| CHIPER, verbe trans. Familier A.− 1. Voler un objet de peu de valeur; voler subrepticement (cf. barboter, faucher, piquer). Le garçon partait en maraude pour chiper le rasoir de l'un et le blaireau de l'autre (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 187): 1. Ils allongeaient la main en passant le long des étalages, chipant un pruneau, une poignée de cerises, un bout de morue.
Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 783. ♦ P. métaph. Ah! le monstre a commencé jeune, il s'y entend à chiper les cœurs (A. Daudet, La Petite paroisse,1895, p. 50).Pourquoi chiper, moi incroyante, au calendrier religieux un prétexte à bombance (H. Bazin, Lève-toi et marche,1952, p. 124): 2. C'était une sente très étroite qui s'insinuait dans la forêt, (...) on sentait de l'eau dans ses chaussures, et un arbuste vous chipait votre chapeau.
Romains, Les Copains,1913, p. 267. − Spéc. [En parlant d'un(e) employé(e) de maison] Faire des bénéfices au détriment de son patron. ♦ Chiper qqn : 3. La pauvre fille mettait de côté ses desserts, refusant de « chiper un peu la patronne » malgré les conseils d'Arthur.
H. Bazin, La Tête contre les murs,1949, p. 322. ♦ Chiper (qqc.) sur qqc. : 4. ... le voilà aussi bas qu'une cuisinière qui chipe deux sous sur un pot-au-feu (...) Aller gratter sur les additions!
Zola, Le Capitaine Burle,1883, p. 36. P. métaph. : 5. ... je suis peu libre; sous prétexte que je suis maire et proprio, etc., chacun se donne le droit de chiper sur mes heures; travail à surveiller; conseil à donner; réprimande à infliger; signature à apposer;...
Gide, Correspondance[avec Valéry], 1898, p. 330. ♦ Absol. Non, vrai! tu chipes trop... ça te jouera... un mauvais tour (Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 343). − Rare. Chiper qqn.Dépouiller quelqu'un de ce qui lui appartient : 6. Dans les cellules à deux, les défiants se dépêchaient de clouer une couverture entre leur toile et leur camarade pour n'être pas chipés.
E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 57. 2. Au fig. S'attribuer, s'approprier indûment le bien de quelqu'un, l'en déposséder. Poutillard a des ennemis, parce qu'il a chipé la maîtresse d'un camarade (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 98): 7. Elle ne voulait pas, elle la titulaire, se laisser chiper son rôle dans ces jours de gala.
Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 322. 8. Tout de même, ç'aurait peut-être été mon salut, de lui chiper sa place... de devenir à mon tour le chef responsable d'une grande boîte...
R. Martin du Gard, Un Taciturne,1932, I, 5, p. 1251. B.− Prendre sur le fait, arrêter. Se faire chiper comme des gosses, en flagrant délit d'inattention et de mensonge (L. Daudet, Ch. Maurras et son temps,1928, p. 111).Il ne faut pas que vous me preniez pour un apache. Je n'ai jamais été chipé (Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 232).Il [un professeur] m'a même sauvé un jour que j'ai failli être chipé en sortant [du collège] (Lacretelle, Les Hauts ponts,t. 3, 1935, p. 79). − P. ext. Être chipé. Être dupé (cf. se faire avoir) : 9. ... Dieu sait où ça mène de rire trop tard, quand on a le cœur pris par un désespoir d'amour! Droit au puits pour s'y jeter, tête première. (...) J'en ai vu de plus malicieuses que vous chipées par le suicide, l'idée fixe à ce qu'on dit, gobées comme des mouches...
Bernanos, La Joie,1929, p. 617. ♦ Pop. Être chipé pour qqn. Être épris de quelqu'un : 10. Vous me reprochez, entre tant,
D'être chipé pour la boniche.
Mais vous donner mon cœur, autant
Porter des cerises à Guiche.
Toulet, Les Contrerimes,1920, p. 106. Prononc. et Orth. : [ʃipe], (je) chipe [ʃip]. Ds Ac. 1932. Étymol. et Hist. 1759 « voler » (A.-Ch. Cailleau, Nouveaux bouquets poissards, p. 9). Prob. dér., avec dés. -er, de chipe « petit morceau, rognure d'étoffe » (chiffe*), chiper étant proprement « dérober une chose de peu de valeur ». Une orig. à partir de acciper* « prendre » (D'Hautel, s.v. acciper; Sain. Lang. par., p. 438; EWFS2) est moins probable. Fréq. abs. littér. : 123. DÉR. 1. Chiperie, subst. fém.Vol d'objets de peu de valeur. Le vol nous semble une espèce de caprice chez la femme, une chose pas plus odieuse que la chiperie d'un joli singe (E. et J. de Goncourt, Journal,1868, p. 419).− [ʃipʀi]. − 1reattest. 1855 (G. Sand, Histoire de ma vie, t. 4, p. 438); de chiper, suff. -erie*. − Fréq. abs. littér. : 3. 2. Chipeur, euse, adj. et subst.(Celui, celle) qui a l'habitude de commettre de petits vols. Hardi et chipeur comme un gamin de Paris (Balzac, La Maison Nucingen,1838, p. 607).Ce Lescure, quel chipeur! Après « Marie-Antoinette » et autres plagiats, le voilà qui publie « L'Amour sous la Terreur » après que j'ai fait « L'Amour au XVIIIesiècle » (E. et J. de Goncourt, Journal,1882, p. 175).− [ʃipœ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1reattest. 1828-29 (F. Vidocq, Mémoires de Vidocq, t. 4, p. 297); de chiper, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 3. BBG. − Sain. Lang. par. 1920, p. 438. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 136; t. 2 1972 [1925], p. 110. |