou explicite entre une chose, exprimée par le complément direct, et un être ou une chose. 1. [Le suj. affirme ses prétentions sur l'obj. désigné par le compl.] Discuter l'appartenance d'une chose à quelqu'un et la revendiquer à son profit. Contester un bien, un héritage, un territoire. Synon. réclamer.Il ne vous conteste pas le rôle de l'offensé (Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, p. 24).Ma mère était à moi, personne ne m'en contestait la tranquille possession (Sartre, Les Mots,1964, p. 17). − Emploi pronom. réciproque. Se contester mutuellement la possession d'une terre. 2. [Le suj. n'énonce aucune revendication sur l'obj. contesté] Mettre en discussion, refuser de reconnaître le droit ou la prétention de quelqu'un à quelque chose. Contester une succession, le titre de qqn; contester un droit, un titre à qqn. Synon. dénier, refuser.Tu es le Tout-Puissant : je ne te conteste pas ce titre (Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 201).« On me conteste le titre de philanthrope », s'écrie Marat (Camus, L'Homme révolté,1951, p. 160): 1. Il y a deux choses que l'on conteste bien souvent aux rois : leur naissance et leur mort.
Vigny, Le Journal d'un poète,1844, p. 1222. − [L'obj. secondaire exprime une entité personnifiée] (Un) acte de volition que personne ne conteste à l'âme (Maine de Biran, Journal,1822, p. 350): 2. ... personne ne s'aviserait de contester à la biologie le droit de parler de la réalité des organismes...
Ruyer, Esquisse d'une philos. de la struct.,1930, p. 96. B.− Contester qqc., contester que.Mettre en doute (une chose, le caractère authentique de quelque chose). Synon. nier, récuser; anton. admettre, reconnaître. 1. L'existence de quelque chose ou de quelqu'un, d'un droit, d'un fait. Contester l'existence de Dieu; il y a des faits que personne ne conteste. Je ne conteste pas le droit de la femme sur l'éducation de l'enfant (Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 184).Nul ne conteste les misères de l'enfance (Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France,t. 3, 1921, p. 522): 3. Ce qu'il y a d'abominable, disait le comte, c'est l'esprit de 89. D'abord on conteste Dieu, ensuite on discute le gouvernement, puis arrive la liberté.
Flaubert, Bouvard et Pécuchet,t. 2, 1880, p. 141. 2. La qualité, la valeur ou la validité, la pertinence de quelque chose, d'un jugement, d'un raisonnement. Contester l'authenticité des faits, l'exactitude, la justesse d'un raisonnement; contester une créance. Nul ne pouvait contester sa sincérité ni l'exemple émouvant de sa vie (Pesquidoux, Le Livre de raison,1932, p. 169).Je n'ai songé un seul instant à oublier vos titres, pas plus qu'à contester vos mérites (Audiberti, Quoat-Quoat,1946, 1ertabl., p. 39): 4. C'était une œuvre merveilleuse et singulière, profonde et singulière, et nul n'en eût pu contester la convaincante et souveraine perfection.
Gracq, Au Château d'Argol,1938, p. 162. − P. méton. [L'obj. désigne la pers. dont la valeur est contestée] Personne ne vous conteste sur ce point. SYNT. Contester la décoration, la supériorité, le talent, le titre, la valeur de qqn; contester la compétence d'une juridiction, d'un jury, d'un tribunal; contester l'autorité paternelle, l'infaillibilité pontificale, la légitimité d'un enfant. 3. Le contenu et/ou la vérité d'une assertion, d'une déclaration, d'un jugement, d'un raisonnement, d'un fait. Contester les déclarations d'un témoin; contester l'évidence. Odette est une femme parfaite, je ne le conteste pas (Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 209).Que la raison soit la marque distinctive de l'homme, personne ne le contestera (Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 67).Qui conteste que cette femme fût une Ondine (Giraudoux, Ondine,1939, III, 4, p. 119): 5. On conteste un article de journal mais non une image ou un son.
Malraux, Les Conquérants,1928, p. 149. − Emploi pronom. passif. Les performances et les championnats se contestent et se défendent (Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 105). Rem. 1. Contester que se construit généralement avec le subj. 2. Lorsque contester est employé négativement et complété par une prop. introduite par que, le verbe de cette prop. peut prendre ne sans qu'il y ait effectivement négation (ne explétif). Je ne conteste pas que vous n'ayez quelques motifs de vous plaindre. Je ne conteste pas que Spinoza n'ait écrit un grand poème (Barrès, Mes cahiers, t. 2, 1898-1902, p. 143). II.− Emploi intrans. et trans. indir. A.− Discuter en contredisant, en mettant en doute. Contester avec, contre qqn; contester longtemps sur un point. Synon. chicaner, débattre, discuter, disputer.Aimer à contester; vivre sans contester. Pardonnez-moi si je conteste une seule fois avec vous (Nodier, La Fée aux Miettes,1831, p. 156): 6. Je conteste au nom de la contestation qu'est l'expérience elle-même...
G. Bataille, L'Expérience intérieure,1943, p. 29. − PROCÉDURE. Contester en justice. Plaider. Contester plus amplement. Réitérer les débats sur des faits qui ne paraissent pas suffisamment éclaircis; procéder à une nouvelle instruction. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Lar. encyclop. B.− Absol. Critiquer systématiquement les institutions, les idées reçues et refuser l'ordre social établi. Ce ne sont pas des lumières, me répond-elle gentiment, mais ils sont braves. Ils ne contestent pas ici! (Y. Hureaux, Le Prof,Paris, Julliard, 1972, pp. 48-49). Rem. Les dict. (Littré, Guérin 1892, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Quillet 1965) attestent l'adj. et subst. contesteur, euse. Celui, celle qui conteste. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃tεste], (je) conteste [kɔ
̃tεst]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1338 verbe trans. « refuser de reconnaître le droit ou la prétention de quelqu'un à quelque chose » (Cartulaire de Flines ds R. Hist. litt. Fr., t. 8, 1901, p. 490); d'où 1678 contestant subst. « celui qui conteste [en justice] » (La Fontaine, Fables, VII, 16, 42); 2. 1540 verbe intrans. « discuter » (N. Herberay des Essarts, Le Premier livre d'Amadis de Gaule, éd. H. Vaganay, p. 213, 1. 17); 3. 1588 verbe trans. « mettre en doute un fait, ce que quelqu'un affirme » (Montaigne, Essais, III, 4, éd. A. Thibaudet, p. 928); d'où 1660 contestant adj. « qui conteste » (Scarron, Épistre chagrine à Mademoiselle de Scudery ds Littré), qualifié de ,,class.`` ou de ,,vieux`` dep. Rob. 1953; 4. 1968 verbe intrans. « mettre en question l'ordre établi » (La Croix, 31 déc. ds Gilb.). Empr., prob. par l'intermédiaire de l'a. prov.,où contestar est attesté au sens 1 dès le mil. du xiies. (1140 ds FEW t. 2/2, p. 1105a) au lat. class. contestari, proprement « prendre à témoin », puis « commencer un débat judiciaire ». On trouve, en a. fr. et en m. fr., litiscontester « engager un procès » (attesté du xiveau début du xviies. ds Gdf.), empr. au lat. jur. litem contestari « id. », attesté à l'époque classique. Fréq. abs. littér. : 666. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 071, b) 674; xxes. : a) 911, b) 1 008. Bbg. Dubois (E.). Pt lex. des expr. abusives et des impropriétés. Déf. Lang. fr. 1972, no65, p. 13. |