| * Dans l'article "CHOQUER,, verbe trans." CHOQUER, verbe trans. A.− Concr. [Le compl. d'obj. désigne une chose] 1. [Le suj. désigne une pers., un animal, une chose] Donner un choc, heurter violemment. Choquer des cailloux; le taureau choque la muraille de ses cornes; les sabots choquent le pavé. Synon. buter, cogner, frapper.Le troisième [homme] choquait, de temps à autre, ses cymbales avec une violence extraordinaire (Baudelaire, Petits poèmes en prose,Les Vocations, 1867, p. 160).Parfois l'un [un hanneton] d'eux choquait le zinc des gouttières avec un bruit mat (Moselly, Terres lorraines,1907, p. 98). ♦ Rare. Synon. de frapper.Les barbares (...) choquaient leurs paumes en mesure (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 140).Synon. de heurter.Sa tête [d'Omer] choqua la terre (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902p. 251). − Rare, intrans. Synon. de se choquer.Ses dents [d'Albertus] Choquaient à se briser (T. Gautier, Premières poésies,Albertus, 1830-45, p. 178).Je m'en allais cogner partout (...) J'allais choquer dans l'armoire (Céline, Mort à crédit,1936, p. 391). − Emploi pronom. [Le suj. désigne des choses et plus rarement certaines parties du corps humain] Les épées, les poulies se choquent; les dents se choquent; les pieds d'une danseuse se choquent en l'air. Ses chaînes [du prince] se choquent avec un fracas horrible (MmeCottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 300).Les prunelles étaient entièrement retournées vers le front, les genoux de l'enfant trop gros se choquaient (Druon, Les Grandes familles,1948, p. 85). ♦ Rare. Synon. de se frapper.Ses deux mains se choquèrent avec bruit (O. Feuillet, Monsieur de Camors,1867, p. 338).Synon. de se heurter.Deux hirondelles se sont choquées dans l'air (Renard, Journal,1899, p. 546). ♦ P. métaph. ou au fig. Les passions se choquent et sont en présence (Maine de Biran, Journal,t. 1, 1816, p. 101).Se choquer contre...Elles [les femmes] se choquent contre la règle, comme un oiseau contre ses barreaux (Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M. F.-T. Graindorge, 1867, p. 63).Mes raisonnements se choqueront quelquefois contre les grelots de la folie (Lautréamont, Les Chants de Maldoror,1869, p. 253). 2. P. ext., fam. Choquer les verres. Trinquer. Sylvaine et Simon choquèrent leurs verres si fort que celui de Simon éclata dans ses doigts (Druon, Les Grandes familles,1948, p. 75). − Absol. On choque, on boit, et c'est, parbleu! la meilleure goutte que j'aie lampée de ma vie (Verlaine,
Œuvres posthumes,t. 1, Souvenirs, 1896, p. 249). − Pronom. Les verres recommencèrent à se choquer au poing des hommes (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 77). 3. P. anal., vx, pronom. Se heurter et se combattre violemment. Le spectacle des deux armées qui s'avancent en bon ordre, prêtes à se choquer (Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 201). 4. Spéc., MAR. ,,Diminuer la raideur d'un cordage tendu en le filant un peu sur le guindeau, le treuil ou la bitte où il est tourné.`` (Gruss 1952). Choquer une écoute, ,,la filer par à-coups`` (Gruss 1952). − Absolument : 1. ..., le coup d'étrave du Max mettait en pleine lumière la possibilité, pour un cuirassé solidement construit, de choquer à toute vitesse, ...
A. Ledieu, E. Cadiat, Le Nouv. matériel naval,t. 2, 1899, p. 501. B.− Au fig. [Le compl. d'obj. désigne des pers. ou des notions abstr. se rapportant à l'être humain] 1. Aller contre, agir de façon plus ou moins agressive contre une notion établie, un principe. Choquer les bienséances, les convenances, les bonnes mœurs, les principes, la raison. Il [le mari d'Anne-Marie] donnait sa parole de changer, de ne plus rien faire qui choquât la droiture (Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 62).Je vais choquer un grand nombre d'idées reçues, en admettant toutefois que mes lecteurs me comprennent (J. Bousquet, Traduit du silence,1935-36, p. 151). − Absolument : 2. Je ne dissimulerai pas que le plaisir de rompre avec la coutume, l'intention parfois de choquer, n'étaient pas absents de toutes les âmes.
Valéry, Variété IV,1938, p. 14. 2. [Avec l'idée de blesser moralement, de déplaire ou de scandaliser] Offenser en heurtant les idées, les habitudes : 3. Ses vêtements [du journaliste] et son attitude détonnaient dans ce milieu. Il s'en rendait compte, et redoublait de vulgarité; les coudes sur la table, le chapeau sur la tête, la voix crapuleuse, il semblait prendre plaisir à choquer ses voisins.
Arland, L'Ordre,1929, p. 393. 4. Je me hasarderais à une proposition qu'il vaut mieux que je retienne en moi-même, afin de ne pas choquer ta susceptibilité.
A. Arnoux, Rêverie d'un policier amateur,1945, p. 66. SYNT. Ça me choque (fam.); sa vulgarité me choque; ses paroles blessantes me choquent; choquer ma modestie, ma vanité, mon imagination, mes habitudes. Rem. On rencontre chez Barrès la constr. Vous êtes choqués à me lire (L'Ennemi des Lois, 1893, p. 21). Elle ,,n'est pas synon. de choqués de me lire. À me lire n'est pas le compl. d'objet de : Vous êtes choqués, mais plutôt une sorte de temporelle ou de causale : Tandis que vous me lisez ou parce que vous me lisez, vous êtes choqués`` (Dupré 1972). ♦ Étonner, surprendre désagréablement. Ce nom choque ici comme un bibelot de camelote dans une collection sans tare (Colette, Claudine s'en va,1903, p. 48): 5. Je ne vois vraiment rien là qui puisse choquer la Sorbonne.
