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COIFFER, verbe trans.
I.− Couvrir la tête avec une coiffure.
A.−
1. Coiffer qqn (de).Mettre une coiffe sur la tête (de quelqu'un). Coiffer un enfant d'un béret, d'une casquette; coiffer les soldats d'un casque; coiffer les grenadiers d'un bonnet à poils. Coiffer tout son monde avec des képis (A. Daudet, Tartarin de Tarascon,1872, p. 115);coiffer qqn d'une petite capeline en tricot (Zola, Une Page d'amour,1878, p. 1055):
1. Les miroirs où si souvent Jean Péloueyre avait contemplé sa pauvre mine, furent voilés de linge. On habilla son corps comme pour la grand-messe : Cadette le coiffa même d'un feutre et lui mit un paroissien entre les mains. La cuisine se remplit d'une rumeur de fête parce qu'il y aurait quarante personnes à la salle à manger. Mauriac, Le Baiser au lépreux,1922, p. 209.
Fam. et p. plaisant. Appliquer sur la tête, jeter. Coiffer qqn d'un seau d'eau. Coiffer le notaire avec l'omelette (Champfleury, Les Aventures de MlleMariette,1853, p. 127).Guignol, qui est en train de déménager ses meubles par la fenêtre, coiffe le portier avec le vase de nuit (Coppée, La Bonne souffrance,1898, p. 35).
Populaire
[En parlant d'une femme] Coiffer son mari (de cornes). Le tromper. La femme qui commande humilie son mari, et tôt ou tard, elle le coiffe (Proudhon, La Pornocratie,1865, p. 203).
Enivrer. Ce vin coiffe vite; être aisé à coiffer.
Rem. Sens pop. attesté ds la plupart des dict. du xixeet du xxesiècle.
2. P. anal. Placer au-dessus de.
a) Orner, parer la tête de quelqu'un. Coiffer qqn de fleurs, de plumes; coiffer la tête d'un diadème. Le jour où une novice fait profession, on l'habille de ses plus beaux atours, on la coiffe de roses blanches (Hugo, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 583).
P. métaph., fam., rare. Coiffer qqn d'un surnom, d'un sobriquet (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 13, 1863-69, p. 103).Coiffer qqn d'une idée. Lui faire adopter. Si je pouvais le coiffer [Jonquières] de mon idée (É. Augier, Jean de Thommeray,1874, p. 332).
b) [En parlant de l'élément qui compose un paysage : sommet, colline, toit d'une maison] Être placé au-dessus de; surmonter. Bois qui coiffe le sommet d'un tertre; nuage, brume qui coiffent la montagne. La verte colline que coiffe cette maisonnette (Amiel, Journal intime,1866, p. 393):
2. Les coteaux coupés de haies vives, la route blanche, l'ombre déliée de la minuscule vallée de la Souette, à peine distincte, jusqu'à la crête plus lointaine, coiffée de travers par les derniers taillis de la forêt de Seigneville, tout ce paysage paisible lui apparut [à Chantal] transfiguré dans la lumière immobile... Bernanos, La Joie,1929, p. 604.
c) [En parlant d'un obj. que l'on recouvre d'une manière ou d'une autre] Coiffer une bougie d'un éteignoir. La meunière coiffa le brasier d'une large marmite, dont la flamme embrassa le fond noir comme une couronne d'or radiée (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 340).Coiffer une lampe d'un abat-jour (Gide, Isabelle,1911, p. 614).
Spécialement
Coiffer une bouteille, coiffer un flacon. Mettre une enveloppe de cire, de métal sur le bouchon afin d'empêcher que le vin ne s'évente. Voici la cave de l'ami Kobus où les bouteilles vénérables coiffées de cires vermeilles s'alignent dans un ordre parfait (A. Daudet, Pages inédites de critique dramatique,1897, p. 77).
MAR. Voile qui coiffe (ou se coiffe), et p. ext., navire qui coiffe. Voile frappée par le vent sur sa face antérieure, et qui s'applique contre le mât (cf. T. Gautier, Italia, Voyage en Italie, 1852, p. 6). Il fallait opérer sans retard. La grand'voile et le grand hunier furent largués et coiffèrent le mât sous l'effort du vent (Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 54).
RELIURE. Coiffer un livre. Arranger le cuir en rabattant et en collant ce qui dépasse à chaque extrémité (cf. A. Maire, Manuel pratique du bibliothécaire, 1896, p. 312).
TECHNOL. Coiffer la chèvre. Fixer sur la coiffe d'une chèvre le câble qui servira à soulever les charges.
