| * Dans l'article "CHEVILLE,, subst. fém." CHEVILLE, subst. fém. A.− Tige de bois ou de métal. 1. Servant à assembler les pièces d'un ajustage et, par extension, à boucher un trou. Cheville de bois. À travers les trous des chevilles qui cousirent ces planches à la carcasse des bateaux, j'épiais la mort (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 401).Trous (...) bouchés (...) avec (...) une petite cheville de bois (Y. Queret, Manuel de l'industr. du gaz,1923, p. 217). − Cheville ouvrière. Grosse cheville joignant le train avant et le corps d'une voiture et qui supporte l'effort principal. Traverses de cheville ouvrière (M. Bailleul, Notions de matériel roulant des ch. de fer,1951, p. 97). ♦ Au fig., loc. fam. Personne jouant le rôle essentiel d'une affaire. Vaugelas, en ses dernières années, était donc devenu le grand travailleur, la cheville ouvrière de l'Académie, celui qui tenait la plume pour le Dictionnaire (Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 6, 1863-69, p. 349).La vertu (...) est la cheville ouvrière, le grand facteur du plan divin (Renan, Dialogues philos.,1876, p. 38). 2. Servant de tenon pour accrocher (quelque chose). ... et le fusil du grand-père, qui demeure suspendu, au-dessus de la cheminée, à la cheville où il l'attacha lui-même pour la dernière fois (A. France, Nos enfants,1887, p. 2). − Vente, commerce à la cheville. Vente de viande en demi-gros, en quartiers aux abattoirs : 1. Si elle [Violette] voyait toute cette bidoche, ces quartiers, ces abats accrochés à leurs chevilles, elle flancherait, elle tournerait de l'œil.
A. Arnoux, Paris-sur-Seine,1939, p. 308. 3. P. ext. a) TECHNOL. Cheville à tourniquet. Bâton à serrer la corde qui assure la charge d'une charrette. Rem. Attesté ds Ac. 1798-1932 ainsi que ds la plupart des dict. gén. du xixes. et ds Quillet 1965. b) MUS. Pièce de bois ou de métal, située à la partie supérieure du manche et servant à tendre les quatre cordes de l'instrument pour les mettre en accord : 2. ... après avoir été, comme un musicien qui accorde son violon, longtemps à tourner les chevilles pour que les cordes soient montées les unes par rapport aux autres, dans une tonalité concordante.
Flaubert, Correspondance,1846, p. 426. B.− P. anal. 1. [de forme] a) VÉN. ,,1. Andouiller qui pousse sur les perches de la tête des cerfs, daims et chevreuils. 2. Troisième andouiller du cerf`` (Duchartre 1973). Les bois du Vieux des Orfosses étaient moins amples et moins réguliers : leur empaumure, au lieu des espois d'antan (...) ne portaient plus que des chevilles nouées (Genevoix, La Dernière harde,1938, p. 53). − HÉRALD. Andouillers de la ramure ou du massacre de cerf. Rem. Attesté ds Littré et Nouv. Lar. ill. b) ZOOL. Apophyse osseuse du frontal qui supporte la corne : 3. ... nous allons nous occuper des cornes à chevilles osseuses qui prennent de l'accroissement par leur base, et qui par leur nature ont beaucoup de rapport avec les tégumens.
Cuvier, Lecons d'anat. comp.,t. 2, 1805, p. 612. 2. [de situation] a) Cheville du pied ou cheville. Partie du membre inférieur de l'être humain, située entre l'extrémité inférieure de la jambe et le pied et comprenant l'articulation tibio-tarsienne et les malléoles. Articulation de la cheville; fines chevilles; s'enfoncer jusqu'à la (aux) cheville(s). Une robe grise (...) tombe à plis lourds jusqu'à la cheville arrondie de tes jambes nues (Lamartine, Les confidences,1849, p. 377).La soie verte de la portière le coupait [le pied] juste au-dessus de la cheville, cheville si délicate qu'elle ne pouvait appartenir qu'à une femme (J. Lorrain, Sensations et souvenirs,1895, p. 126).Fig. et fam. Ne pas aller (venir) à la cheville de qqn. Lui être très inférieur. Défauts qui nous limitent et nous empêchent d'arriver à la cheville de nos prédécesseurs (Mauriac, Journal 2,1937, p. 155). b) (Être) en cheville. (N'être) ni le premier, ni le dernier, (être) en intermédiaire. − Lang. des MÉT. Atteler un cheval en cheville. L'atteler devant le limonier et derrière un autre cheval. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. ainsi que ds Lar. 20eet Lar. encyclop. − JEUX. [Au jeu de l'hombre] N'être ni le premier ni le dernier à jouer. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1798-1878, ainsi que ds Lar. 20eet Lar. encyclop. − Arg. Être en cheville avec qqn. Lui être associé : 4. Par exemple, faire arrêter Rochard avec deux ou trois autres, et les accuser d'avoir été en cheville avec Léopold pour préparer un attentat fasciste.
Aymé, Uranus,1948, p. 277. C.− Au fig. 1. VERSIF. Mot de remplissage introduit pour le rythme ou la mesure mais inutile au sens : 5. ... c'était la contexture de ces vers râpeux et gourmés, dans leur tenue officielle, dans leur basse révérence à la grammaire, de ces vers coupés, à la mécanique, par une imperturbable césure, tamponnés en queue, toujours de la même façon, par le choc d'un dactyle contre un spondée. Empruntée à la forge perfectionnée de Catulle, cette invariable métrique, sans fantaisie, sans pitié, bourrée de mots inutiles, de remplissages, de chevilles aux boucles identiques et prévues; cette misère de l'épithète homérique revenant sans cesse, pour ne rien désigner, pour ne rien faire voir, tout cet indigent vocabulaire aux teintes insonores et plates, le suppliciaient.
