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CHIC, subst. masc. et adj. inv.
I.− Subst. masc.
A.− Péj., vieilli, dans l'arg. des peintres. Manière de peindre ou de dessiner artificielle, conventionnelle :
1. Le chic, mot affreux et bizarre et de moderne fabrique, dont j'ignore même l'orthographe, mais que je suis obligé d'employer, parce qu'il est consacré par les artistes pour exprimer une monstruosité moderne, signifie : absence de modèle et de nature. Le chic est l'abus de la mémoire; encore le chic est-il plutôt une mémoire de la main qu'une mémoire du cerveau; car il est des artistes doués d'une mémoire profonde des caractères et des formes, − Delacroix ou Daumier, − et qui n'ont rien à démêler avec le chic. Baudelaire, Salon,1846, pp. 163-164.
2. Somme toute, il y a dans cette toile un mélange de vérité et de chic, des certitudes de mouvements et une tendance à pousser la joie ou la goguenardise des têtes jusqu'à la charge. Huysmans, L'Art mod.,1883, p. 58.
− Dans d'autres domaines artistiques :
3. Je cherchais la manière qui, plus loin, est trouvée. Ça ne m'a pas semblé long et il y a de bonnes choses, mais par-ci par-là certains chics pittoresques inutiles, manie de peindre quand même, qui coupe le mouvement et quelquefois la description elle-même et qui donne ainsi, parfois, un caractère étroit à la phrase. Flaubert, Correspondance,1853, p. 206.
4. Je ne peux rien faire avec génie, par inspiration. Pour obtenir un résultat, il me faut travailler ferme, et me bien tenir, et persévérer. La plus petite faiblesse, je la paye. Il faut que je m'interdise le primesautier, l'impromptu et le chic. Renard, Journal,1896, p. 335.
De chic.Peindre, dessiner, écrire de chic, etc. De mémoire, sans modèle :
5. Car dans ce livre, comme dans les autres livres de ce singulier chef d'école, c'est toujours la créature de pure imagination, la créature fabriquée par les procédés de tous les auteurs qui l'ont précédé! oui, je le répète encore une fois, chez Zola, les milieux seulement sont faits d'après nature, et le personnage toujours fabriqué de chic. E. et J. de Goncourt, Journal,1884, p. 312.
6. Je lui en veux surtout de n'être pas poète : toutes ses images et tout ce qu'il y a de « poétique » dans ses livres, c'est fait de chic : combinaisons de « bleu angelus, larmes, étoiles... » Alain-Fournier, Correspondance[avec J. Rivière], 1907, p. 108.
7. Mais c'est le soir seulement que le quartier enfile son véritable costume et prend cet aspect fantastique et sordide que certains romanciers ont su rendre de chic, comme on dit, et sans risquer le voyage. Fargue, Le Piéton de Paris,1939, p. 24.
B.− Usuel
1. Élégance volontiers affectée, cachet d'originalité :
8. Quoique ce pays [la Bretagne] soit fort beau, d'un chic âpre et superbe, j'aimerais mieux être de l'autre bord, auprès de cette vieille Méditerranée. Flaubert, Correspondance,1847, p. 29.
9. Tout le monde sait que tout mon goût va aux Françaises. Elles seules ont ce chic, et ce chien. Mais pourtant, ne trouvez-vous pas que les Italiennes ont du charme? Aragon, Les Beaux Quartiers,1936, p. 408.
Chic + adj. de relation ou appos.Genre. Chic Pompadour :
10. Ces reproches, distribués çà et là, devant le front de la compagnie, excitaient des rires universels, et j'étais bien convaincu que les voltigeurs ainsi admonestés se surveilleraient davantage à l'avenir. En revanche, quand je passais devant un sujet plus soigneux et mieux brossé que les autres, je ne manquais pas de l'encourager du geste et de la voix : − Tenue ficelée, parole d'honneur!... voltigeur modèle, quoi!... chic militaire numéro un!... avec cent mille fantassins de ce calibre, je ferais la campagne de Russie!... Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 175.
11. Le zingueur aurait préféré des ribotes dans le chic bon enfant; mais il était impressionné par les goûts d'aristo du chapelier, qui trouvait sur la carte des noms de sauces extraordinaires. Zola, L'Assommoir,1877, p. 618.
2. Grande habileté à faire quelque chose :
12. Oh! un chic épatant, pas même le temps de rouler une cigarette. Rien que le geste de prendre une mince bande de papier vert, et, allez-y! le papier filait et enveloppait le laiton; puis, une goutte de gomme en haut pour coller, c'était fait, c'était un brin de verdure frais et délicat, bon à mettre sur les appas des dames. Le chic était dans les doigts, dans ses doigts minces de gourgandine, qui semblaient désossés, souples et câlins. Elle n'avait pu apprendre que ça du métier. On lui donnait à faire toutes les queues de l'atelier, tant elle les faisait bien. Zola, L'Assommoir,1877p. 720.
Avoir le chic (pour) :
13. Il avait un chic particulier pour lasser le bourreau en s'effaçant sous les coups, en le contraignant à frapper à bout de bras. H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 71.
