| CHEVROTER, verbe intrans. A.− [En parlant de la chèvre, et, p. ext., d'animaux semblables] Crier (cf. bêler). Il n'entendit même pas les cabris chevroter (Maran, Batouala,1921, p. 186). − [Suivi d'un compl. d'obj. interne] :
1. La brebis en bas chevrote son doux gémissement vers l'agneau.
Giono, Le Grand troupeau,1931, p. 221. B.− P. ext. 1. [En parlant d'une pers.] Parler, chanter d'une voix tremblante, semblable à celle d'une chèvre. Il bredouille et chevrote en parlant, comme s'il avait la fièvre (Amiel, Journal intime,1866, p. 242). − [Suivi d'un compl. d'obj. interne] ... l'invalide en goguette Chevrotte un gai refrain (Sainte-Beuve, Poésies, Les Rayons jaunes, 1829, p. 71). ♦ P. métaph., iron. : 2. Je vous recommande surtout, monsieur, ce gouvernement prosterné qui chevrote la fierté des obéissances, la victoire des défaites, et la gloire des humiliations de la patrie.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 46. 2. [En parlant d'une voix, d'une musique, d'un son] Avoir des tremblements semblables au bêlement d'une chèvre. Une voix qui chevrotait de tendresse (Sartre, Les Mots,1964, p. 15). 3. Je vais vers l'harmonium... Il en sort un bruit semblable à la respiration d'un ogre endormi, puis une note pointe et tremble et chevrote et s'éteint...
P. Vialar, Le Petit jour,1947, p. 261. − [Suivi d'un compl. d'obj. interne] La voix chevrotait des paroles indistinctes (Châteaubriant, M. des Lourdines,1911, p. 4): 3. [En parlant d'un inanimé concr.] Émettre des sons semblables au bêlement d'une chèvre. ... les trous obscurs Où la source chevrote (M. Rollinat, Les Névroses, Le Petit lièvre, 1883, p. 145). C.− P. anal., littér. Trembler : 4. Il [Jules Lemaître] riait d'un rire qui lui rougissait le crâne, gonflait ses veines, le faisait chevroter autant des mains que du timbre...
Cocteau, Portraits-souvenirs,1935, p. 190. Rem. On rencontre ds la docum. a) Qq. ex. du part. passé adjectivé chevroté. Trilles chevrotés (Ac. 1835-1932). Un appel chevroté (Colette, Sept dialogues de bêtes, 1905, p. 114). b) Le subst. fém. chevrotance. Synon. de chevrotement. Des notes moutonneuses qui bruissent avec des chevrotances cristallines (P. Adam, Soi ds Plowert 1888). Prononc. et Orth. : [ʃ
əvʀ
ɔte], (je) chevrote [ʃ
əvʀ
ɔt]. Warn. 1968 met [ə] muet entre parenthèses malgré les 3 consonnes. Ds Ac. 1694-1932. On rencontre ds la docum. la graph. avec 2 t (supra Sainte-Beuve, loc. cit.; cf. encore A. Arnoux, Rêverie d'un policier amateur, 1945, p. 194; P. Borel, Rhapsodies, 1831, p. 48; Pourrat, Gaspard des Montagnes, La Tour du Levant, 1931, p. 105). Pour le sens de mettre bas en parlant des chèvres cf. chevretter. Étymol. et Hist. 1. xiiies. chivroter inf. substantivé « bêler » (Isopet de Lyon, 1439 ds T.-L.), attest. isolée; 1706 « parler d'une voix tremblante (ici en parlant d'un poltron) » (Suite ou tome III du Virgile Travesty de M. Scarron, par le seigneur de Brasey, Amsterdam, p. 250); 2. 1690 « perdre patience » (Fur.), ,,vieilli`` ds DG. Dér. de chevrot, v. chevrotin; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 37. Bbg. Brinkmann (F.). Metapherstudien. Arch. St. n. Spr. 1876, t. 56, p. 347, 349. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 217. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 70. |