Rem. Sens attestés ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxesiècle.
VÉN. [En parlant des chiens] Happer le sanglier ou le cerf aux oreilles. Chercher à coiffer l'animal (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 238):
3. Sur son corps (...) il [le cerf] sentait la morsure des dents longues (...). Il était aux abois, dans les abois, parmi toutes ces voix dévorantes, avides, cruelles (...). Un molosse le coiffa, qu'il secoua d'un dernier sursaut... P. Vialar, La Chasse aux hommes,Le Rendez-vous, 1952, p. 231.
Au fig. Courir sus à quelqu'un, s'en saisir, l'arrêter.
Ah! fit l'autre [policier à son collègue] avec une certaine curiosité (...) vous l'avez coiffé... Il [l'assassin] ne pouvait aller bien loin (P. Vialar, La Chasse aux hommes,L'Hallali, 1953, p. 170).
3. Au fig. Être placé à la tête d'un organisme, exercer son autorité sur, coordonner les actions. Coiffer des services; coiffer les différentes activités. Coiffer des entreprises (Camus, L'Homme révolté,1951, p. 263):
4. Dès 1941, la France libre avait envoyé dans l'île le capitaine Scamaroni avec mission de préparer l'action. Pendant deux ans, Scamaroni avait fait d'excellent travail, réussissant à coiffer tous les éléments de résistance, afin qu'aucun parti, aucun clan, ne pût monopoliser à son profit l'effort de tous. De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 141.
4. Spécialement
a) SP. [En parlant d'un cheval de course] Battre un adversaire d'une courte tête, juste sur le poteau d'arrivée.
P. ext. [En parlant d'un sportif quelconque : cycliste, athlète, etc.] Battre son rival au dernier moment et juste sur la ligne d'arrivée. Guillez, lui, se contenta de coiffer sur le poteau l'immense Jarvinen (L'Auto, 27 août 1933, p. 1 dsA.-O. Grubb, French sports neologisms,1937, p. 26).
b) ART MILIT. [En parlant de stratégie] Coiffer un objectif; coiffer l'ennemi. L'atteindre par ses tirs; prendre d'assaut ses positions.
Rem. Sens art milit. attesté ds la plupart des dict. du xixeet du xxesiècle.
B.− Mettre sur sa tête, porter comme coiffure.
1. Emploi trans. Coiffer un chapeau, un casque, un chaperon. Coiffer des pailles de Panama, des canotiers, de larges chapeaux melons (Jammes, Les Robinsons basques,1925, p. 146):
5. Le 20 juin, un cortège tumultueux, portant une pétition pour le rappel des ministres girondins, défila devant l'Assemblée consentante, puis viola les Tuileries sans défense. C'est ce jour-là que Louis XVI, à la foule qui l'insultait et le menaçait, opposa son courage résigné et tranquille, et coiffa le bonnet rouge qui lui était tendu. Bainville, Hist. de France,t. 2, 1924, p. 67.
Au fig.
a) Coiffer la couronne, la mitre, la tiare. Être élevé à la dignité de roi, d'évêque, de pape. Coiffer la tiare en la ville d'Avignon. Être en passe de coiffer la couronne (F. Fabre, Le Roi Ramire,1884, p. 230).La Princesse (...) avouait un regret à la pensée qu'il [le nonce Bentivoglio] n'eût pas coiffé la tiare (J. et J. Tharaud, La Tragédie de Ravaillac,1913, p. 84).
b) [P. allus. au bonnet porté par la patronne des célibataires] Coiffer Ste Catherine. Atteindre la vingt-cinquième année sans s'être mariée :
6. On ne parlait de mademoiselle Mignon que pour l'insulter par des « Pauvre fille, que deviendra-t-elle? Elle coiffera sainte Catherine ». Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 43.
c) [Avec un compl. interne de mesure ou de qualité]
[En parlant du tour de tête et de sa mesure] Coiffer du 50; coiffer petit, grand.
[En portant un jugement sur l'élégance de la coiffure] Coiffer bien, mal, admirablement. J'ai beaucoup de mal à me faire aux formes nouvelles. Robert trouve qu'elles me coiffent très bien (Gide, L'École des femmes,1929, p. 1266).
2. Emploi pronom. Orner, parer sa tête de ce qui sert à la couvrir. Se coiffer d'un melon, d'une casquette, d'un casque. Se coiffer d'un tricorne (About, La Grèce contemporaine,1854, p. 369);se coiffer d'un invraisemblable petit chapeau (Guéhenno, Journal d'un homme de 40 ans,1934, p. 215):
7. Tout en disant cela Fritz se coiffait de son feutre; il prenait sa canne à pomme d'ivoire au coin de la cheminée, et descendait dans le vestibule. Erckmann-Chatrian, L'Ami Fritz,1864, p. 39.