II.− Adj. inv. en genre ou interj.
A.− [Correspond au sens B du subst.] Élégant :
14. Il y a une belle croix noire avec des boules d'or à ses trois bouts qui, au point d'intersection des bras, montre un tombeau chic : Sainte-Hélène, ombragé par un saule pleureur d'un pleurard échevelé; ... Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 361.
15. − Ce sont les hussards de la religion, les anciens et joyeux lanciers, les régiments chic et pimpants du Pape, tandis que les bons Capucins, ce sont les pauvres tringlots des âmes, dit Durtal. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1895, p. 62.
16. − Mais qui sont ces gens, demandait Caracalla, pourquoi viennent-ils ici? Ils ne semblent pas s'amuser... − Voudriez-vous qu'ils lancent des confettis et se coiffent de bonnets d'âne; c'est le style de l'Europe Centrale; à Paris et à Londres on ne « chahute » pas dans les boîtes « chics »... Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 61.
Rare. [Antéposé au subst.] :
17. Et comme s'il me voyait réellement, pour la première fois : − Mais tu es une très chic fille... me dit-il... Depuis combien de temps es-tu donc ici? Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 238.
18. Il est plein de mépris pour d'anciens camarades qui n'ont pas réussi. Il connaît « des chic types » qui se font de 20 à 30 000 francs par an, carrément. Renard, Journal,1901, p. 634.
Employé adverbialement. Il s'habille plus chic que vous (Montherlant, Demain il fera jour,1949, I, 2, p. 710).
Au superl. Ce bar ultra-chic (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 53).
B.− [S'appliquant à une pers., à son comportement] Généreux, sympathique. Un chic type, une chic fille :
19. C'est moi et Flaubert qui sommes les malpropres, les crapuleux, les voyous, tandis qu'eux autres, ce sont les gens propres, pudibonds, moralement chic. E. et J. de Goncourt, Journal,1886, p. 600.
20. constant. − Tu es la modération même! gabrielle. − Pas toujours. Je ne pratique pas l'oubli des injures, quand c'est mon mari qui les a subies. Je trouve que ta sœur et ton beau-frère se conduisent, à ton égard, indignement! constant. − Ils ne sont pas très chic! gabrielle. − Ta sœur surtout. Quelle ingratitude!... Tu as toujours été pour elle un ami... un ami sublime! Bernstein, Le Secret,1913, I, 1, p. 4.
21. À la gare, un commandant attendait pour embarquer la petite troupe. La tête expressive de Gaspard retint ses yeux, et c'est à lui qu'il dit : − Ah! les volontaires? Rien que des braves, des chics Français! Benjamin, Gaspard,1915, p. 131.
22. − Mon dieu! Marie-Louise posa sa main sur le bras d'Henriette, − cet endroit ravissant!... et je n'y pensais plus, on me l'avait raconté, en effet, Morot est à New-York... Il ne faut pas vous gêner avec nous, Henriette... Alain serait très heureux d'acheter un tableau à Alexis... − Vous êtes chic! − Elles s'embrassèrent. E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 110.
C.− [Fonctionnant comme un équivalent de l'adv. bien] :
23. Tu sais, il y en a qui disent aux pisseuses qu'ils veulent envoyer dinguer : je pars pour l'Algérie, bonsoir, mon andalouse, geins pas, je t'enverrai des dattes, − et intérieurement ils pensent : compte là-dessus, il pleut! voyons, c'est-il convenable? Non, n'est-ce pas? Je ne suis pas comme ça moi, je préviens ma propriétaire huit jours à l'avance que je déguerpis. − C'est franc et c'est chic, voilà mon idée! Maintenant, embrasse-moi, poupoule. Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 125.
24. Il revenait de la Côte d'Azur. « C'est ce qu'il y a de chic dans le métier, il faut le dire : la plupart du temps, dans des bath coins, avec du soleil, de l'air, des fleurs, du beau monde. (...) » Aragon, Les Beaux Quartiers,1936, p. 234.
C'est chic (de).C'est aimable, gentil (de) :
25. − Tiens, lui dis-je, prends ça! − Une boîte d'allumettes! s'exclame-t-il, émerveillé, en regardant l'objet comme on regarde un bijou. Ah, zut! c'est chic, ça! des allumettes! Barbusse, Le Feu,1916, p. 208.
D.− Interj. Bien! bravo! :
26. − Tu fais un roman. Quel est le sujet? bosdeveix : − C'est un homme qui... − Oui, je vois ça de loin, dit d'Esparbès. bosdeveix : − Ça se passe à la frontière... − Chic, alors! parce que, tu sais, moi, mon vieux, tout ce qui passe sur la frontière... Mais, ce qui passe en France, je m'en fous. Renard, Journal,1893, p. 158.
