| CONSTERNER, verbe trans. A.− Vx, littér. Jeter à terre. Il [Montesquieu] nous montre le Sénat, pendant que les armées consternaient tout, tenant à terre ceux qu'il trouvait abattus (Sainte-Beuve, Correspondance gén.,t. 7, 1818-69, p. 64). − P. métaph., emploi pronom., vieilli, rare. S'étonner, s'affoler. Cette personne se consterne aisément (Besch.1845).Tous les oiseaux s'effraient, se consternent ou s'effarent (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 5, 1851-62, p. 65). B.− Usuel. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou un groupe] 1. [L'agent est gén. un événement terrifiant et imprévisible, plus rarement une pers.] Jeter brusquement dans un état de stupeur et de découragement. Synon. accabler, anéantir, catastropher, désespérer; anton. réconforter, soulager : 1. D'un long sanglot l'aïeul, la veuve et l'orphelin Emplissent Rome en deuil que la terreur consterne.
Heredia, Les Trophées,1893, p. 73. Rem. Le suj. peut désigner une action, un événement, un sentiment; le compl. désigne toujours une pers. ou une collectivité. Certaine conférence (...) a consterné Montpellier (Valéry, Correspondance [avec Gide], 1891, p. 95). Cet acte de vigueur (...) consterna les Turcs (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, t. 12, 1863-69, p. 174). Il [le roman] avait consterné la direction (Mauriac, Bloc-notes, 1958, p. 59). 2. Attrister et dérouter l'esprit, qui ne parvient pas à comprendre. Synon. navrer, désoler : 2. Quelques siècles suffiront à montrer comment Van Gogh est parent de Renoir, que sa peinture consternait.
Malraux, Les Voix du silence,1951, p. 412. Rem. Le suj. est généralement une action, un événement, un sentiment; plus rarement une pers. (dans ce cas la cause de la consternation peut être exprimée par un compl. introduit par la prép. par); le compl. direct est toujours un nom de pers. ou de groupe. Ce petit homme avait un naturel qui passait tout l'art du monde. Grotesque et terrible, il consternait la table par sa sincérité (A. France, Le Lys rouge, 1894, p. 48). − Emploi abs. Cette déclaration consterne. La bêtise consterne et ne donne point l'envie de rire (Cocteau, La Difficulté d'être,1947, p. 156). − Au passif (notamment lorsque le suj. est une pers. ou une collectivité). Être consterné de, par.Le pauvre jeune homme ne put manger tant il était consterné de la dartre apparente qui avait donné une couleur abominable à une des joues de son amie (Stendhal, Lamiel,1842, p. 157). ♦ [Avec fréquemment une valeur intensive voisine de « être scandalisé »] Sous nos yeux à tous, en hauteur, il pissa. Nous étions consternés par son cynisme (Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 408). Prononc. et Orth. : [kɔ
̃stε
ʀne], (je) consterne [kɔ
̃stε
ʀn̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Av. 1380 [ms.] multitude du peuple consternee (Bers., T. Liv., ms. Ste Gen., fo55ods Gdf. Compl.), attest. isolée av. Cotgr. 1611. Empr. au lat. class. consternare « épouvanter, bouleverser, effaroucher » composé de *sternare, forme intensive de sternere « abattre, terrasser » d'où consterner « abattre (par ex. un ennemi) » attesté de 1642 (Oudin, Recherches ital. et françoises, Paris, t. 2) à 1734 Montesquieu, Rom., ch. VI ds Littré). Fréq. abs. littér. : 125. |