Au fig. et fam.
Être coiffé de qqn, se coiffer de qqn.Avoir une attirance pour cette personne; s'engouer de. Se coiffer d'une servante. Se coiffer d'une drôlesse (G. Sand, François le Champi,1850, p. 30):
8. ... l'imbécile Orgon en pourrait remontrer à Molière si le goût désordonné et tout humain qu'il a de Tartuffe ne lui faisait oublier ce que le catéchisme lui enseigne touchant la corruption de la nature (...). Orgon est coiffé de Tartuffe, et plus il cède à cet attrait et plus il s'éloigne du christianisme... Mauriac, Mes grands hommes,1949, p. 26.
Être coiffé, se coiffer d'une idée. N'avoir que cette idée en tête, être persuadé de son exactitude. Je parle de mon voisin de Beuvre, un très-excellent homme, je vous jure, mais coiffé de l'idée que la vertu est dans les livres de théologie (G. Sand, Les Beaux Messieurs de Bois-Doré, t. 1, 1858, p. 63).
II.− Arranger les cheveux d'une certaine manière, en les peignant, en les brossant, etc.
A.− Emploi trans. Coiffer son enfant, sa poupée; coiffer en bandeaux, à la Jeanne d'Arc. Coiffez-le « aux enfants d'Édouard » (A. France, Le Livre de mon ami,1885, p. 28);être en train de la coiffer (R. Martin du Gard, Les Thibault,Le Cahier gris, 1922, p. 671):
9. J'en repartais au matin, à l'heure où Marie commençait de coiffer ma mère; aussi ne m'était-il donné d'assister que les jours de congé à cette opération, qui durait une demi-heure. Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 454.
B.− Emploi pronom. Se coiffer élégamment; se coiffer avec des anglaises. Se faire coiffer (Constant, Le Cahier rouge,1830, p. 58);se coiffer en brosse (Banville, Odes funambulesques,1859, p. 181);se coiffer mal (Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 978):
10. La femme se mit entièrement dans l'âtre pour s'habiller, à dix centimètres du feu c'était intolérable. Elle se coiffa comme elle put devant la petite glace de son sac à main. Les cendres tombaient abondamment sur ses cheveux et elle rit de se voir du noir sur le nez. Elle mit son béret, enfila son manteau... E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 13.
Rare. [En parlant d'une femme] Se coiffer en cheveux. Ne pas porter de coiffure. Elle se coiffe plutôt en cheveux qu'en chapeau, par économie (Champfleury, Les Aventures de MlleMariette,1853, p. 107).
C.− Absolument
1. Savoir coiffer. MlleLebrun me suivra jusques à Londres si cela est nécessaire, et l'on dit qu'à Londres il y a une foule d'hommes et de femmes françaises sans place qui réunissent les talents que je cherche. Il me faut une femme de chambre qui sache très bien coiffer (Mmede Staël, Lettres inédites à L. de Narbonne,1792, p. 88).
2. Aller se faire coiffer. Aller chez son coiffeur pour se faire couper les cheveux.
Rem. Attesté ds Dub.
Prononc. et Orth. : [kwafe], (je me) coiffe [kwaf]. Ds Ac. 1694-1932. Pour les graph. coifer, cœffer, coëffer, cf. coiffe. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1280 l'obj. désigne une pers. « mettre une coiffe sur la tête de quelqu'un » [fames] espès coiffïes (Clef d'Amors, 2425 ds T.-L.); 2emoitié xiiies. [date du ms. Bibl. nat. fr. 1593, anc. 7615] (Contenance des fames ds A. Jubinal, Nouv. rec., II, 174); 1538 l'obj. désigne une coiffe « mettre sur sa tête » (Cl. Marot, Temple du Cupidon, 219); 2. a) 1549 né coeffé (cf. coiffe 3 b) fig. (Est.); b) 1599 coiffé de « entiché de » (Fauchet, Antiq. gaul., III, 2 ds Gdf. Compl.). B. 2emoitié xiiies. « mettre en ordre les cheveux de quelqu'un » (?) (Contenance des fames, ibid. : Or est lavée, or est peigniée, Or est coifée, or est treciée). Dér. de coiffe*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 451. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 473, b) 635; xxes. : a) 982, b) 582. Bbg. Goug. Mots t. 2 1966, pp. 132-133. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 250.