Huysmans, À rebours,1884, p. 38. 2. Loc. fam. ♦ Il n'y manque pas une cheville. Il ne manque rien à cet ouvrage. Rem. Attesté ds Lar. 19e, Lar. encyclop., Littré, Guérin 1892. ♦ Autant de trous, autant de chevilles; pour un trou il y a vingt chevilles. [En parlant d'une pers.] Qui n'est jamais à court d'arguments ou d'expédients. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1798-1878, ainsi que ds Lar. 20e. ♦ Il ne lui faut plus qu'une cheville pour tenir. [En parlant d'une pers.] Qui n'a plus qu'à se maintenir dans la position à laquelle il est arrivé. Rem. A testé ds la plupart des dict. gén. du xixes. et ds Lar. 20e. Prononc. et Orth. : [ʃ(ə)vij]. [ə] muet noté ds les dict. hist. ainsi que ds Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 (qui transcrit cependant [laʃvij] (sans [ə] en présence de l'art.) ou [laʃfij] par assourdissement de [v] sous l'influence de [ʃ]), Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; [ə] muet noté entre parenthèses ds Pt Rob. et Warn. 1968. Au sujet de [ə] cf. chemin. Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1160 « tige de bois dont on se sert pour assembler des pièces » (Eneas, 249 ds T.-L.); spéc. 1635 cheville ouvrière « cheville qui supporte l'effort principal dans un mécanisme » (Monet, Abr. du parallèle des lang. fr. et lat., Genève, éd. Ouvion); d'où fig. 1700 « personne qui joue un rôle essentiel » (Regnard, Ret. Impr., sc. 4 ds DG); 2. ca 1200 « tenon pour accrocher » (1recontinuation de Perceval, éd. W. Roach, I, 10439); d'où 1845 commerce à la cheville (Besch.) 3. 1599 mus. (H. Hornkens, Recueil de dictionnaires françoys, espaignolz et latins, Bruxelles); 4. av. 1628 fig. versif. (Malherbe, Commentaire sur Des Portes, Œuvres, éd. Lalanne, IV, 463); 5. 1723 « barre de bois lisse sur laquelle on tord les écheveaux de soie apres la teinture » (J. Savary des Bruslons, Dict. universel de comm.). B. Ca 1165-70 anat. (Troie, 16776 ds T.-L.). Du lat. vulg. *cavic(u)la forme dissimilée du class. clavicula (dimin. de clavis « clef »), attesté d'abord au sens de « vrille de la vigne », puis comme synon. de clavis; terme d'anat. en lat. médiév. au xiiies. ds Mittellat. W. s.v., 692, 72. Fréq. abs. littér. : 518. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 333, b) 912; xxes. : a) 918, b) 876. DÉR. 1. Chevillard, subst. masc.,bouch. Boucher en gros, commissionnaire qui vend la viande à la cheville aux bouchers détaillants. Les chevillards parisiens (...) achètent les bêtes envoyées sur le marché de La Villette par des marchands de bestiaux (M. Wolkowitsch, L'Élev. dans le monde,1966, p. 177).Se dit également chevilleur ds Nouv. Lar. ill.-Lar. encyclop.− [ʃ(ə)vija:ʀ]. Pour [ə] muet cf. chemin. − 1reattest. 1863 (Littré); de cheville (comm. à la cheville), suff. -ard*. 2. Chevillier, cheviller, subst. masc.,mus. Partie supérieure du manche sur laquelle sont situées les chevilles. Notre violon n'a plus changé (...). Le manche et l'ardente volute qui fait chapiteau au bout du cheviller (A. Suarès, Voyage du Condottière,t. 1, 1927 [1910], p. 86).Le manche [des violons de J. Arnati] (...) avait les parois du chevillier fort épaisses (Maigne, Maugin, Nouveau manuel complet du luthier,1929, p. 27 [encyclop. Roret]).− Seules transcr. ds Littré : che-vi-llé, ,,ll mouillées``; et ds DG : che-vi-yé (avec yod). Cheviller ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-Nouv. Lar. ill., Littré et Guérin 1892; chevillier ou cheviller ds DG et Lar. 20e; chevillier ds Lar. encyclop. et ds Quillet 1965 (cf. aussi Maigne, Maugin supra). − 1reattest. 1832 cheviller (Raymond); de cheville, suff. -er*, -ier*. 3. Chevillon, subst. masc.,technol. a) Bâton utilisé par les tourneurs et les ourdisseurs. b) Bâton tourné joignant les montants d'une chaise. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. ainsi que ds Lar. 20eet Rob.− [ʃ(ə)vijɔ
̃]. Cf. cheville pour [ə] muet. − 1resattest. a) xiiies. [date des mss] « petite cheville de bois » (Renard, éd. E. Martin, VII, 89 leçon des mss CDEHM ds G. Tilander, Rem. sur le Roman de Renart, p. 105 [éd. Méon 27.877 ds T.-L.]), uniquement en a. fr.; b) emploi techn. 1680, terme de tourneur sur bois et d'ourdisseur (Rich.); de cheville, suff. -on*. BBG. − Feugère (F.). La Volière de Marie de France. Déf. Lang. fr. 1970, no54, p. 10. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Lausberg (H.). Zu französisch cheville « Füllwort ». Arch. St. n. Sp. t. 193, 1957, pp. 294-296. |