Péguy, L'Argent,1913, p. 1184. − Absol. Tout choque en effet dans ce récit romanesque (Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 310). − Pronom. Notre vanité aura beau se choquer des souvenirs (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 16): 6. À ce moment, sur la dernière note de la figure, la môme a pivoté dos au public et, d'une envolée, rejetant ses jupes par-dessus sa tête, remonte ainsi vers le fond, au grand scandale de toute l'assistance.
tous. − Oh! Les dames surtout se choquent.
Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, II, 8, p. 50. 3. Frapper désagréablement, produire une impression désagréable. Cette couleur choque la vue; sa voix criarde choque l'oreille : 7. ... les papillons y étaient [dans l'Arche de Noé] plus grands que les éléphants, ce qui, à la longue, choquait mon sens des proportions; ...
A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 64. 8. Quand on fait le procès du machinisme, on néglige le grief essentiel. On l'accuse d'abord de réduire l'ouvrier à l'état de machine, ensuite d'aboutir à une uniformité de production qui choque le sens artistique.
Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 327. − Absol. Le luisant de la peinture achève de choquer et donne une maigreur insupportable à tout cela (E. Delacroix, Journal,1852, p. 161). − Pronom., rare : 9. La littérature peut et doit descendre au peuple, au laid jusqu'à l'horrible. La peinture doit plutôt aller au beau, à l'élégant, au joli. L'une s'adresse aux yeux qui se choquent, l'autre au cœur qui s'émeut.
E. et J. de Goncourt, Journal,1864, p. 39. C.− Domaine de la vie psychique, rare.[Uniquement au passif et employé plus fréq. comme part. passé pris comme adj. (en parlant de l'organisme humain et du système nerveux)] Faire subir un ébranlement grave : 10. Je vous ai dit de quel coup cette disparition m'avait choqué le crâne!
G. Leroux, Le Mystère de la chambre jaune,1907, p. 93. 11. Le lendemain, il eut un nouvel étourdissement. Assis sur la chaise, comme l'autre fois, il regarda de tous côtés, avec un air traqué, la bouche entrouverte, comme ces soldats qui, choqués par une explosion d'obus, vous disaient ensuite : « Prends-moi la main. »
Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 897. Prononc. et Orth. : [ʃ
ɔke], (je) choque [ʃ
ɔk]. Ds Ac. 1694-1932. Fér. Crit. t. 1 1787 rappelle la vieille orth. chocquer. Étymol. et Hist. A. 1. 1remoitié xiiies. intrans. pic. chuquier « se heurter (dans le combat) » (Durmart le Gallois, éd. J. Gildea, 4689); 2. xiiies. id. pic. çuker « frapper » (Chansons et dits artésiens, XIX, 70 ds T.-L.); 3. 1694 choquer le verre à table (Ac.). B. av. 1621 fig. « aller à l'encontre, offenser, blesser » (Montchrestien, Les Lacènes, p. 180 ds IGLF : choquer les regles de nature); 1631 choquer l'innocence (Rotrou, Hypocondriaque, I, 1, p. 9, ibid.). Orig. obsc., peut-être germanique (Th. Braune ds Z. rom. Philol. t. 19, p. 356); un empr. au m. néerl., m. b. all. schocken « heurter, donner un coup » (Valkhoff, p. 89; FEW t. 17, p. 50a; EWFS2) − le néerl. étant attesté en 1494 par son dér. shockelen d'apr. FEW − fait difficulté du point de vue chronol.; l'attribution de l'alternance [ü] [o] de l'a. fr. à celle du m. h. all. dial. schucken/m. h. all. schocken (FEW) fait difficulté du point de vue géogr. les formes en [ü] étant presque exclusivement pic.; d'autre part, il paraît difficile de partir pour le verbe choquer du subst. a. h. all. scoc « choc » (Bl.-W.5) qui fait, de plus, difficulté du point de vue géogr., l'aire du mot fr. étant à l'orig. essentiellement pic. et wallonne. Fréq. abs. littér. : 892. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 450, b) 1 008; xxes. : a) 1 236, b) 1 272. DÉR. 1. Choquable, adj.Qui se choque facilement. Je ne suis pas beaucoup choquable, et cependant je me trouvai choqué d'être si mal reçu (G. Sand, Les Maîtres sonneurs,1853, p. 223).Je vous assure, disait Odette, je suis au fond une petite bourgeoise très choquable, pleine de préjugés, vivant dans son trou, surtout très ignorante (Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 604).− [ʃ
ɔkabl̥]. − 1reattest. 1853 (G. Sand, loc. cit.); de choquer, suff. -able*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Choquement, subst. masc.Action de choquer, résultat de cette action. Le choquement aigu des crotales passées aux doigts de la danseuse (Du Camp, Le Nil,1854, p. 117).Les chaînes dans l'étable où l'ombre était ouverte avaient un bruit tremblé de choquement de verres (Jammes, De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir,1898, p. 16).Il rit comme le choquement d'une coupe de champagne (Jammes, Correspondance avec A. Gide,1893-1938, p. 203).− Seule transcr. ds Littré : cho-ke-man (e = ə). − 1resattest. 1556 « choc des armées » (Noguier, Hist. tolos., p. 32 ds Gdf. Compl.); 1605 choquement des atomes (Le Loyer, Hist. des Spectres, I, 3 ds Hug.), ces 2 sens seulement aux xvie-déb. xviies.; 1854 (Du Camp, loc. cit.); de choquer, suff. -ment1*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 131. |