27. clarisse. − Tu seras brûlé, mon pauvre Mariano, car c'est frère Jérôme que le Seigneur sauvera. les enfants. − Chic! chic! chic! Allons, prophète, viens te faire griller comme un poulet. premier enfant. − Prions d'abord pour notre bon frère Jérôme qui traversera le feu en chantant nos cantiques. fra mariano. − Uderico, sauve-moi. quatrième enfant. − Il a déjà peur! Salacrou, La Terre est ronde,1938, p. 225.
Prononc. et Orth. : [ʃik]. 1. Ds Ac. 1932. 2. Var. chique. La docum. montre que la graph. chique a eu une certaine vitalité au xixes. a) Comme graph. du subst. masc. : Si vous aviez eu, voyez-vous, un peu de notre « chique », vous l'auriez empêché de courailler (Balzac, La Cousine Bette, 1846, p. 348). b) Comme graph. de l'adj. au fém. : Est-elle jolie ta mère? S'il faut juger sur l'échantillon de ta bouche, elle doit être un peu chique! (Balzac, La Rabouilleuse, 1842, p. 372); opinions chic (ou chiques)... (Flaubert, Correspondance, 1866, p. 241). Except., on trouve cette graph. au xxes. : Je frissonnais en entendant taxer de « chiques représailles » un bombardement de Karlsruhe (Gide, Journal, 1938, p. 1320). 3. Nombre. Chic, au xixes. ne s'accorde pas en nombre. Au xxes., l'accord tend à se généraliser, après une période d'hésitation au début du siècle, dont témoigne l'existence des 2 usages chez certains écrivains (ou leurs imprimeurs). Ainsi Mirbeau : 2 plur. avec accord, 2 sans; Renard : 1 avec accord, 2 sans; Proust (À la recherche du temps perdu) : 7 avec accord, 9 sans. 4. Homon. chique (subst. fém.). Étymol. et Hist. 1. a) 1793 lang. poissard chic « air dégagé, aisance » (d'apr. Esn.); 1823 chique « subtilité, finesse » (Boiste); b) 1835 « caractère élégant, élégance (d'une chose) » (G. Sand, Lettres d'un voyageur, éd. 1857, p. 137 [lettre à Rollinat, janvier 1835] ds R. Philol. fr. t. 17, 1903, p. 293); 2. 1833 [1reéd.] domaine des beaux-arts (Th. Gautier, Les Jeunes-France, 87, 351 ds G. Matoré, Le Vocab. et la société sous Louis-Philippe, p. 237); 1834 peinture de chic (Boiste); 1832 attraper le chic (Ch. de Bernard, Gerfaut, p. 315 [dans la bouche de l'homme de lettres Marillac] ds R. Philol. fr., t. 17, p. 292); 1842 avoir le chic (De Léris et Brisson, Les Quatre quartiers de la lune, I, i ds Quem. Fichier); 1842 emploi adj. chique (Balzac, La Rabouilleuse, p. 272). Empr. à l'all. Schick (déverbal de schicken [proprement « faire que quelque chose arrive »] au sens de « arranger, préparer »), proprement « façon, manière, bon ordre, ce qui convient » attesté en Allemagne du Sud et spéc. en Suisse alémanique au sens de « convenance, habileté, savoir-faire » (réemprunté par l'all. mod. au fr. chic, ca 1850-60 au sens de « élégance »), v. Tapp. t. 2, p. 145; Paul-Betz; Trübner; peut-être introduit à Paris par les Alsaciens. Pour l'hyp. d'une dér. régr. de chiquer* « dessiner à grands traits » (Guir. Étymol., pp. 120-141), v. chiquer « battre ». Fréq. abs. littér. : 717. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 144, b) 1 000; xxes. : a) 2 297, b) 1 008.
DÉR. 1.
Chicard, adj.Un restaurant chicard (T. Corbière, Les Amours jaunes,1873, p. 262). [ʃika:ʀ]. Lar. 19eadmet chicard ou chicart aussi bien pour l'adj. que pour le subst. Lar. encyclop. écrit chicart ou chiquart pour l'adj. Lar. Lang. fr. donne ces 2 var. pour l'adj. et pour le subst. 1reattest. 1840 « qui a du chic » (E. de La Bédollière, A. Lorentz, Les Français peints par eux-mêmes, 2, 218) ds Quem.; de chic, suff. -ard*.
2.
Chiquement, adv.D'une manière sympathique. Ça s'est chiquement passé (G. Duhamel, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 99); il m'a reçu chiquement (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 273).[ʃikmɑ ̃]. 1reattest. 1858 (Larch., p. 452); de chic, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér. : 2.
BBG. − Duch. Beauté 1960, p. 144; pp. 148-149. − Gall. 1955, passim.Guiraud (P.). Le Ch. morphosémantique du verbe chiquer. B. Soc. Ling. 1960, p. 55, pp. 135-154. − Mat. Louis-Philippe. 1951, pp. 68-71; p. 237 (et s.v. chicard). − Nyrop (K.). Ling. et hist. des mœurs. Paris, 1934, pp. 247-261. − Pauli 1921, p. 36. − Quem. 2es. t. 2 1971. − Sain. Lang. par. 1920, passim (et s.v. chicard).